Le Jury

Le Jury

Par Dollard Dansereau, C.R., Substitut du Procureur de la Couronne, texte paru dans l’Action Universitaire, en mai 1948

Son origine

Le jury tel que nous le connaissons est d’origine anglaise. Le mot, à défaut d’autre preuve, l’indique suffisamment. Quelques juristes ont voulu lui donner des lettres de noblesse en le faisant descendre des Grecs et des Romains: cette doctrine est abandonnée. C’est à peine si l’on admet une vague communauté d’inspiration entre le jury anglais et certaines formes de l’organisation judiciaire primitive des pays Scandinaves.

Un juriste français moderne, Toulemon, par ailleurs adversaire acharné du jury, en fixe la naissance à 1215. On pourrait croire qu’il a choisi cette date à cause de la Grande Charte, signée cette année-là et qui consacre en l’un de ses articles l’existence du jury. Notre Français est plus ingénieux : il préfère se souvenir que 1215, c’est l’année du Concile de Latrau ‘qui a interdit le jugement de Dieu ou ordalie. De là il conclut qu’en supprimant l’ordalie, l’Église rendait le jury nécessaire.

Il ajoute même que le chiffre douze a été adopté par les juges de l’époque parce que c’était le nombre des apôtres.

Comme c’est le cas de la plupart des institutions humaines qui existent depuis des siècles, l’origine du jury prête à toutes sortes de conjectures. Celles de Toulemon en valent d’autres. L’influence de l’Église à cette époque était dominante et avait parfois des conséquences inattendues. Il est fort possible que le jury compte douze membres parce qu’il y a eu douze apôtres. Il est probable que la disparition des ordalies a eu pour effet d’accroître le nombre des procès par jury. Le souvenir des grandes assises romaines a vraisemblablement influé sur l’évolution du jury au moyen âge. Une chose certaine, c’est que la noblesse anglo-normande, pressurée par Jean-sans-Terre, voulait être jugée par ses pairs, non plus par les favoris du souverain. Sans donc mettre une date précise à l’origine du jury, on peut affirmer que c’est au treizième siècle qu’il a pris place parmi les institutions permanentes de l’Angleterre.

Dès le début, on a fait appel au jury dans les affaires civiles comme dans les procès criminels. Néanmoins, sous Guillaume le Conquérant et ses premiers successeurs, ce sont plutôt des témoins qu’on appelait jurés. Ils étaient recrutés parmi les parents, les amis et les voisins des parties, parce qu’ils étaient censés mieux connaître les faits du litige.

Le juge les interrogeait sur le caractère des personnes en cause, sur les lieux dont il pouvait être question dans le débat, sur les faits, mais à la fin c’est lui seul qui jugeait. A cette époque, les jurés n’étaient pas nécessairement douze; ils pouvaient être plus ou moins nombreux, au gré des juges. Le juré qui n’avait pas rempli sa fonction d’une manière satisfaisante, était condamné à l’amende, non pas comme juré mais comme faux témoin.

Ce n’est qu’après deux siècles et même davantage que les jurés, maintenant recrutés par tirage au sort, sont devenus des auxiliaires du juge, appelés à se prononcer souverainement sur les faits. Leur nombre est maintenant fixé à douze. On les choisit parmi les pairs ou égaux des parties intéressées : le baron est jugé par des barons, le vilain par des vilains. C’est le shérif, alors comme de nos jours, qui convoque les jurés. Chacun tient à honneur d’accomplir cette charge et le jury anglais a son martyrologe. Sous les Tudors et les Stuarts, on a vu des jurés emprisonnés et ruinés pour avoir refusé de rendre le verdict qu’on attendait d’eux.

En France, le jury n’est apparu qu’en 1791. Quelques années auparavant, on avait supprimé la question. Tous les citoyens venaient d’être proclamés égaux. Le jury, institution anglaise en cette période d’anglomanie, fut présenté comme une réforme hautement démocratique: les conventionnels se souciaient peu que l’Angleterre, pays d’origine du jury, fût une monarchie.

L’homme de Jean-Jacques, naturellement vertueux, se constituait le juge de son frère: c’est ça qui était démocratique! Vous imaginez les magnifiques discours des conventionnels sur le sujet! La plupart des pays d’Europe, dans les quelques années qui suivirent, à l’exemple de la France, pour les mêmes raisons et avec le même enthousiasme, ont accommodé à leur manière le jury pour en faire un symbole des institutions libres et démocratiques.

