
Super Myriam !
Le 18 février 1994, la Québécoise Myriam Bédard devient la première nord-américaine à remporter le biathlon
Parcourir 15 kilomètres en ski de fond, à toute allure, dans des vallées et des vallons au sommet d’une montagne, reprendre son souffle en cinq ou six secondes, faire feu pour atteindre cinq cibles en cinq coups et devoir le faire quatre fois pendant la course…
Lutter contre des Françaises très fortes, des Russes, des Allemandes, des Suédoises, des Italiennes, des Norvégiennes et gagner la médaille d’or avec près d’une minute d’avance, c’est un exploit colossal…
Mais Myriam Bédard a fait encore bien plus. Harcelée, suspendue il y a dix-huit mois à peine par les bureaucrates de Biathlon-Canada, menacée d’expulsion de l’équipe nationale de « son » pays parce qu’elle ne voulait pas se plier aux diktats injustes d’une fédération qui voulait casser sa seule vedette, elle s’est battue, a tenu son bout, a acquis son indépendance dans la direction de sa carrière et de son entraînement…
Pour remporter une superbe médaille d’or hier midi au stade de biathlon de Birkebeineren, à quelques kilomètres de Lillehammer. Dans une atmosphère de fête joyeuse, devant 15 000 spectateurs brandissant des drapeaux de différents pays et acclamant la championne olympique dans toutes les langues.
« Je veux tous vous embrasser », s’est écriée Myriam après sa victoire aux 15 kilomètres en se dirigeant vers les journalistes québécois qui l’attendaient à la sortie du stade. Et nous avons tous eu droit à la bise, une bise joyeuse, heureuse, une bise qui allait tout à fait à rencontre de la neutralité journalistique.
Plus tard, en conférence de presse internationale, elle expliquera : « Je ne veux pas épiloguer sur mes différends avec Biathlon – Canada. Cette année, on m’a laissée m’entraîner comme je le voulais. On m’a appuyée. Mais c’est moi qui ai misé sur les Jeux olympiques, quitte à connaître une saison plus difficile en Coupe du Monde. C’est moi qui prenais le risque. Ce risque, je l’ai pris pour moi-même, parce que je croyais en moi et que je croyais en mon coach ».
Ce coach, on ne le connaît pas. Myriam et lui ont convenu de ne pas dévoiler son identité. Ce coach mystérieux communique avec Myriam par fax. Chaque mois, il lui fait parvenir son programme d’entraînement : « Je ne dis pas qu’il est meilleur que nos entraîneurs. Je dis que j’ai confiance en lui et qu’il faut avoir totalement confiance en quelqu’un pour devenir championne olympique », a-t-elle dit.
Myriam ne pouvait s’empêcher d’avoir le fou rire à la moindre remarque. Cette jeune femme intense, volontaire, décidée, une jeune femme de 24 ans qui a livré une dure bataille contre les gens de Biathlon – Canada, pouvait enfin se libérer, rire, s’éclater.
Il faut dire que Myriam est une fille sérieuse qui s’entraîne avec un acharnement rare : « Depuis mon arrivée au village olympique, je refusais de parler aux gens ou de manger avec quelqu’un. Je voulais atteindre une concentration absolue », a-t-elle expliqué.
Elle a gagné comme elle a vécu ces dernières années. En se fixant un objectif et en serrant les dents pour ne pas y déroger : « J’avais les jambes qui brûlaient, je ne pouvais plus glisser. Dans ce temps-là, t’essaies de penser à autre chose qu’à la douleur, t’essaies de penser à ta technique. Tu ne lâches pas », de raconter Myriam en recevant les accolades de sa mère Francine, de son père Pierre et de ses commanditaires, Jean-Marc Saint-Pierre de la Métropolitaine et la famille Chagnon de Vidéotron.
(Nous avons reproduit le texte intégral d’un article paru dans le journal La Presse, le 19 février 1994).

Myriam Bédard en 1994. Photo : Cyberpresse.
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