L’Amérique frappée de stupeur
La navette Challenger explose après avoir décollé.
Sur la tribune de Cap Canaveral, les enfants applaudissaient lorsque Challenger a décollé. Ils n’ont pas compris tout de suite ce qu’était cette boule de feu dans le ciel de Floride.
Ils avaient craint que le ciel couvert d’hier ne leur cache le départ de ce vol historique, qui, pour la première fois, emportait dans l’espace un civil, l’institutrice Christa McAuliffe.
Mais l’événement qui devait être une fête, a tourné au tragique lorsque Challenger, en une horrible seconde, s’est transformé en une horrible boule de feu.
Plusieurs spectateurs pensèrent d’abord que l’explosion n’était que la séparation, certes, impressionnante de la navette et des fusées. Les enfants, venus de Concord, dans le New Hampshire, pour encourager leur institutrice, continuaient à crier des hourras.
Quelques secondes plus tard, les haut-parleurs de la NASA annonçaient qu’il avait apparemment un problème grave. Le silence se fit, et tous regardaient la colonne de fumée, se demandant ce qui s’était passé.
Dans les gradins, où les familles des sept astronautes de Challenger assistaient également au décollage spectaculaire de la navette, tout le monde éclatait en sanglots.
*
Les enfants hurlaient. Les parents, essayant de les consoler, essuyaient leurs propres larmes. « Oh, Dieu du ciel », sanglotait Mary Wuellenweber, de Concord, en essayant de réconforter un enfant en pleurs.
Scott McAuliffe, neuf ans, n’était pas avec ses camarades de classe dans les gradins quand le vaisseau emportant sa mère a décollé. Il était avec son père, Steven, sa sœur Caroline, six ans, et d’autres membres de la famille dans un bâtiment spécial d’observation, près de la tribune.
Le directeur de l’école de Mme McAuliffe, Clint Cogswell, éloigna immédiatement les enfants des gradins, et les mena jusqu’à leur car, où ils montèrent en pleurant toujours.
Les parents de Mme McAuliffe, Ed et Grace Corrigan, de Framinghan, Massachusetts, ont assisté au décollage depuis les gradins, main dans la main et en silence. En attendant l’annonce, ils parurent frappés de stupeur.
Quelques instants plus tard, un responsable de la NASA s’est avancé vers eux et leur a dit: « Le véhicule a explosé ».
Mme Corrigan l’a regardé, et a répété les mêmes mots comme pour une question. On les emmena, serrés l’un contre l’autre. Elle s’essuyait les yeux remplis de larmes.
Pendant ce temps, dans l’école de Concord, où Christa McAuliffe enseignait, les enfants ont d’abord applaudi vigoureusement lorsque la navette Challenger s’est élancée de la tour de lancement. Puis ce fut le silence complet au moment de l’explosion du véhicule spatial.
*
Le principal de l’école, M. Charles Foley, ordonna alors qu’on interdise l’accès des lieux aux journalistes et aux photographes. Les élèves, en pleurs, quittèrent l’école les larmes aux yeux en baissant la tête.
Les enfants n’étaient pas seuls à être prostrés. L’Amérique entière s’est arrêtée plusieurs heures à la suite de la tragique explosion de la navette Challenger avec son équipage de sept astronautes. Mais passés la stupeur et les larmes, le mot d’ordre unanime était: l’aventure spatiale continue…
L’émotion ressentie aux États-Unis a rappelé celle qui a suivi l’assassinat du président John Kennedy en 1963.
À Chicago, les transactions ont été suspendues sur le parquet de la bourse.
C’est arrivé le 22 janvier 1986.
Voir aussi :
