
Insuline et Insulinothérapie
C’est à Manfred Sakel, de Vienne, que l’on doit les premiers essais (1933) et les premières publications (1936), concernant l’emploi d’insuline à dose comatogène dans le traitement des maladies mentales, des schizophrénies au premier chef. Cette technique devait rapidement se répandre malgré son caractère empirique.
Technique. – La cure de Sakel, proprement dite, exige la production d’un coma hypoglycémique chez le malade par injection sous-cutanée d’insuline. L’injection intraveineuse ne procure qu’un abaissement plus rapide de la glycémie.
L’injection se fait en général très tôt le matin, chez le sujet à jeun. Deux à trois heures après, le malade présente une phase de « choc humide » avec transpirations abondantes, vertiges, céphalées, battements de cœur, etc. Il entre ensuite dans n stade de coma vrai une à deux heures plus tard : on l’y laisse n temps variable, de une demi-heure à deux heures en général ; on le réveille alors par apport de sucre, soit par voie veineuse, soit plus souvent par introduction dans l’estomac, par intermédiaire d’une sonde nasale, d’une solution tiède de sirop de sucre dosée à raison de un peu plus de 1 g de sucre environ par unité d’insuline injectée. Le malade se réveille rapidement (quinze à trente minutes) et peut alors prendre un déjeuner riche en hydrates de carbone. De la phase initiale au réveil, il s’écoule en général cinq à sept heures.
Les doses à injecter doivent être cherchées par tâtonnement. Le chiffre de la glycémie, recherché avant tout traitement, n’apporte généralement aucune indication valable. Les doses sont très variables d’un sujet à autre. Certains malades font un coma avec moins de 20 unités, certains ne font qu’un choc humide avec 300 unités. On commence, en général, par 10 unités et l’on augmente de 10 unités par jour. On peut parfois, en cours de traitement, obtenir de bons comas malgré une réduction importante de la dose initialement nécessaire.
Toutes les préparations d’insuline employées pour les diabétiques peuvent être utilisées. Toutefois, il a été observé ces dernières années qu’une insuline trop purifiée était souvent moins efficace et comportait plus de risques que l’insuline amorphe, recueillie après cristallisation de l’insuline destinée aux diabétiques.
Il y a intérêt à maintenir le malade isolé, dans l’obscurité, enveloppé dans un peignoir destiné à absorber les sudations abondantes, à le maintenir au lit, tout en lui laissant une liberté de mouvements suffisante.
Pendant toute la durée du traitement, mais surtout pendant la phase de coma, le malade doit être surveillé de très près en raison des accidents possibles : prise du pouls (qui est souvent irrégulier), de la tension artérielle, de la température (qui descend régulièrement au-dessous de 36 degrés et atteint parfois 34 degrés), de la respiration. C’est dire qu’un tel traitement ne peut se faire qu’à l’hôpital ou en clinique sous surveillance médicale stricte et permanente. On provoque ainsi, en général, 5 comas par semaine avec un jour de repos tous les deux ou trois comas.
Le nombre de comas ne peut être fixé d’avance et ne saurait, dans la majorité des cas, être inférieur à 50 chez un schizophrène. Cossa en a fait jusqu’à 153 dans une seule série.
Il y a intérêt, chez certains malades, à associer cardizol ou électrochoc pour provoquer des crises convulsives pendant le coma, afin d’augmenter son action thérapeutique.
Incidents et contre-indications. – La cure de Sakel n’est pas sans incidents ni sans dangers. Les uns se produisent pendant le coma lui-même : graves irrégularités respiratoires, collapsus cardio-vasculaire, œdème aigu du poumon. Ils exigent l’interruption immédiate du coma par resucrage et les traitements propres aux incidents en cause. On observe parfois des crises convulsives spontanées qui ne sont généralement pas inquiétants et souvent même utiles au traitement.
D’autres accidents, plus tardifs, sont beaucoup plus graves et peuvent être mortels : nouveau coma hypoglycémique après resucrage et réveil ; persistance du coma malgré le retour de la glycémie à la normale et apparition de signes aigus de souffrance cérébrale de type diencéphalique et sous-cortical : hyperthermie, agitation violente, spasmes de torsion, signes de localisation cérébrale. Ces manifestations commandent la mise en œuvre rapide et énergique d’une thérapeutique basée sur la vitamine B1 et la strychnine à doses très élevées et répétées, la morphine intraveineuse, la glace sur la tête notamment.
