Maisons de la culture de Montréal : Montréal où la culture a pignon sur rue
Par Michel Deniers et Suzanne Asselin
En dix ans, le réseau des maisons de la culture s’est imposé comme un outil privilégié du développement culturel montréalais. La ville de Montréal a une longue tradition d’intervention culturelle directe auprès de ses citoyens.
Pensons seulement à l’impact qu’a eu l’Expo 67 sur notre société. Plus récemment, la décennie 1980 aura été celle de la culture à Montréal. La Ville décidait en effet de s’impliquer encore plus activement dans le développement culturel, en mettant sur pied un réseau unique d’établissements culturels : les maisons de la culture.
De 1981 à 1990, douze maisons ont ainsi vu le jour. Sept d’entre elles ont pignon sur rire dans un édifice répondant au concept original des maisons de la culture, quelques-unes logeant dans des bâtiments restaurés et d’autres dans des constructions nouvelles.
Les cinq autres maisons de la culture, soit celles de Maisonneuve, Ahuntsic, Rosemont, Riviére-des Prairies et Pointe-aux-Trembles, ne dispensent pas d’un édifice particulier. Toutefois des agents culturels mettent sur pied une programmation diffusée grâce à d’autres équipements culturels tels que polyvalentes, églises et cégeps. De plus, ces secteurs de la ville bénéficient de bibliothèques de quartier.
La Ville compte aussi deux autres équipements culturels : la Chapelle historique du Bon-Pasteur, vouée à la musique, et le Centre d’histoire de Montréal qui, comme son nom l’indique, est un centre d’interprétation de l’histoire de Montréal. Ces deux établissements sont affilies, au niveau de l’expertise des produits diffusés, au réseau des maisons de la culture.
Les mandats
Le concept des maisons de la culture origine de la volonté municipale de donner aux citoyens un accès à la culture la plus vaste possible. Ainsi leur a-t-on donné deux fonctions essentielles : la diffusion documentaire (fonction bibliothèque) et la diffusion culturelle.
En mettant sur pied un véritable réseau d’équipements culturels et un programme de diffusion et d’intervention innovateur, la municipalité vise aussi plusieurs autres objectifs à moyen et long termes : la décentralisation de la vie culturelle montréalaise ; l’amélioration de la qualité de vie dans les quartiers éloignés ; un appui à l’industrie culturelle et aux artistes d’ici (un million de dollars est retourné annuellement en cachets directement aux artistes et aux producteurs, en très grande majorité de Montréal) ; le développement de nouveaux produits (grâce à la structure de programmation, la relève est nettement favorisée) ; l’intégration harmonieuse des communautés culturelles. Mais surtout, les maisons de la culture veulent être le reflet de la vie de leur quartier.
Un sondage de la firme Léger et Léger indique d’ailleurs que les usagers des maisons de la culture comprennent bien quels en sont les mandats. Ces mandats et objectifs sont périodiquement réévalués. À l’heure actuelle, tant au niveau politique qu’à celui du Service des loisirs et du développement communautaire dont elles relèvent, s’est amorcée une réflexion sur le rôle qu’elles auront à jouer dans un avenir proche. Aux fonctions déjà identifiées, viendrait s’ajouter la fonction animation et les maisons deviendraient des éléments structurants de la politique régionale de développement culturel.
La programmation
La diffusion documentaire (fonction bibliothèque) est intégrée au niveau des bibliothèques de Montréal. On retrouve dans chaque maison un large éventail d’ouvrages sur les sujets les plus variés et clans les formes les plus diverses : livres, journaux et autres périodiques, banques de données informatisées, microfiches, dessins, cartes, plans, enregistrements sonores et audio-visuels. Plusieurs sont dotées de salles de lecture munies de postes d’écoute de cassettes audio et de postes de visionnement de cassettes vidéo. L’informatisation des bibliothèques de Montréal a commencé par celles des maisons de la culture Mont-Royal et Mercier.
