Des femmes dans la plongée sous-marine
« Pourquoi les femmes en ont-elles si peur ? Elles y réussissent pourtant mieux que les hommes ! » M. Claude Vizinand, professeur de plongée sous-marine, voudrait bien enseigner à un plus grand nombre de femmes les merveilles insoupçonnées d’un sport auquel il croit. « Les femmes qui entreprennent de suivre un cours de plongée ne démissionnent pas plus que les hommes. À l’examen médical, elles réussissent souvent mieux, étant plus consciencieuses. En tout cas, aucune d’elles n’a jamais échoué ! »
M. Vizinand a fondé, en collaboration avec M. Raymond Tremblay, l’École des Pyranhas, établie à Montréal dès le janvier 1969, et un club qui réunit les élèves du cours de plongée après qu’ils aient passé l’examen international. L’École réunit une centaine de personnes, dont 20 à 30 pour cent du « sexe faible ». En vertu de certains accords avec le Centre de l’Immaculée Conception, elle utilise la piscine située rue Papineau (près Marie-Anne).
Risques minimes
Le peu d’enthousiasme manifesté par la plupart des femmes s’explique par des incapacités physiques dans certains cas, mais surtout par un blocage psychologique : selon les professeurs de l’École, elles ont peur du risque et se sentent incapables de porter l’équipement avec bonbonnes. En réalité, il n’y a pas à avoir peur. Faire de la plongée n’est pas plus dangereux que se promener en automobile ; comme sur la route, il faut savoir manier l’équipement, être prudent, et se contrôler. Quant à l’équipement, il est assez lourd sur le sol, mais il devient très facile à porter dans l’eau. Pour limiter encore les risques d’accidents, on plonge toujours à deux (au cas où un appareil serait défectueux).
Bien sûr, les premières conditions pour suivre un cours de plongée sont de savoir nager et d’être en bonne forme physique. Le meilleur âge ? Le plus jeune possible ! Mais on peut s’y adonner jusqu’à 40 ans et, en cas de très bonne conditions physique, jusqu’à 55 ans.
Il est cependant presque nécessaire de pratiquer régulièrement un sport, ne serait-ce que la natation, pour s’assurer une endurance et une souplesse minimales. Sur ce dernier plan d’ailleurs, les femmes l’emportent généralement sur nous : « en profondeur, elles nagent plus élégamment, plus souplement ».
Par étapes
Au programme des 13 semaines d’apprentissage (avec 50 pour cent de pratique) : des cours de base avec tuba, masque et palmes (« pattes de grenouilles ») durant lesquels on explique les réactions du corps humain sous l’eau, le choix et l’utilisation de l’équipement de base, le secourisme, etc. On enseigne également la façon de frayer avec les poissons : pas de recouvrement brusque en présence de requins, attention à la scie, bien camouflée de la raie, aux tentacules de la pieuvre et aux toutes petites méduses. Puis, quand les élèves sont bien acclimatés au silence, à la densité très forte du milieu sous-marin et à leurs appareils de plongée – i.e. Après un mois – on leur présente le « gros matériel » dit le « scuba » ; bonbonnes à respiration, ceinture de plomb pour équilibrer le poids, régulateur.
Mais après tout ça, qu’apporte à une femme, la plongée ? Celles qui ont suivi le cours parlent d’une « sensation, riche, presque indescriptible, faite en partie de la pensée qu’on triomphe de la nature (en respirant aisément sous l’eau) ; hommes et femmes éprouvent que celle de l’enfant qui apprend à flotter. Et puis, pour la santé, c’est tout aussi bon que la natation.
Un sport de luxe
« Malheureusement, précisent des élèves, la forme la plus poussée de ce bonheur-là se révèle inatteignable à beaucoup de portefeuilles. Les cours et l’équipement de base reviennent à $80 en tout et l’équipement lourd coûte de $240 à $300. » Si la plongée à son meilleur est généralement un sport de luxe, par ailleurs l’inscription à un club procure des avantages importants, moyennant $15, les plongeurs qui ont suivi la série complète de cours peuvent participer à des excursions organisées et emprunter régulièrement un équipement lourd.
Ébauches de standardisations
À part l’école des Pyranhas, il y a un certain nombre d’organisation auxquelles peuvent s’adresser les Montréalais intéressés à la plongée sous-marine.
Des instructeurs consciencieux ont mis récemment sur pied le Centre de plongée sous-marine du Québec, qui a établi des normes visant à uniformiser et à rendre plus sûrs les cours des différentes écoles. Ces normes sont actuellement suivies dans quatre piscines de Montréal : le Centre civique de Montréal-Est, le Collège Roussin (rue Notre-Dame à Pointe-aux-Trembles), de l’Orphelinat St-Arsène (Christophe Colomb près Jean Talon), et du Centre culturel et sportif de l’industrie de la construction de Montréal (boulevard St-Joseph, près Fullum) ; il se peut que le Centre de l’Immaculée Conception accepte ces normes pour les cours de septembre.
Le Centre de plongée du Québec accorde, après examen, un diplôme d’instructeur reconnu aux États-Unis, en Méditerranée, en Ontario, en Colombie-Britannique, etc.
Constatant la popularité grandissante de ce sport chez les jeunes sportives, les responsables de la piscine du boulevard St-Joseph ouvriront en septembre un cours spécialement pour les femmes et donné par un instructeur féminin.
Le nouveau Centre de plongée du Québec espère en arriver à planifier le secteur canadien-français de la même façon que le Y.M.C.A. S’occupe du secteur anglais : l’examen imposé aux instructeurs par le Y.M.C.A. Est devenu l’examen standard de toutes les écoles de plongée des États-Unis et du Canada anglophone.
Enfin, deux des piscines appartenant à la ville servent aux plongeurs adultes. À la piscine Georges-Vernot, sur la 13e Avenue à la Ville St-Michel, l’École Submer offre une série de cours de base – dont une leçon avec l’équipement lourd – pour $30 et des cours plus avancés. 25 pour cent des élèves actuels sont des femmes. Par ailleurs, le club des Amis en Plongée utilise la piscine Marquette (rue Bellechasse près Papineau), de septembre à juin.
Par Louise Prévost.
(Journal La Presse, mercredi 23 juillet 1969).
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