On a plus récemment prescrit la mise du malade en hibernation, ainsi que l’emploi des neuroleptiques et des corticoïdes. La cocarboxylase semble également une médication des plus utiles dans de tels cas et, d’une façon plus générale, mérite d’être utilisée préventivement chaque fois que la cure de Sakel ne se déroule pas de façon simple.
Enfin, on a signalé l’existence d’abcès pulmonaires de déglutition.
On conçoit la nécessité d’un examen somatique précis avant d’entreprendre un tel traitement. Les cardiopathies doivent inciter à une grande prudence. Les affections pulmonaires telles que la tuberculose, ne sont que des contre-indications relatives.
Les embryopathies constatées chez les enfants nés de femmes diabétiques traitées à l’insuline ne permettent pas, faute de renseignements précis, d’affirmer l’innocuité de la cure de Sakel chez les femmes enceintes qui, par contre, supportent fort bien l’électrochoc. La prise d’un ECG et d’un cliché thoracique avant le traitement sont de sages précautions. La cure de Sakel ayant, en général, un excellent effet sur le plan somatique (reprise de poids notamment), l’existence d’un mauvais état général n’est pas a priori, une contre-indication au traitement.
Indications. – C’est pour les schizophrènes que Sakel a mis au point son traitement et c’est chez eux qu’il donne les meilleurs résultats.
Cossa les résume ainsi : avant l’introduction de la cure de Sakel, 85 % des malades n’avaient aucune chance de guérison. Actuellement, et pourvu qu’on intervienne avant six mois, le malade a 4 chances sur 10 de guérir, 2 à 3 de s’améliorer, 1 à 2 de ne pas guérir et une chance sur 200 de succomber a traitement.
Les résultats sont moins bons dans les psychoses hallucinatoires chroniques.
Dans les accès maniaques o mélancoliques francs, on a jusqu’à 90 % de succès et 60 % dans les accès atypiques, l’on doit réserver l’insuline, plus délicate et plus dangereuse, aux formes résistant aux traitements convulsant. De même, on a pu obtenir de bons résultats dans la confusion mentale et le délire aigu.
Avec des doses ne provoquant que des chocs humides sans coma complet, on obtient d’excellents résultats dans certaines manifestations anxieuses et hypocondriaques.
Enfin, certaines anorexies mentales bénéficient doublement de la cure de Sakel, du point de vue psychique et somatique. Mais la tolérance à l’insuline de ces malades est très variable et le traitement particulièrement délicat.
L’abréaction, souvent constatée au réveil, en fait souvent le traitement de choix de certaines psychoses réactionnelles ou de névroses d’installation récente.
Mode d’action. – On ignore, en fait, le mode d’action réel de la cure de Sakel. Cet auteur en a donné une explication qu’il qualifie lui-même de « métaphysique ». Les troubles psychiques de la schizophrénie résultent de frayages anormaux intercellulaires, véritables courts-circuits ; ces frayages étant plus récents sont plus fragiles que les frayages normaux. Le blocage de la cellule malade par le traitement ferait disparaître ces frayages plus faciles en laissant subsister les autres.
L’hypothèse jacksonienne de la dissolution – reconstruction, émise par Demlas-Marsalet, en ce qui concerne l’électrochoc (v. ce mot), paraît applicable au choc insulinique.
Au point de vue biologique, une dizaine de théories ont été fournies. Le seul fait certain est que l’hypoglycémie est un phénomène parallèle au processus de guérison, mais ne conditionne pas celui-ci. Pour Claude et Rubenovitch, l’action du choc insulinique serait très polyvalente : action dynamisante sur les centres sous-corticaux ; action de choc par rupture des synergies fonctionnelles ; action calmante et réparatrice sur le sommeil ; ouverture du psychisme, imperméable jusque là, à la psychothérapie. Pour Cossa enfin, le coma insulinique activerait, dans des proportions considérables, le processus normal de drainage des tissus nerveux, amenant ainsi une désintoxication cellulaire.
Maurice Porot.

On y voit aussi un remarquable passage vitré, un passage à plusieurs étages, théâtral, avec des escaliers de fer dont les paliers superposés donnent accès à des boutiques aux belles devantures luisantes, rangées comme des vitrines de musée autour d’aériennes galeries. (Valery Larbaud, 1923). Photo de Megan Jorgensen.
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