Lévesque accuse Trudeau

Lévesque accuse Trudeau de trahison flagrante

Lévesque accuse Trudeau : « Le projet qu’a dévoilé le premier ministre fédéral (de rapatrier la constitution) est injustifiable politiquement, insultant et menaçant pour les provinces et représente une atteinte directe et pernicieuse à certains de nos droits les plus essentiels. Il constitue une trahison flagrante des espoirs de renouveau que le même M. Trudeau avait fait flotter dans le paysage pendant la campagne référendaire.

C’est par ces mots très durs — et bien pesés, a-t-il précisé — que le premier ministre du Québec, René Lévesque, a réagi hier (pour 3 octobre 1980) soir à la décision fédérale de rapatrier unilatéralement la constitution et d’imposer une Charte des droits qui rend illégaux certains articles de la loi 101.

M. Lévesque a tenu ces propos devant l’auditoire partisan que constitue le Conseil national de son parti mais il a précisé qu’il ne parlait pas en tant que chef du PQ mais comme premier ministre du Québec. Dans un moment aussi grave, a-t-il ajouté, il faut laisser tomber les attitudes partisanes.

C’est pourquoi, avant d’arrêter les moyens qu’emploiera le Québec pour s’opposer à cette tromperie proprement inqualifiable » , M. Lévesque prendra quelques jours pour consulter ses députés et ses ministres, bien sûr, mais aussi les partisans d’opposition. Il a également conversé hier avec quelques-uns des premiers ministres des autres provinces et s’est dit d’accord pour participer à une réunion avec ses homologues d’ici à deux semaines.

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M. Lévesque n’a pas ménagé les reproches à M . Trudeau qu’il a qualifié d’homme politique obsédé. Citant les deux premières phrases de son discours de jeudi , dans lequel le premier ministre du Canada faisait naîtra ce pays il y 113 ans, M. Lévesque a dit: « Nulle part il n’a été question d’une histoire ou de racines plus longues. Pourtant notre pays n’a pas 113 ans mais bien 372 ans. L e Québec est trois fois plus ancien que le régime fédéral. »

Parlant des raisons de s’opposer au geste de M. Trudeau, M. Lévesque surtout insisté sur «une proposition vertueusement cachée dans une Charte des droits et qui viendrait nous arracher un pan important de nos pouvoirs absolus en matière d’éducation, que nous avions obtenu en 1967».

Rappelant que M. Trudeau avait justifié sa décision de protéger constitutionnellement les droits linguistiques par le consensus intervenu entre les provinces à Montréal, en 78, alors qu’elles s’étaient engagées à donner l’enseignement dans leur langue maternelle dans leur là où le nombre le justifiait, il lui a reproché d’avoir ignoré le deuxième paragraphe de ce consensus.

Les provinces y disaient clairement qu’en raison de leur compétence exclusive en matière d’éducation, il appartenait à chacune d’elles de définir comme elles l’entendaient l’application de ce qui précède.

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M. Lévesque a aussi reproché à son homologue fédéral de ne choisir que les consensus qui lui plaisaient et d’avoir ignoré les plus récents intervenus entre les provinces à la conférence constitutionnelle d’Ottawa.

Acerbe envers le premier ministre ontarien, Bill Davis. M. Lévesque a noté que le désir de bilinguisme de M. Trudeau n’était pas allé plus loin que ce qu’acceptait M. Davis, de sorte que seul le Québec et le Manitoba seront tenus d’adopter les lois et d’administrer la justice dans les deux langues.

Il a par ailleurs eu un bon mot pour le chef conservateur Joe Clark , le seul leader fédéral à avoir parlé des droits du Québec alors qu’il n’avait pas de raisons électorales de se rappeler qu’ils existaient.

Par ailleurs, revenant à des préoccupations plus partisanes, le chef du Parti québécois a affirmé qu’il n’est pas question d’abandonner, ni d’oublier l’option de base du PQ, la souveraineté – association. «Ce serait trahir les 10 pour cent et plus de Québécois qui ont voté oui.»

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M. Lévesque a toutefois indiqué qu’il cherchera à éviter que les prochaines élections générales ne soient transformées en un deuxième scrutin référendaire, affirmant, du même souffle, que le meilleur moyen de réaliser, un jour, la souveraineté – association, c’est de conserver le pouvoir.

Le premier ministre Lévesque n’a cependant pas précisé comment il évitera le piège de débattre, à nouveau, de constitution avec ses adversaires. Il s’est contenté de révéler quelques-uns des grands thèmes qu’il s’efforcera de maintenir au centre de la prochaine campagne électorale : performance économique exceptionnelle de son administration, citation du Financial Times à l’appui ; lutte au chômage dont sont victimes les moins de 25 ans; nouveaux investissements dans l’hydro-électricité; «déchinoisement» des appareils administratifs; revenu minimum garanti pour tous…

Aujourd’hui et demain, les délégués péquistes s’appliqueront à adopter leur prochaine plate-forme électorale.

(Cette nouvelle paraît dans le journal La Presse le 4 octobre 1980).

Voir aussi :

Trudeau et Lévesque Lévesque accuse Trudeau
René Lévesque et Pierre-Eliott Trudeau, personnages de la période. Photo de GrandQuebec.com (Musée Grévin)

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