La Capitulation de Montréal et le Traité de Paris avaient rendu les Canadiens sujets du roi d’Angleterre. De 1763 à 1774, le droit anglais fut seul appliqué en notre pays. Nos pères firent connaissance avec le jury, car cette institution n’existait pas plus en Nouvelle-France qu’en France, sous l’ancien Régime. Les Canadiens ne prisèrent pas plus le jury que le reste des choses anglaises introduites de force en leur pays. Sur la recommandation de Sir Guy Carleton, le procès par jury en matière civile fut supprimé par l’Acte de Québec de 1774, qui rétablissait le droit civil français. Devant les récriminations des Néo-Canadiens de langue anglaise, il fallut néanmoins rétablir le jury en 1785. En conséquence, nous avons le procès par jury en matière criminelle depuis 1763, et en matière civile, sans interruption depuis 1785.

Le jury en matière civile

D’après une jurisprudence constante, le procès par jury en matière civile est un droit d’exception. C’est un privilège qui n’est accordé que dans les rares cas prévus par le code de procédure civile et les formalités doivent en être observées rigoureusement. Il faut en premier lieu que le montant en litige excède mille dollars. C’est une règle dont la sagesse apparaît dès qu’on songe aux frais qu’entraîne une telle procédure. L’enquête a lieu devant douze jurés qui reçoivent chacun une légère indemnité de déplacement. C’est une observation courante que toute instruction devant le jury prend plus de temps que devant un juge seul. Chaque partie doit rédiger, en plus des déclarations ordinaires, un sommaire des faits et un questionnaire à l’usage du jury. Il faut plus de copies de documents. On peut affirmer qu’un procès par jury coûte deux fois plus cher qu’un procès ordinaire.

La loi n’autorise en outre le procès par jury en matière civile que dans deux cas : lorsqu’il s’agit d’un litige portant sur des affaires commerciales ou d’une demande d’indemnité à raison d’une faute civile.

Les procès par jury en matière commerciale se font de plus en plus rares. On les a maintenus en notre province pour complaire à ces Néo-Canadiens dont je parlais tout à l’heure, férus de leur droit préfèrent s’en rapporter à un juge seul. Je pourrais ajouter que les jurés, dans les affaires commerciales parfois si complexes, font piteuse figure. Le procès par jury en matière commerciale rappelle ces assises du moyen âge, quand les juges s’entouraient de marchands pour se faire guider dans le dédale des usages commerciaux, sauf qu’à notre époque, le juré n’est pas toujours un marchand et, très souvent, s’y connaît encore moins que le juge. C’est dire qu’en matière commerciale, le procès par jury est presque une spéculation sur l’incompétence des jurés, à moins que ce ne soit un moyen de chantage.

Quand la responsabilité provenant d’une faute civile entre en jeu, on peut recourir au jury. C’est le cas le plus fréquent, quoique même en cette matière, les procès par jury demeurent exceptionnels, surtout en dehors de Montréal. La plupart des débats de cette nature ont pour cause un accident. Le jury doit rechercher si l’auteur présumé de l’accident en est responsable et, dans l’affirmative, il a le devoir de fixer l’indemnité recouvrable par la victime. La loi exige que le verdict du jury dans un procès civil soit motivé c’est-à-dire, par exemple, que si les jurés sont d’avis que le défendeur a commis une faute civile dont il doit réparation, ils doivent indiquer en quoi cette faute a consisté.

C’est là qu’on peut constater la faiblesse de l’institution: il n’y a rien de plus difficile que de trouver en certains cas la faute qui a été la cause véritable d’un accident. J’imagine le cas suivant: Deux automobiles entrent en collision au croisement de deux rues. L’un des véhicules circulait dans l’une de ces rues que l’édilité montréalaise a décidé d’appeler « boulevard » ; l’autre, pas. Le jury doit déclarer dans son verdict : Nous trouvons tel automobiliste responsable de l’accident parce qu’il n’a pas cédé le passage à celui qui avait la priorité, et c’est seulement cette faute qui a été cause de la collision. Après quoi, le jury fixe le quantum des dommages-intérêts, item par item.

Il y a des juges expérimentés qui hésitent pendant des jours avant de se prononcer de la sorte, à cause de la complexité des circonstances qui peuvent avoir entouré un accident. Les jurés, eux, malgré leur inexpérience, doivent en décider après une heure ou deux de délibération.

