Le testament de Samuel de Champlain
Dans les premiers Jours de décembre 16355, Champlain se sentant mortellement atteint, se décida à faire son testament. On suivait alors à Québec la Coutume de Paris, en autant quelle pouvait être observée dans un pays aussi éloigné.
La Coutume de Paris reconnaissait trois espèces de testament : 1 – le testament solennel reçu devant un notaire et deux témoins ; 2 – le testament reçu devant un curé et trois témoins ; 3 – le testament olographe écrit entièrement de la main du testateur.
Par une singulière fatalité, Champlain ne pouvait remplir aucune de ces trois conditions. Il n’y avait pas de notaire régulièrement nommé à Québec. De plus, 1es Jésuites exerçaient bien le ministère paroissial à Québec, mais aucun d’eux n’avait pris et ne pouvait prendre le titre de curé. Quant à la troisième alternative, Champlain ne pouvait, non plus la choisir. Perclus des bras, Champlain avec beaucoup d’efforts pouvait, encore signer sou nom, mais il était absolument incapable d’écrire un testament entièrement de sa main, ainsi que le voulait, la Coutume de Paris.
Sur les conseils du sieur de la Ville, greffier de Québec, qui avait quelques notions de droit, le fondateur de Québec s’avisa de suivre, pour son testament. L’usage des pays de droit, romain et d’appeler sept témoins mâles et pubères, C’est le sieur de la Ville qui rédigea le testament, mais il fut signé par Champlain et les sept témoins appelés.
Par son contrat de mariage, passé à Paris, le 27 décembre 1610, Champlain donnait à sa femme, si elle lut survivait, la jouissance de tous ses biens. Dans son testament, soit qu’il fût affaibli par la maladie ou qu’il présumât que sa femme ne ferait aucune opposition à ses dernières volontés, Champlain mit de côté les clauses de son contrat de mariage. Il légua à la chapelle de Notre-Dame de Recouvrance qu’il avait fondée, tout le mobilier qu’il avait a Québec, trois mille livres placées dans las fonds de la Compagnie de la Nouvelle-France, dont il faisait lui-même partie, en outre neuf cents livres, placées dans une compagnie particulière, et enfin quatre cents livres, c’est-à-dire qu’il instituait, la chapelle de Notre-Dame de Recouvrance, sa légataire universelle. Dans le style naïf du testament, Champlain déclarait qu’il instituait la Vierge Marie pour son héritière.
Hélène Boullé, veuve de Champlain, ne fit aucune opposition a son testament, et le prévôt, des marchands de Paris, à qui il fut présenté pour homologation, le confirma par sa sentence du 11 juillet 1637.
Champlain avait en France une cousine Marie Camaret, mariée à Jacques Hersan, contrôleur des traites foraines et domaniales de La Rochelle. Elle avait entendu parler des conditions particulières dans lesquelles le testament du fondateur de Québec avait été fait. S’imaginant que ce cousin d’Amérique laissait une fortune considérable, elle se décida à attaquer son testament devant les tribunaux. Bon avocat, maître Boileau invoqua surtout deux raisons. Il prétendit que le testament n’étant pas conforme au contrat de mariage devait, de ce seul chef, être annulé. Il ajouta que le testament avait été fabriqué, à cause de l’esprit de piété qu’il respirait. Champlain y déclarant, qu’il instituait la Vierge Marie pour son héritière.
Le procureur général Bignon réfuta cette dernière allégation. Après avoir fait remarquer à la cour que madame de Champlain avait reconnu elle-même que le testament était signé de la propre main de son mari, il démontra que le style de cette pièce n’avait rien qui ne convint a un acte de dernières volontés ni a la personne du défunt, que l’on sait, ajouta-t-il, « avoir été assez accoutumé à se servir de paroles bien chrétiennes pour avoir voulu sur ce sujet, témoigner par exprès des sentiments particuliers d’une âme pieuse et catholique ».
Sur le premier point cependant, le procureur général Bignon se rangea de l’avis de l’avocat Boileau. Tout en reconnaissant l’authenticité du testament, il demanda à ce qu’il fût, déclaré nul comme contraire au contrat de mariage.
La cour du testament, de Champlain n’a jamais été publié, nous ignorons même s’il existe encore.