
Tabagisme au Québec
Historique de la question
D’après Ant. Porot
L’intoxication tabagique est riche en petits désordres psychiques et troubles dont les conséquences sur le rendement de l’individu et son activité sociale peuvent être assez néfastes. Il existe incontestablement des troubles neuropsychiques chez les fumeurs invétérés. Mais il est parfois difficile de faire la part qui revient au tabac chez ces sujets, quelquefois hypertendus, porteurs d’autres tares somatiques.
Un certain nombre de ces fumeurs vantent pourtant l’action euphoristique et stimulante de la cigarette ou de la pipe sur leur production intellectuelle : il s’agit, en fait, beaucoup plus d’un réflexe conditionnel et d’un état de besoin que d’une excitation véritable, car de tels sujets malheureux connaissent la tyrannie et la servitude d’une petite toxicomanie.
Des expériences sur l’effet du tabac ont été menées depuis le XIXe siècle. En France par exemple, Guillain et Gy ont montré toute l’action élective de la nicotine sur la substance nerveuse. À ces expériences déjà anciennes on peut ajouter les expériences physiologiques très précises de Tournade et de Bernot, publiés à Alger en 1938. Les preuves expérimentales ont également été apportées par P. Mathieu et L. Merklen à la suite de leurs expériences sur les souris dans l’épreuve du labyrinthe; L. Binet et C. Zamfir qui ont étudié la suspension des réflexes conditionnés chez l’épinoche; recherches de Jonnart et Maire, à l’instigation de Binet, qui ont analysé le temps perdu dans les réactions psychomotrices. Varigny a montré que les télégraphistes fumeurs avaient, en fin de la journée, une activité professionnelle moindre que celle de non-fumeurs. Les classements de fin d’année dans les grandes écoles donnent les meilleures places aux élèves non-fumeurs (Bertillon, Doré, Goubert).
C’est-à-dire, l’action nocive du tabac sur l’attention, sur la mémoire, a été souvent dénoncée par les cliniciens depuis la première moitié du XXe siècle.
L’action de la nicotine sur le développement intellectuel des enfants, signalé autrefois chez les descendants des ouvrières des manufactures de tabac a été constatée aussi chez les jeunes fumeurs.
Chez l’adulte, l’atteinte physique se manifeste surtout par le ralentissement intellectuel, l’instabilité avec anxiété, l’Insomnie, l’irritabilité; un véritable engourdissement cérébral ralentit toutes les opérations. Les troubles de la mémoire, l’évocation difficile des noms propres, la lenteur du calcul mental sont des signes d’alerte assez précoces d’une intoxication nerveuse. Il s’y ajoute souvent de petits désordres neurovégétatifs ou neurologiques : tremblement, insomnie, anxiété et irritabilité. Parfois aussi peuvent survenir des spasmes artériels cérébraux donnant lieu à de véritables éclipses psychiques.
Chacun sait combien l’affranchissement de cette servitude toxique est malaisé ; il faut souvent un accident sérieux d’ordre circulatoire, pour obtenir le sevrage.
(Manuel alphabétique de psychiatrie, texte publié en 1951).

Le tabagisme tue. Image : © GrandQuebec.com.
Mentisme
Notons finalement que le tabagisme peut mener, entre autres, à tel phénomène comme le mentisme (Mor créé par Chaslin) : Défilé d’idées ou d’images rapide, parfois angoissant, incoercible, ne permettant à l’attention de se fixer sur aucune d’elles. Cet état se présente comme une libération de l’automatisme associatif (qui n’est plus contrôlé par une attention suffisamment concentrée), accélérée parfois par l’angoisse. Il survient notamment dans l’insomnie, chez un sujet à la fois fatigué par une surtension nerveuse et dans l’impossibilité de trouver le sommeil. Le mentisme tient de la fuite des idées : l’association y obéit grossièrement aux mêmes automatismes, mais avec cette différence qui dans le mentisme elle est critiquée, reconnue comme pathologique et accompagnée d’une sensation pénible.
Ce phénomène n’a aucun caractère pathognomonique particulier. Il est essentiellement lié à la fatigue ; il résulte du surmenage, de l’accumulation de préoccupations pressenties ou d’échecs non assimilés. Il survient plus facilement chez les anxieux. Il est parfois déclenché par un toxique (café, tabac).
Voir aussi :
- Arrêter de fumer
- Un fumeur devenu fou
- Fumeurs relégués au fumoir
- Victoria dit NON à la cigarette
- Tabac en Nouvelle-France
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