Toulemon dirait qu’ils reçoivent assurément les lumières du Très-Haut pour trancher aussi rapidement une question litigieuse. Lord Mansfield, l’un des plus grands juristes de l’Angleterre au dix-huitième siècle, quoique partisan du jury, signalait les inconvénients d’un pareil système d’une manière magistrale qui a été souvent reprise depuis. En 1948, le Conseil du Barreau de Montréal, sur l’invitation du juge en chef de la Cour Supérieure, le Juge Tyndale, après étude du procès par jury en matière civile, en recommandait l’abolition. Toutefois, en assemblée générale, le Barreau revenait sur la décision de son Conseil. Il y a une quinzaine d’années, le Gouvernement de Québec fut près d’adopter une loi pour supprimer le jury en matière civile. On reproche aux jurés leur inexpérience et leurs préjugés. Il est vrai que le jury, en matière civile comme en matière criminelle, n’est appelé à se prononcer que sur les faits, qu’il doit suite les instructions du juge sur le droit. D’un autre côté, surtout en matière civile, les questions de droit et de fait s’entremêlent si bien que les jurés y perdent leur latin. De plus, si vous êtes millionnaire ou si vous représentez une compagnie d’assurance, évitez le jury, car vous risquez non seulement de perdre votre cause, mais encore vous serez probablement condamné à payer une indemnité disproportionnée avec la faute que vous aurez commise et les dommages que vous aurez causés.

Les partisans du jury en matière civile se recrutent parmi les avocats qui représentent le public, parmi les insolvables et parmi les anglomanes. A Montréal, les rôles de la Cour Supérieure sont en retard au point qu’il faut attendre au moins deux ans pour qu’une affaire civile ordinaire soit entendue en première instance devant un juge seul. Or, le rôle des procès par jury est moins encombré, de sorte qu’en optant pour ce mode d’instruction, l’affaire sera jugée dans l’année. C’est la première raison qui engage les avocats à choisir un procès par jury. De plus, celui qui a pour client une victime sympathique et pour adversaire une compagnie d’assurance, le Tramway de Montréal ou le Gouvernement, préfère le jury parce qu’il croit avec raison que l’indemnité sera plus élevée. C’est à tel point vrai que le procès par jury est devenu quelque chose dans bien des cas comme un moyen de chantage pour forcer les plaideurs riches à régler en grands seigneurs.

Le jury en matière criminelle

Le public connaît mieux le procès par jury en matière criminelle depuis que la presse ouvre si largement ses colonnes aux histoires même les plus malodorantes de la Cour d’Assises. Tous savent que le jury se compose de douze hommes dont les noms ont été pigés au hasard dans les listes de propriétaires du district judiciaire où ils sont appelés à siéger. Certains débats célèbres nous ont appris qu’il faut l’unanimité du jury pour que le verdict soit valable, qu’autrement le président du tribunal doit ordonner un nouveau procès. Enfin, nous pouvons tous citer des verdicts au moins étonnants rendus au cours des dernières années, en notre pays non moins qu’à l’étranger.

La première qualité d’un juré, c’est qu’il soit sujet du pays. À Montréal, il doit être sujet canadien. De plus, en matière criminelle, les accusés ont le privilège d’exiger un jury de langue française ou de langue anglaise. J’ai vu un Russe auquel on demandait quelle était sa langue maternelle. « Le russe, » répondit-il avec raison. Mais quel jury voulez-vous ? « Un jury russe ». Il a dû accepter un jury de langue anglaise en vertu de ce principe qu’au Canada, tout ce qui n’est pas français est anglais.

L’instruction et les débats se font dans la langue du jury. Lorsqu’un témoin de langue française ou de langue anglaise est entendu devant un jury de langue différente, on mande un interprète qui au fur et à mesure traduit questions et réponses.

De plus, la loi insiste pour que le jury soit impartial. On fait prêter à chacun de ses membres serment qu’il rendra verdict suivant la preuve. Le président du tribunal explique que chacun doit faire abstraction de ce qu’il peut avoir appris à la lecture des journaux ou autrement.

Les avocats ont le privilège d’interroger chaque personne appelée à siéger comme juré, afin de savoir si elle est vraiment impartiale et digne de juger son semblable. Le ministère public comme la défense peuvent récuser péremptoirement, c’est-à-dire sans explication, quiconque leur paraît inapte à remplir la fonction de juré. Celui qui est trouvé partial ne peut faire partie du jury. Bref, on cherche à prendre toutes les précautions pour assurer à ce point de vue un procès juste à l’accusé.

