En haut de la Pente Douce – Chronique du ski
Depuis quelques saisons un sentiment général prévaut chez les skieurs pour ce qui a trait aux épreuves dans la descente en Amérique. On fait exception des courses de descente communément appelées « was race » dans le langage du ski. C’est ce genre d’épreuves où les concurrents sont perplexes sur les étrangers conditions de la neige. Et, c’est pourquoi, quelques minutes avant le départ, les concurrents s’empressent d’appliquer de la cire sur leurs skis pour les rendre plus rapides. Les skieurs savent, selon la température, quelle sorte de cire ils doivent utiliser. Avant de se perdre dans nos explications disons que les skieurs peuvent se servir de cire, douce, dire de prise, cire de sucre et cire dure, cela, selon les conditions de température existantes. Celui qui cire ses skis adéquatement possède d’excellentes chances de l’emporter sur un autre concurrent, qui se prend pas ses précautions.
Les skieurs se sont demandés depuis longtemps comment ils pourraient éviter ou plutôt éliminer ces courses dites « wax race ». Un autre aspect de la situation réside dans le choix de la pente pour une épreuve. Souvent les skieurs, si excellents soient-ils, craignent de se briser un membre en descendant une pente sauvage et parsemés d’obstacles. Leur style s’en ressent évidemment.
Personne ne discute l’importance du courage dans le ski. Mais quand le courage devient un acte de folie, si on le tente, plusieurs skieurs parmi les vedettes, qui ont atteint un âge où ils ont conscience de leurs lourdes responsabilités, hésitent à se lancer et le plus souvent se retirent tout simplement de l’épreuve. C’est ce qui fait que plusieurs jeunes skieurs audacieux brillent plus des athlètes expérimentés et connaissent à fonds leur ski. Il y a toujours quelques bons skieurs qui demeurent dans l’épreuve mais leur trop grande précaution à éviter les accidents donne comme résultat des détailles, parfois humiliantes, aux mains de skieurs moins adroits.
Un handicap
La raison pour laquelle ces manques existent dans l’organisation de nos divers concours de ski, réside dans le fait que la majorité de nos concours canadiens sont disputés sur des pentes courtes et très rapides, portant très dangereux. Sur une telle piste, nombre de skieurs peuvent terminer la course à quelques secondes d’intervalles ce qui ne donne pas une juste idée de la valeur réelle de chaque concurrent. Sur une piste courte et rapide celui qui est assez osé pour prendre toutes les chances possibles remportent ordinairement la palme. Dans chaque épreuve de ce genre un ou plusieurs concurrents sont légèrement ou dangereusement blessés pour avoir, comme on dit en langage commun, pris trop de chances. Ces skieurs trop braves font tout simplement de l’œil à un désastre qui ne peut manquer de se produire.
Sur les longues pentes qui ont été tracées en Europe ce même danger n’existe pas. En Europe l’habilité technique et le style comptent plus que l’audace de quelques jeunes skieurs qui, ici, au Canada, s’assurent de nombreuses victoires par ce débouché. Comme la majorité de nos épreuves ne sont (dans la descente) que des « wax race » ou encore, que toutes ces épreuves dépendent seulement de l’audace de certains concurrents, il arrive que plusieurs observateurs en sont venus à la conclusion que nos tracés pour nos épreuves de descente ont été préparés en suivant une bien mauvaise ligne de conduite.
Au cours de l’été dernier, Benno Tybizka, qui fut déjà au Mont-Tremblant et qui est considéré comme un des meilleurs skieurs dans l’univers, a déclaré ce qui suit :
« Il est grand temps que nous cherchions un moyen d’introduire dans nos courses de descente un peu plus de technique. Trop souvent, ajouta-t-il, des skieurs sans aucune valeur sortent victorieux de nos épreuves de descente et faussent ainsi l’opinion de bien des gens pour ce qui a trait à la valeur réelle d’un skieur. Il arrive souvent qu’un jeune brave remporte une course et la suivante, en utilisant les mêmes techniques, se fait complètement déclasser. »
Un skieur de calibre se fait rarement déclasser, et, pour cela, il faut qu’il y ait de bonnes raisons. On ne gagne qu’une fois ici et là en suivant le dicton populaire : « Tout ou rien ». Rybiska déclare en finissant pour ainsi approuver l’opinion de plusieurs, que nos pentes sont définitivement trop vites ou trop dangereuses pour pouvoir juger justement la valeur d’un skieur qui prend le risque de s’y lancer.
De plus le genre d’épreuves de descente que nous avons, ici, prépare mal un jeune skieur pour les jeux olympiques. Partout ce genre d’épreuve se pratique bien différemment et, quand arrivent les Olympiques nos représentants semblent souvent perdus tandis que les Américains et surtout les Européens sont complètement chez eux sur les tracés pour la descente des olympiades.
Cela peut paraître fallacieux aux Européens de dire que les pentes sur lesquelles nos skieurs doivent concourir aux Jeux Olympiques leur paraissent tout simplement ridicules. D’une chose certaine c’est que nos skieurs habitués sur des pentes courtes et rapides ne peuvent faire rien que vaille sur des longues distances. Un cheval de course qui court habituellement à son meilleur dans le cinq furlongs ne peut évidemment faire belle figure dans le mille et demi. Un coureur dans la descente est à peu près la même chose et nous n’avons pas un seul de nos skieurs qui est vraiment préparé pour aller concourir aux Olympiques dans ce genre d’épreuve. Espérons que l’on remédiera à la chose d’ici peu et que nos représentants pourront aller outre-mer, avec de bonnes chances de triompher.
Le comité de ski olympique pourrait considérer la situation dans les années à venir. Il devrait aussi se souvenir que les pays dont les skieurs ne sont pas habitués à pratiquer dans des montagnes, montrant quelques ressemblances avec le Tyrol ou les Alpes, n’ont pas de bien grandes chances d’amasser de nombreux lauriers aux Olympiques.
(Texte sur le ski publié le 3 janvier 1948 dans le quotidien Le Canada).
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