Québec perd en Cour suprême : Les lois 70 et 105 adoptées en 1982 étaient inconstitutionnelles
S’il était évidemment heureux de l’économie de plusieurs millions $ que représente la décision rendue hier par la Cour suprême du Canada pour 35000 enseignants et autres employés du gouvernement du Québec et pour leurs syndicats, le président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Gérald Larose, s’est dit non surpris de ce jugement.
Le président de la CSN s’attendait bien, en effet, que le plus haut tribunal du Canada allait déclarer inconstitutionnelles les lois 70 et I05 sur la rémunération et les conditions de travail dans le secteur public québécois. Le gouvernement du Québec avait adoptées ces lois en I982. La seule chose qui a étonné M. Larose est le fait que les neuf juges de la Cour suprême aient rendu leur décision séance tenante, après s’être absentés seulement quelques minutes. Sans même avoir pris la peine d’entendre la plaidoirie des avocats représentant la partie syndicale.
Trois employés syndiqués du Québec, l’enseignante Linda Collier, du collège John Abbott île Sainte-Anne-de-Bellevue. ainsi que Pierre Brunet et Louis Albert, tous deux de Quebec, comparaissaient alors devant la Cour suprême.
Au cours des dernières années, représentant en quelque sorte les quelque 35000 employés du Québec ayant été accusés d’avoir fait illégalement la grève en janvier 1983, ils ont défile successivement devant trois tribunaux. (La Cour des sessions de la paix, la Cour supérieure et la Cour d’appel), qui leur ont tous donné raison.
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Essentiellement, ces syndiqués reprochaient au gouvernement du Québec de ne pas s’être conformé â la Loi constitutionnelle de I867. En ne présentant pas dans les deux langues officielles du Canada les volumineux décrets accompagnant les législations de 1982.
On se souvient que la loi 70 avait notamment eu pour effet de prolonger jusqu’au 1er avril 1985 la convention collective. En effet, elle devait expirer le 31 décembre I982, rendant ainsi illégal l’arrêt de travail de janvier 1983. On a adopté les lois 70 et 105 dans les deux langues. Pourtant les décrets eux-mêmes, qui comprenaient le détail des mesures salariales et des conditions de travail et qui constituaient quelque 80000 pages de tests, on les a déposées en français uniquement.
Gérald Larose a indique, hier, que le recours à une loi rendant obligatoire l’usage de l’anglais dans les textes législatifs québécois ne trouble pas outre mesure la CSN. Devant les tribunaux, at- il dit, on n’a pas le choix des armes.
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On doit se battre avec les lois existantes telles qu’elles existent. Il a rappelé que l’avocat de Quebec Guy Bertrand, «que l’on ne peut pas taxer de grandes sympathies fédéralistes», a aussi allégué que la loi ayant trait à la fusion des villes de Rouyn et de Noranda n’avait aussi été adoptée qu’en français.
Le président de la CSN a aussi souligné sa satisfaction à la suite de la décision rendue hier en émettant le commentaire suivant. « Lorsqu’on se reporte dans le contexte dans lequel ces lois ont été adoptées, cela montre que lorsque c’est le gouvernement employeur qui est interpellé et non le législateur. Il a plutôt tendance à boucler vite son travail en faisant adopter des lois à toute vapeur qui laissent des traces. En de telles circonstances, on voit que le gouvernement a tendance à être beaucoup plus vite à réprimer qu’à trouver des solutions aux problèmes par la voie de la négociation.»
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Pour Gérald Larose, la décision de la Cour suprême «vient finalement réparer une situation qui aurait pu à l’époque se régler tout autrement. Non par l’adoption de décrets tenant lieu de convention collective pour l’ensemble des travailleuses et des travailleurs du secteur public.»
Le président de la CSN dit également souhaiter que le gouvernement du Québec «tirera profit de ce jugement pour régler les inconvénients causés à des milliers de travailleuses et de travailleurs de l’éducation. Cela en ce qui a trait à la Loi 111 pour laquelle les procédures juridiques suivent toujours leur cours. Aussi en ce qui concerne la Loi 150.»
La décision d’hier de la Cour suprême a pour effet d’acquitter les quelque 35000 enseignants et autres employés du gouvernement du Québec d’avoir participé à une grève illégale en janvier 1983. Elle fait pourtant disparaître d’un seul coup la menace pesant sur eux et sur leurs syndicats. La justice pouvait éventuellement les condamner à verser des amendes.
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Ces amendes pouvant s’élever théoriquement jusqu’à 14 millions $. (Et de façon plus réaliste jusqu’à 8 ou 10 millions$). Les individus accusés étaient effectivement passibles d’amendes de 25$ à 100$. Les dirigeants syndicaux de 1000$ à 10000$. Finalement, les syndicats de 5000$ à 50000$.
À elle seule, la CSN comptait quelque 10000 de ses membres exposés à de telles mesures. Les autres personnes menacées étant membres notamment de la Centrale de l’enseignement du Québec. Aussi du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec.
En fin d’après-midi, hier, le ministre québécois de la Justice, Gil Rémillard, a indiqué qu’il ordonnera de mettre fin aux procédures judiciaires contre les syndicats et les syndiqués ayant participé à la grève de janvier 1983.
(Cette nouvelle date du 1er mars 1990).
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