La règle de platine du procès par jury, en droit criminel et en droit civil, c’est que le jury doit se prononcer sur les faits, mais en leur appliquant les principes de droit que lui explique le juge. Celui-ci, en conséquence, leur expose quelle est la loi en l’espèce et les adjure de s’y conformer strictement. Le jury est obligé, sous son serment d’office, de suivre les instructions du juge en matière de droit. On lui dit: « Si vous êtes d’avis que les choses se sont passées de telle façon, vous devez conclure ainsi, parce que c’est la loi. Si vous croyez, après avoir entendu les témoignages, que l’accusé a accompli l’acte qu’on lui reproche, vous devez le trouver coupable de tel crime ». Le juré n’est pas libre de changer la loi au gré de sa fantaisie pour la plier à ce qu’il croit être plus équitable. C’est l’État seul qui a le droit de priver un homme de sa liberté ou de sa vie; c’est l’État seul qui doit dire dans quelles conditions un châtiment doit être infligé. Laisser au jury le soin de fixer la peine en déterminant le crime, ce serait le constituer souverain et tel ne peut être le vœu de la véritable autorité souveraine.

Le jury est quelquefois porté à oublier ses devoirs sur ce point pour donner ce qu’on appelle une « chance » à l’accusé; c’est là détourner la loi : un juré qui agit de la sorte est infidèle à son serment d’office.

Sans cette règle, le jury serait une institution anarchique qui soumettrait à l’arbitraire de douze hommes choisis au hasard un débat souvent épineux dont dépendent la fortune, la liberté et parfois la vie des citoyens. C’est parce que trop souvent le jury n’obéit pas à cette règle qu’il s’est créé tant d’ennemis parmi les gens éclairés.

Il n’est pas toujours facile d’arrêter l’attention de douze hommes attrapés à la volée sur des faits qui les touchent plus ou moins. On les voit, pendant les longues heures d’audience, se remuer sur leurs sièges capitonnés. Cette consigne de ne parler avec personne du dehors les fatigue visiblement. A Montréal, dans la salle commune du jury, on trouve un appareil de radio, des livres, des revues, des journaux dont on a soigneusement enlevé tout ce qui peut se rapporter au procès qu’ils sont appelés à juger. L’État leur verse une légère indemnité, les nourrit, les loge confortablement. Malgré cela, combien d’appelés qui se démènent pour n’être pas élus! Ceux qui restent, après avoir écouté silencieusement de longs témoignages, se font asséner au moins deux discours par les avocats avant de recevoir enfin les dernières instructions du juge. Alourdis de tous ces renseignements, les jurés entrent en délibération, à huis-clos, pour revenir parfois seulement trois ou quatre heures après.

Celui-là avait raison qui a dit que c’est un devoir d’être juré : il suffit d’avoir assisté à un procès aux Assises pour s’en rendre compte.

Le jury, pendant ses délibérations, se choisit un président qui répondra pour lui à la question fatidique du greffier de la Cour d’Assises : « Messieurs les membres du jury, quel est votre verdict? » Quand ils ont trouvé l’accusé coupable, la plupart des jurés n’osent pasle regarder quand ils entrent dans la salle d’audience pour rendre verdict. Suivant le verdict du jury, le président du tribunal doit libérer l’accusé ou lui imposer la sentence prévue par la loi. Les tribunaux d’appel n’interviennent pas pour reformer un verdict, à moins que ce verdict ne soit manifestement déraisonnable, auquel cas ils le corrigeront ou ordonneront un nouveau procès. Contrairement à ce qui se passe dans les procès civils, le jury en matière criminelle ne doit pas motiver son verdict.

La question du jury

En 1930, Georges London, chroniqueur judiciaire français de réputation mondiale, déclarait ceci : « Mon opinion sur le jury? Il a actuellement mauvaise presse. Avouons qu’il l’a bien mérité. L’année 1928 plus que toutes autres aura montré l’illogisme et l’incohérence de cette justice populaire dont on a dit un peu pompeusement qu’elle était aussi liée à la démocratie que le suffrage universel à la république.

Ah! les mots ! Pour ma part, estimant que le jury ne mérite aucune indulgence, je suis porté à le condamner sans circonstances atténuantes ».

