L’origine des troubles psychiques
(Causerie médicale qui nous vient de 1908)
Les troubles psychiques ont, parfois, pour origine une lésion fonctionnelle ou somatique. C’est ainsi que les bruits auditifs, certains vertiges, les illusions, les états mélancoliques, les dépressions et les phobies, les cauchemars, les hallucinations, peuvent être engendrés par une maladie méconnue de l’oreille, principalement de la caisse du tympan. L’agoraphobie (peur des espaces) et la claustrophobie (peur d’être enfermé), ont souvent aussi l’oreill comme point de départ; mais c’est l’oreille interne ou labyrinthique. Ne savons nous point, du reste, que tous, ou presque tous, les sourds sont affligés de troubles intellectuels, obtusion de l’attention et de la mémoire, tendances propulsives et autres anomalies de l’équilibre ?
On a signalé aussi certains délires dus à des affections oculaires, principalement au glaucome et aux choroïdites. J’estime que l’atropine, dont on use et abuse en occulistique, et la compression oculaire par des pansements occlusifs à l’insue des opérations de cataracte, iridectomies, etc., sont surtout coupables de provoquer ces délires ordinairement passagers et fugaces.
L’empoisonnement organique par les infections du tube digestif, du rein, du foie et même de la peau, a fait l’objet, dans ces temps derniers, de recherches considérables, au point de vue de la genèse des troubles psychiques. Qui ne connaît les troubles cérébraux des dyspeptiques, insomnies, cauchemars, torpeurs de l’intellect, engourdissement moral, terreurs nocturnes, hypocondrie caractérisée?
L’atonie et la dilatation d’estomac, passées à l’état chronique, sont coutumières d’affaiblir la mentalité, de provoquer des troubles sensoriels, d’amener dans le caractère des modifications profondes. Les vertiges, les hallucinations mentales solennelles, l’ennui, l’apathie, l’indifférence, « la tête vide », sont les tristes privilèges de la dyspepsie. À un degré plus avancé, les malades ne sont plus maîtres d’eux mêmes, ils deviennent tristes en angoissés, voient toujours tout en noir, et fréquemment tendent au suicide ou au délire de la persécution.
Les idées de culpabilité, d’indignité, d’empoisonnement, avec refus d’aliments, le délire d’obstruction ou d’inexistence d’organes ont été aussi observés par moi dans ma pratique spéciale du tube digestif.
La constipation opiniâtre et rebelle engendre plutôt la confusion mentale, la fuite dans les idées, l’expansion courroucée et les troubles profonds de la conscience avec logorrhée ou verbiage incohérent.
On conçoit que les purgations, les lavages d’estomac, l’entéroclyse, les traitements et surtout les régimes dirigés contre les fermentations infectieuses, ne tardent pas à triompher de ces états mentaux typiques et bizarres, intimement liés à l’auto-intoxication.

« Subiata causa »
Dans l’abstinence (chez les naufragés, les religieux, les jeûneurs professionnels, etc…) l’illusion et le cauchemar, avec impulsions homicides ou criminelles, ont été fréquemment signalés.
Dans l’empoisonnement palustre et dans l’insolation, le délire et les troubles psychiques s’accompagnent volontiers d’hallucinations terrifiantes : poursuites par des ennemis imaginaires, terreur profonde, fuites inconscientes, impulsions agressives furibondes, rappelant celles des alcooliques. Le délire religieux accompagné de visions et de voix célestes, semble assez fréquent chez les Arabes, sous cette influence causale du paludisme. On conçoit que, dans ces cas, la quinine, l’arsucodvie, l’iodure de fer et l’hydrothérapie froide fournissent les meilleurs résultats curatifs.
