Stigmates et stigmatisés
Signes ou ensemble de signes objectifs dont la présence vise à caractériser de façon quasi spécifique une affection ou un état morbide particulier. C’est à ce titre que l’on parle des stigmates de l’hérédosyphilis (anomalies dentaires, nez en lorgnette, etc.), des stigmates de l’alcoolisme chronique (tremblement, pituite, algies et crampes, cauchemars, etc.), des stigmates de l’hystérie (aujourd’hui contestés et abandonnées).
Les stigmates dits de dégénérescence ont joui au siècle dernier d’un grand crédit à l’époque où la dégénérescence régnait en maîtresse en neuropsychiatrie; leur domaine a été abusivement élargi et leur importance manifestement exagérée. En criminologie en particulier, la doctrine de Lombroso du « criminel-né » prenait son appui sur ces constatations.
En psychiatrie, il est bien certain que les processus morbides susceptibles d’altérer le cerveau peuvent aussi porter leur action dans d’autres domaines pour modifier la morphologie du sujet ou perturber le fonctionnement d’autres organes. Ces stigmates ont surtout un intérêt théorique.
Tout ce qu’il est permis de dire, c’est qu’ils sont plus fréquents chez les psychopathes que chez les sujets normaux (encore que ces derniers en présentent quelquefois) ; qu’ils sont plus fréquents dans les psychopathies constitutionnelles que dans les psychopathies acquises, plus nombreux encore chez les arriérés où leur fréquence et leur accentuation paraissent proportionnelles au degré de l’arriération.
Rappelons pour mémoire les plus classiques. Dans l’ordre physique :
- Malformations céphaliques : asymétries crânio-faciales, prognatisme, voûte ogivale;
- Malformations dentaires;
- Malformations oculaires : mongolisme, troubles de la pigmentation de l’iris, strabisme;
- Malformations génitales;
- Malformations des membres, surtout des extrémités (syndactylie, polydactylie);
- Malformations cutanées : noevi, neurofibromatose;
- Anomalies du système pileux : hypertricose, canitie.
On peut y ajouter des troubles sensoriels : surdité; surdi-mutité; des troubles de la vision; des troubles neurologiques : tremblement, dit essentiel, syndrome de débilité motrice de Dupré (maladresse, syncinésie, paratonies); des troubles de l’élocution : infantilismes divers.
Stigmatisées
On a donné ce nom à certaines femmes ou jeunes filles présentant périodiquement des manifestations hémorragiques au niveau des mains, des pieds, du flanc ou de la tête qui, par leur siège, rappellent les stigmates de la crucifixion et de la couronne d’épines du Christ. Ces sujets sont généralement de grandes mystiques entrant en extase ou en état cataleptique au moment où se produisent les hémorragies. Elles ont eu souvent, par ailleurs, dans leur passé, d’autres manifestations de grande névrose hystérique : paralysie ou cécité miraculeusement guéries ; pendant la crise extatique et hémorragique, elles miment les douleurs endurées par Jésus sur la croix.
De tels faits, pas très rares jadis, en particulier au XVIIIe siècle, sur la tombe du diacre Pâris, sont moins fréquents aujourd’hui où l’observation se fait plus rigoureuse et plus scientifique. Ils ont toujours exercé la sagacité des observateurs. Dans plusieurs cas, on a pu établir la supercherie : égratignures volontaires; mais d’autres restent inexpliqués. La plus célèbre et la plus récente de ces mystiques, Thérèse Neumann, la stigmatisée de Konbersreuth (Palatinat), présentait de véritables paradoxes physiologiques : un jeûne absolu pendant plusieurs années (elle ne prenait chaque jour d’une hostie et une cuillerée à café d’eau), sans amaigrissement appréciable. Elle parlait au moment des scènes hebdomadaires de crucifixion la langue araméenne, c’est-à-dire celle que se parlait en Judée au moment de la mort du Christ (xénoglossie), – fait attesté par de savants philologues allemands.