Georges London n’est pas seul de cet avis en France. C’est la non-professionalisation du jury qui lui vaut la plupart des critiques. Les juristes sont, pour la plupart, d’opinion que la vérité judiciaire serait plus sûrement atteinte par des spécialistes, c’est-à-dire par des juges.

Un juriste italien va jusqu’à écrire: « J’ai dit que la justice criminelle (avec le jury) devenait une loterie: on ôte la balance des mains de la justice pour y substituer l’urne » (Carrara). On s’élève contre le fait qu’en pratique, le verdict du jury est sans appel. En notre province, par exemple, cinq juges de la Cour d’Appel sont trouvés plus légers que douze jurés, car les arrêts de la Cour d’Appel sont sujets à révision par la Cour Suprême : les verdicts des jurés sont quasiment intangibles.
Il coulera bien de l’eau dans le Saint-Laurent avant qu’un juriste admette que cinq juges d’une cour d’appel sont moins compétents que douze jurés. C’est à croire que le procès par jury a remplacé l’ordalie et qu’on veut lui prêter la même autorité qu’au jugement de Dieu.

Nous avons dans notre province le jury du coroner qui s’apparente aux plus insipides jurys d’Europe. Ils sont six, cueillis au passage, rue Notre-Dame ou Craig. Ils ne reçoivent aucune indemnité et n’en méritent guère. Ce sont des adversaires acharnés de l’automobilisme sous toutes ses formes, y compris le transport en commun dans les tramways.

Trouver quelqu’un criminellement responsable d’un accident ne pèse guère à nos jurys du coroner. Le président du tribunal, soit, à Montréal, le coroner Duckett ou le coroner Hébert, a beau s’évertuer à expliquer la loi aux jurés, ceux-ci ont l’air de s’en moquer éperdument.

Quant à moi, je suis convaincu que le public se trouverait mieux de la disparition du jury du coroner, et je ne connais personne qui se lèverait pour le défendre.

Le procès par jury en matière civile jouit d’une popularité suspecte à Montréal. Dans le reste de la province, on n’en use guère. Sommes-nous à la veille de le voir disparaître ? Il semble plutôt que les procès par jury se feront toujours plus rares, mais que l’institution se perpétuera longtemps. Je ne voudrais pas être celui qui supprimera le procès par jury en matière civile, quoique je n’en aie jamais usé.

Le jury a rendu service au public en contribuant à faire augmenter les indemnités auparavant trop basses payées aux victimes d’accidents.

Il est regrettable qu’à Montréal l’encombrement des rôles cause aux plaideurs des ennuis qu’ils cherchent à éviter par tous les moyens, y compris le choix d’un procès par jury dans des affaires qui seraient décidées à meilleur compte et mieux par des juges seuls.

En notre province, le jury d’Assises ne paraît pas donner prise aux critiques qu’on lui fait en Europe. Ce sont, en France, les procès politiques surtout qui ont donné lieu à des verdicts scandaleux. Il n’y a. Dieu merci! que très peu de procès politiques en notre province.

Je ne crois pas qu’en matière criminelle, dans l’état actuel de nos mœurs, on puisse trouver mieux que le jury pour décider des affaires d’importance capitale. Même si nos jurés s’ennuient copieusement à l’audience, ils apportent à l’accomplissement de leur tâche une conscience qui leur fait honneur. Exceptionnellement, quelque tête forte se glisse dans un jury qui risque de détraquer la machine; pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps, un mauvais juré ne suffit pour faire condamner une institution qui a subi victorieusement l’épreuve du temps.

Le jury, comme toute autre institution humaine, n’est pas parfait.

La tâche de trouver la vérité n’est pas facile, surtout quand les témoins ont intérêt à mentir. La loi elle-même n’est pas parfaite. Il ne faudrait pas charger le jury de toutes les insuffisances qu’un procès peut révéler. Nos législateurs, se rendant compte que le jury en matière civile était d’une utilité discutable, ont vu à en limiter l’usage. Il sont supprimé le Grand Jury, dont je n’ai pas cru à propos de vous entretenir ; ils devraient envoyer le jury du coroner aux mêmes oubliettes.

Quant au jury d’Assises, nul ne songe sérieusement à l’abolir en notre province ; au contraire, juges et avocats sont d’accord pour affirmer qu’il est nécessaire.

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« Je me suis marié devant un juge. J’aurais dû demander un jury. » (Groucho Marx, comédien américain). Photo : © GrandQuebec.com.

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