
Ben Johnson passe aux aveux
Le suspense n’aura pas été long. Quelques minutes après le début de sont témoignage devant la commission d’enquête, présidée par le juge Charles Dubin sur l’usage des drogues dans le sport amateur, à Toronto, Ben Johnson a reconnu qu’il avait consommé des stéroïdes.
Après avoir rappelé les grandes étapes de la carrière de l’athlète, le conseiller du juge Dubin Me Bob Armstrong, lui a demandé :
– Si quelqu’un suggérait qu’à l’automne 1981, vous avez commencé un cycle de dopage ave du Dianabol aurait-il raison?
Johnson a répondu :
– Il pourrait bien avoir raison, oui.
En trois heures d’un témoignage confus et parfois contradictoire, le sprinteur a beaucoup avoué, mais il a aussi attaqué ses anciens partenaires.
Le héros déchu des Jeux Olympiques de Séoul a reconnu que Charlie Francis lui avait remis des comprimés de Winstrol en 1982, avant les Jeux Panaméricains. Il a avoué qu’il savait que ces produits étaient sur la liste des substances interdites par les autorités sportives, et qu’il risquait une suspension si on trouvait leurs traces dans son urine lors d’un test anti-dopage.
Johnson a reconnu qu’il avait reçu des injections d’Estragol à partir de 1985. C’était généralement le Dr. Jamie Astaphan qui les lui administrait, mais il a admis que l’opération était aussi effectuée par Angela Issajenko, son mari Rony, Charlie Francis et quelques autres coéquipiers.
Devant l’ensemble des membres de sa famille, Johnson s’est livré à des aveux limités. En effet, malgré l’importance de ses révélations, il a refusé d’admettre qu’il connaissait bien les stéroïdes, utilisant toujours le mot « drogue » pour désigner les substances interdites qui lui étaient injectées.
(Nouvelle publiée le 13 juin 1997)

Ben Johnson. Photographie libre de droits.
Aveux en psychologie
Avouer, c’est essentiellement dévoiler et reconnaître une chose qu’on avait dessein de cacher.
L’action peut se réaliser sous différentes formes explicites ou implicites; mais quelles
qu’en soient les modalités, elle produit un changement dans la situation, tant en ce qui concerne le sujet au regard de lui-même que les relations de celui-ci avec autrui.
Les conséquences de ce changement sont variables selon la nature de la chose cachée (acte, intention, croyance, sentiment, voire simples dispositions psychiques ou physiques, etc.).
Les motivations de l’aveu, comme ses effets, intéressent le psychiatre de toutes manières, ces données étant toujours susceptibles d’impliquer un état mental pathologique, que l’aveu soit provoqué par lui, qu’il soit au rebours engendré par les circonstances où l’aveu est devenu nécessaire, qu’il trouve enfin sa révélation dans cet aveu.
Une première relation doit être évoquée entre la conduite d’aveu et le contenu de la chose tenue secrète.
L’aveu d’un acte ou de projets, gratifiants pour autrui n’implique guère d’incidences pathologiques, sinon pour expliquer par exemple une manie, un délire ambitieux, etc.
Habituellement, dans les situations pathogènes, les choses cachées sont ou paraissent moralement ou légalement fautives. Le déterminisme de tels aveux a fort bien été analysé par DESHAIES. L’aveu peut être provoqué par des facteurs émotionnels ou rationnels et d’ailleurs, dans les deux cas, s’imposer au sujet comme la seule issue à la situation d’être accusé. Il exprime dans certains états, surtout passionnels, pathologiques ou non, une volonté de puissance compensatrice de l’échec que signifie au fond l’acte coupable. Chez l’asthénique mental il peut traduire le découragement, un désir d’auto-punition, parfois même l’équivalent d’une véritable intention suicidaire.
Les aveux altruistes et sacrificiels sont des variétés singulières dans le domaine normal, mais fréquentes dans l’ordre pathologique (illuminés, passionnels, délirants, mélancoliques) où ils évoqueront toujours la suspicion de faux aveux.
L’aveu d’une faute ou d’un crime peut prendre une valeur thérapeutique. En reliant le passé au présent à travers l’acte en cause qui produisait une rupture, en rétablissant l’unité vécue de la personnalité, il «légalise la conscience coupable» (DESHAIES) et atténue ou liquide l’angoisse qu’éprouvé le sujet en face d’une société qui l’accuse et le rejette et à laquelle il ne peut cesser pourtant d’appartenir. Par l’aveu, le sujet réintègre en somme la communauté sociale (LACAN, CENAC) en attestant qu’il en accepte le système de valeurs. Encore faut-il admettre avec DESHAIES que «le seul aveu moralement valable est du type confessionnel», entendant par là qu’il entraîne le repentir et témoigne d’une volonté de conversion dans la conduite. Ce qui ne veut pas dire que l’aveu soit nécessaire à la pacification de toute âme coupable, la mauvaise foi pouvant être aussi tranquillisante et l’insensibilité morale pouvant même dispenser de mauvaise foi.