Beaucoup de médecins ont gardé une attitude sceptique ou simplement réservée devant de pareils faits (P. Janet, Vachet); d’autres les tiennent pour réels, bien qu’inexplicables en l’état actuel de la science (Van der Elst).
De son côté J. Lhermitte reconnaît la réalité de tels faits auxquels, en tant que neurologue, il s’est particulièrement intéressé. S’appuyant sur les observations contrôlées, il refuse d’admettre une soi-disant « idéo-plasticité » selon laquelle une représentations mentale pourrait se transcrire sur la peau, sous l’effort de la suggestion, de l’hypnose, voire de l’hystérie. « Nous sommes aussi éloignés, écrit-il, de l’explication des stigmates, qu’au temps des Charcot, des Bonneville, des Bernheim et des Virchow. »
Son opinion rejoint le dilemme de Virchow : fraude ou miracle.
L’Église catholique laisse d’ailleurs toute liberté d’opinion aux fidèles à ce sujet. D’autres médecins catholiques (Giscart, R. Biot, Tinel) ont pu adopter des attitudes plus ou moins voisines ou divergentes de celles de J. Lhermitte.
Il s’agit, vraisemblablement, d’un désordre vaso-moteur temporaire et localisé dont l’histoire de l’hystérie et la médecine psychosomatique offrent d’autres exemples (hémorragies et ulcus gastriques).
Ant. Porot
Syndrome d’action extérieure
H. CLAUDE a décrit en 1924 et précisé dans son enseignement magistral en qu’il appelle le syndrome d’action extérieure.
Il s’agit de « toute cette symptomatologie profondément intégrée dans la personnalité » qui s’observe dans le groupe des psychopathies délirantes et qui peut être rangée sous l’étiquette d’automatisme mental parce qu’elle est constituée de troubles sensitifs, sensoriels, ou psychomoteurs, mais dans laquelle les malades ont le sentiment qu’on agit sur eux de différentes manières, avec « une imprécision qui se caractérise par le pronom on ». Dans de tels états psychopathiques, il semble que « toutes les manifestations soient mises en œuvre pour la germination d’idées dont l’origine peut être lointaine, enfermées même dans le subconscient ou qui peuvent être le produit d’une rumination mentale ».
Couvrant en somme l’organisation des éléments symptomatiques que GUIRAUD décrit de son côté comme des phénomènes xénopathiques, le syndrome d’action extérieure d’H. CLAUDE représenterait un mode fondamental de la pensée morbide, irréductible en principe aux données hallucinatoires ou au déficit des fonctions logiques : il exprimerait tout ce que, parmi les phénomènes parasites dont le sujet est conscient mais qu’il ne peut reconnaître comme lui étant propres, il attribue à une intervention étrangère.
H. CLAUDE distingue d’ailleurs explicitement ce syndrome d’une part des hallucinations vraies qui, pour lui, seraient rares, avec leurs caractères d’extériorisation spatiale et de manifestation sensorielle (liés le plus souvent à des lésions organiques cérébrales), et, d’autre part, de l’automatisme mental tel que le conçoit CLERAM-BAULT et qui répond à « une tout autre interprétation des faits », étant primitivement donné comme anidéique, neutre, sans lien avec la personnalité antérieure du sujet, présentant les apparences d’un accident fortuit (intervention dans la discussion des rapports sur l’automatisme mental au Congrès des Médecins aliénistes et neurologiques, Blois, 1927).
Le syndrome d’action extérieure se rencontre principalement comme élément d’organisation dans les idées et les délires d’influence plus ou moins systématisés et progressifs. Il suit la distribution nosologique de ces idées délirantes. Il peut contracter des relations à titre accessoire aussi avec certains délires oniriques et oniroïdes comme y fait allusion H. EY.
Ch. BARDENAT.
Psycho-plasticité
Terme créé par Dupré pour définir un des traits essentiels de l’état mental des hystériques (suggestibilité, réalisations faciles de pseudo-troubles organiques).