La fonction diffusion, pour sa part, est assurée par une équipe d’agents culturels, d’agents techniques et d’animateurs spécialisés. Regroupés en comités d’expertise par discipline artistique, les agents culturels analysent les propositions d’événements soumises à la Ville par les artistes et les producteurs d’ici et d’ailleurs. Ils élaborent un cadre général de programmation à partir duquel chaque agent en région établit une programmation adaptée aux attentes du public d’un quartier.
Des contacts constants avec les autres intervenants municipaux et avec les producteurs et les diffuseurs culturels du quartier, permettent aux agents culturels de vérifier l’impact de leur action et la justesse de leurs choix face aux besoins de la population.
Le mandat des maisons de la culture selon les usagers
Selon l’ensemble des personnes interrogées ayant déjà fréquenté une ou plusieurs maisons de la culture, le rôle principal de ces maisons consiste à :
- promouvoir la culture au niveau local : 32,2%
- informer la population sur les différentes cultures : 23%
- rendre accessibles à la population différentes activités culturelles: 19,3%’
- faire connaître différents artistes : 7,2%
(sondage Léger et Léger, décembre 1990).
Les maisons de la culture proposent des programmations multidisciplinaires. Elles présentent des spectacles, expositions, rencontres, conférences et parfois des ateliers dans les domaines des arts de la scène, de la musique, des variétés, des arts visuels, de l’histoire et du patrimoine. Comme la plus grande partie de la programmation est faite à partir des propositions des artistes eux-mêmes, les produits nouveaux, ceux de « la relève », sont nettement privilégiés (les ressources matérielles et financières influencent aussi le choix de la programmation).
En arts visuels par exemple, la presque totalité des artistes en sont à leur première exposition d’importance à Montréal. Dans d’autres domaines, en théâtre ou en dan.se, les maisons de la culture permettent aux petits producteurs (petites troupes et groupes d’artistes autogérés) de rentabiliser un produit déjà créé en leur assurant une douzaine de représentations, ce qui souvent entraîne une tournée plus importante au niveau national. Les maisons unissent souvent leurs programmations autour d’un même thème (théâtre, danse, approche culturelle d’une communauté donnée) et mettent «en réseau» des événements dont l’envergure peut avoir un réel impact sur le public métropolitain.
Les maisons de la culture sont maintenant solidement implantées clans les quartiers de Montréal. En dix ans, elles ont diffusé gratuitement plus de 6000 événements. La population les utilise fréquemment et le taux de satisfaction est très élevé. Le sondage de la firme Léger et Léger montre que près de 30% de la population de Montréal fréquente occasionnellement ou régulièrement les maisons, et que 91% des usagers sont « très satisfaits » ou « satisfaits » des services.
C’est une performance impressionnante, si on considère que seulement 48% de la population consomme des produits culturels (toutes disciplines confondues) et que près de la moitié de la population ne participe à aucune activité de la société (culture, sport, politique). C’est d’ailleurs un des grands objectifs des maisons de la culture d’associer la grande majorité de la population à cette vie sociale.
(Michel Demers a été chef de la section soutien aux maisons de la culture et Suzanne Asselin a été rédactrice-relationniste, responsable du dossier culturel au Service des loisirs et du développement communautaire de la Ville de Montréal. Les Diplômés, 1991, #374).

Autrefois, avec des emplois salariés qui occupaient six jours de la semaine, il restait peu de temps pour les loisirs, excepté le dimanche, que les clergés protestant et catholique cherchaient à encadrer. Les cinémas et les stades de baseball ont gagné des batailles pour ouvrir ce jour-là, à l’instar des parcs d’attractions de la ville. Le parc Sohmer comprenait un pavillon de 7 000 places assises pour les concerts et les rassemblements de masse, jusqu’à ce qu’il soit la proie des flammes en 1919. Le parc Dominion, reconstruit après un incendie et rouvert pour la saison 1914, était promu comme le Coney Island de Montréal.