La valeur thérapeutique de l’aveu est surtout évidente dans la pratique quotidienne du traitement des névroses où la chose cachée n’est généralement fautive que dans la conviction du malade, le plus souvent d’ailleurs symboliquement, ou bien se trouve majorée au point de faire peser sur le sujet une menace démesurée. C’est en ce sens qu’on peut concevoir «un univers morbide de la faute» (HESNARD). L’effet cathartique de l’aveu est en fait largement utilisé par la psychanalyse: encore doit-on se garder d’exiger la publicité de la confession dont les conséquence? peuvent être désastreuses (A. LEY et S. VERSELE).
La confession religieuse, bien que l’aveu y revête un caractère particulier, doit être citée en illustration de celle vertu libératrice de l’aveu.
Dans une perspective parallèle, on doit insister sur le rôle que joue la recherche de l’aveu au cours de l’éducation des enfants. La formation de la conscience morale, essentiellement liée au développement de la loyauté, nécessite que le maniement des sanctions consécutives à l’aveu n’oriente ou ne renforce les tendances défensives naturelles vers les refuges de l’hypocrisie et du mensonge obstinés.
Chez l’adulte, la pratique de l’examen de conscience au regard de nombreux conflits entretenus par des attitudes fautives non reconnues réalise un aveu intime indispensable à la résolution satisfaisante de ces conflits. Le psychiatre a souvent l’occasion d’y confier ses patients et leur entourage.
Une seconde liaison doit être établie entre la conduite d’aveu et les problèmes de sincérité; nous venons déjà d’aborder cette question en constatant que l’aveu exige un acte de franchise envers soi-même et envers les autres.
Il réalise une victoire positive sur les formes actives et passives du mensonge dont nous n’avons à retenir ici que les aspects interférant avec la pathologie mentale.
Sur le plan du diagnostic psychiatrique il faut enfin savoir obtenir l’aveu d’un trouble psychosensoriel (hallucination), d’une idée parasite (obsession), d’un jugement délirant, d’une habitude toxicomaniaque, d’une perversion instinctuelle, etc. La méthode à employer dépendra d’une part de l’affection en cause, mais surtout de la personnalité du malade. La persuasion ne suffit pas toujours à inspirer la confiance nécessaire, à rompre les inhibitions et il faudra parfois recourir à des procédés permettant la projection symbolique (tests divers d’exploration en profondeur, psychodrame) surtout chez les enfants. On s’aidera encore de la subnarcose ou d’autres procédés pharmacodynamiques propres à faciliter l’extériorisation des contenus psychiques (amphétamines, LSD 25, ou diéthylamide de l’acide lysergique).
C’est surtout dans le contexte de la médecine légale que l’on a l’habitude de s’intéresser à l’aveu. G. DESHAIES a fort bien exposé tous les aspects de la question au LUI6 Congrès des Médecins aliénistes et neurologistes (Nice, 1955).
Nous ne nous étendrons pas ici sur la valeur juridique des aveux dans la procédure ni sur la façon dont ils peuvent être obtenus. Nous signalerons seulement la position de l’expert psychiatre en face de ce problème.
D’une manière générale, il n’a nulle qualité pour rechercher les aveux, car il ne peut, en droit, se substituer au juge (ou au magistrat instruisant l’affaire en matière pénale). S’il advient qu’il en reçoive, il ne peut les utiliser que comme éléments d’appréciation de l’état mental du sujet. Il lui faut d’ailleurs toujours se méfier des faux aveux dont le déterminisme éventuellement pathologique doit être discuté.
Nous n’insisterons pas sur les faux aveux de l’innocent qui se sacrifie pour sauver le vrai coupable auquel le lient de hautes obligations morales, les faux aveux d’une infraction mineure qui va servir d’alibi à un délit grave, les faux aveux déguisés sous le nom d’autocritique dans l’optique d’une certaine conception de l’existence mais qui peuvent alors paradoxalement représenter de vrais aveux, par rapport au mouvement dialectique collectiviste accepté par l’individu. Nous retiendrons surtout les faux aveux de l’enfant et du débile suggestible, du mythomane et du fabulant soucieux de se rendre importants, de l’alcoolique ivre ou délirant, du déprimé mélancolique, de l’épileptique, du dément, etc.
Sur le plan de la simulation (qui couvre aussi bien des affaires de droit pénal que civil et administratif), il est classique d’admettre que l’expert ne peut affirmer explicitement la supercherie que s’il en a obtenu l’aveu. Une telle exigence ne saurait aboutir qu’à une impasse dans les cas fort nombreux où le sujet, même confondu, s’obstine à mentir. En fait, la solution des problèmes où intervient la simulation ne nécessite généralement pas le diagnostic formel de cette conduite et l’expert pourra l’éluder sans que le but pragmatique de sa mission soit trahi. Il lui suffira le plus souvent d’établir, à l’aide d’arguments irréfutables, la non-réalité objective du trouble ou de la maladie simulés. L’aveu restera seulement pour lui, s’il l’obtient, un élément apaisant pour sa propre subjectivité, encore qu’il ne doive pas ignorer, ici non plus, la possibilité de faux aveux de simulation.
Pour compléter la lecture :
- Ben Johnson est déchu
- Johnson récidive et est banni du sport
- Usage des drogues
- Reconnaître l’abus aux drogues
- Dossier de la santé
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