Dans tous ces cas de troubles nerveux prononcés, il faut songer aussi au traitement électro-thérapique, souvent très favorable. L’homme n’est qu’un moteur électrique animé, dont les nerfs sont les conducteurs et dont les réactions chimiques sont les origines. L’oxydation des tissus : voilà, d’après Solvay, ce qui produit l’électricité animale. Or, les appareils électriques ont précisément pour résultante commune d’accroître et d’harmoniser l’énergie de ces réactions, particulièrement dans les tissus musculaires, véritables réservoirs du galvanisme animal.
(D. Ernest Monin, texte publié dans le journal Le Canada, le 3 avril 1908).

Obtusion
Diminution plus ou moins marquée de la perméabilité mentale et de la conscience. Elle se caractérise essentiellement par la difficulté de compréhension, la lenteur de l’idéation et des réponses, un degré plus ou moins marqué de désorientation et parfois une somnolence plus ou moins accusée. Elle représente un premier degré dans le développement d’une confusion mentale ; elle se voit aussi à la première période d’installation d’un coma (traumatique, toxique), ou se rencontre avec des fluctuations au cours d’une hypertension crânienne.
Mais il est aussi des obtusions constitutionnelles dans certaines formes de l’arriération mentale.
A.P.
Protection des intérêts des malades internés
La protection des intérêts des malades internés a exigé de nombreuses mesures. L’impossibilité où se trouve le malade interné d’administrer ses biens, d’ester en justice, crée une incapacité de fait.
Par exemple, la loi de 1838 de la République française a prévu les mesures suivantes:
a) Pour la gestion des biens :
– L’administrateur provisoire légal, qui est un des membres de la Commission de Surveillance de l’Hôpital.
– L’administrateur provisoire judiciaire, qui est nommé par le Tribunal civil lorsque demande lui en est faite.
– Le notaire commis, qui intervient dans les inventaires, comptes, partage et liquidations.
b) Pour la représentation en justice :
– Le mandataire ad litem.
c) Pour la protection de la personne )au sens le plus large) :
– Le curateur à la personne.
d) Enfin, le procureur de la République a, de par la loi, les pouvoirs les plus étendus pour la surveillance et la protection des intérêts du malade.
F. Ramée
Torpeur
Engourdissement, ralentissement psychique constituant un élément du syndrome confusionnel ; il s’y ajoute alors un léger degré de désorientation.
Mais il peut y avoir des torpeurs simples, non confusionnelles, comme dans l’insuffisance tyroïdienne, certaines somnolences d’origine centrale (hypertension crânienne, atteinte du tronc cérébral).
Écho de la pensée
Phénomène subjectif qui fait croire au sujet qu’on répète ses propres pensées, qu’on lui énonce ses intentions et ses actes.
Trouble du langage intérieur aboutissant à des hallucinations auditives et caractéristiques d’un début d’automatisme mental.
Désorientation
Perte du sens spécial qui nous permet de repérer notre situation présente dans le temps et dans l’espace.
L’orientation dans le temps se perd dans tous les états déficitaires qui entraînent l’obnubilation de la conscience ou un déficit important de la mémoire : désorientation du confus, désorientation du dément sénile, désorientation transitoire au cours de certaines éclipses cérébrales, etc. La désorientation dans le temps peut faire partie aussi des états de confabulation rencontrés dans le syndrome de Korsakoff ou la presbyophrénie sénile. Elle permet parfois des télescopages de souvenirs, des délires ecmnésiques, au cours desquels le sujet se croit transporté dans une scène de son passé.
La désorientation dans l’espace se rencontre dans les mêmes circonstances : confus délirants qui, hospitalisés, se trompent de lit, vieillards affaiblis qui s’égarent dans la rue.
Certains faits de désorientation spatiale peuvent exister dans des atteintes cérébrales localisées (région pariéto-occipitale). Ces lésions entraînent la perte du sens droite-gauche, des perturbations du schéma corporel, des agnosies électives ; on a même décrit une acalculie spatiale : impossibilité du calcul par méconnaissance de la place respective des chiffres; le syndrome de Gertsmann repose essentiellement sur cette perte des données spatiales.