L’Institut de Microbiologie et d’Hygiène de l’Université de Montréal
Ses buts – Son œuvre
Armand Frappier, Directeur
Rôle des instituts de microbiologie et d’hygiène dans le monde
Lorsque Pasteur put affirmer, le premier mars 1886, l’efficacité des vaccinations antirabiques, l’Académie des Sciences décida d’ouvrir une souscription en France et à l’étranger pour créer à Paris, sous le nom d’Institut Pasteur, un établissement destiné à assurer le traitement de la rage epèrs morsure et pour permettre au fondateur de la Microbiologie et à ses collaborateurs de poursuivre leurs recherches scientifiques si fécondes dans un cadre moins étroit que le laboratoire de la rue d’Ulm.
Le premier institut de Microbiologie, fondé par Pasteur, comprenait des services de recherches, des services d’enseignement et des services pratiques (préparation des vaccins et plus tard des sérums et autres produits biologiques scientifiquement reconnus).
Les services de recherches continuaient à agrandir le champ des connaissances dans la voie nouvelle ouverte par Pasteur ; ceux de l’enseignement contribuaient à former de nouveaux bactériologistes et les services pratiques, en assurant la production et la distribution des vaccins et des sérums découverts dans les laboratoires de recherches, gratifiaient le public des bienfaits de ces produits et permettaient, au moyen des revenus retirés de leur vente, de soutenir les services de la recherche et de l’enseignement. C’était une heureuse combinaison.
Ainsi avait été créé par le fondateur de la Microbiologie le modèle de tous les instituts sérieux qui depuis lors ont été consacrés à cette branche des sciences biologiques et médicales.
Si l’on établit le bilan de toutes les découvertes qui, avec celles de Pasteur, ont été faites dans ces instituts on peut aboutir à cette conclusion qu’elles ont contribué et contribuent encore, car il s’y fait continuellement des découvertes, à modifier d’une façon étonnante l’orientation de la médecine et de la vie sociale moderne.
Il est aussi convenable et avantageux que la préparation des produits biologiques soit placée dans une institution scientifique sans but lucratif, comme l’avait voulu Pasteur, tous les profits retournant à la science. La sécurité et la qualité des produits n’y perdent rien. Les savants trouvent là un asile, digne de leur personnalité, où ils exercent leurs talents en toute indépendance.
Dans plusieurs pays, on a compris les choses de cette façon. Au Canada, l’Université de Toronto fit un grand pas avant la guerre de 1914 en érigeant un institut, aujourd’hui renommé dans le monde entier, sous le nom de Connaught Laboratories auquel fut intimement liée par la suite la fondation School of Hygiène.
Nettement orientée vers la recherche et l’enseignement avancé en Microbiologie et en Hygiène publique, cette institution ontarienne sut aussi exploiter à fond sa production biologique industrielle et sa réputation, si bien qu’elle possède aujourd’hui une importante réserve financière et fait l’orgueil du Canada. La Province de Québec, par l’achat de produits biologiques pour ses services d’Hygiène a contribué indirectement au développement de ces laboratoires en même temps qu’elle en profitait pour la formation de ses officiers d’Hygiène publique qu’elle y dirige encore chaque année.
Fondation de l’Institut de Microbiologie et d’hygiène de l’Université de Montréal
Origines – Buts
Au Canada français, cette période fut marquée par l’extrême détresse de l’Université de Montréal, l’humiliante pénurie des laboratoires et la dépendance de l’étranger pour la formation de quelques rares microbiologistes comme pour celle des hygiénistes.
Notre Province, au seuil d’un réveil économique, éducationnel et scientifique, allait sentir bientôt le besoin d’institutions techniques et de laboratoires de recherches.
En comblant cette déficience, elle préparerait la solution de ses multiples problèmes d’exploitation des ressources naturelles, de santé publique et d’orientation de la jeunesse vers les carrières modernes.
À l’Université de Montréal, nous avons pensé à prendre les mêmes moyens qu’à l’Université de Toronto pour favoriser chez nous l’effort scientifique et l’enseignement spécialisé de la Microbiologie, de l’Hygiène publique et de la Médecine préventive. Le Canada n’aurait pas de trop de deux institutions dans le genre de Connaught Laboratories & School of Hygiène. Le Québec, avec sa population nombreuse et ses chances d’avenir, ferait un véritable placement en favorisant l’érection d’un Institut de Microbiologie et d’Hygiène, que soutiendrait la récupération des sommes considérables expédiées chaque année à des institutions ou des industries de l’extérieur pour l’achat de produits biologiques (sérums, vaccins, etc.) employés en médecine humaine et vétérinaire.
Nous voulions aussi, dans cet océan anglo-saxon d’Amérique du Nord, créer un îlot scientifique, où l’on ordonnerait la recherche selon la méthode française, logique et hardie dans les hypothèses et fertile en découvertes, alliée à la technique américaine admirable dans sa précision et son efficacité. Nous espérions également inviter nos microbiologistes et nos hygiénistes, dispersés dans la Province, à conjuguer leurs efforts en vue de faire une œuvre scientifique, éducationnelle, économique et nationale capable de porter loin le renom de la Province de Québec et de ses institutions éducationnelles et scientifiques.
L’idée cependant n’était pas nouvelle. Dès 1925, le Gouvernement de la Province de Québec avait délégué les docteurs T. Parizeau et A. Bernier à Toronto pour y étudier l’organisation des Connaught Laboratoires & School of Hygiène. Le rapport de cette enquête était resté lettre morte. Car il y a souvent plus loin de l’idée à la réalisation que de la coupe aux lèvres.
Ce n’est que vers 1935-36, dans le plus profond de la crise, que, soutenu par le docteur Télesphore Parizeau, à ce moment doyen de la Faculté de médecine, et par le docteur L. Nègre de l’Institut Pasteur de Paris, nous avons jeté les bases du futur Institut de Microbiologie et d’Hygiène. À l’embryon de personnel du Département de bactériologie de la Faculté de médecine, que nous entraînions dans cette entreprise, nous ne pouvions offrir que des sujets de sacrifice. Peut-être plus tard, bien plus tard, si le succès venait, nos collègues jouiraient-ils d’un état de vie et d’une carrière, convenables mais chèrement gagnés.
C’est le Laboratoire du B.C.G. qui a constitué le noyau de l’Institut. La Faculté de Médecine de l’Université de Montréal a fait subsister ce laboratoire pendant plusieurs années, pour le plus grand bien des enfants protégés contre la tuberculose par ce vaccin. Vint le moment où le Conseil National des Recherches du Canada a versé des octrois, dans un but bien particulier, mais le Gouvernement provincial, sur l’avis de l’Honorable Athanase David, alors secrétaire provincial, commença bientôt à contribuer au développement progressif de l’œuvre du B.C.G. par des subventions adéquates au Service du B.C.G. de l’Université de Montréal.
En 1937, nous tenions un projet bien défini et cherchions des hommes d’affaires qui auraient consenti à se dévouer à l’édification de notre Institut. Nous eûmes la bonne fortune d’être présentés par le Dr. Georges Préfontaine, professeur à l’Université de Montréal et biologiste renommé, à monsieur Armand Dupuis, de la maison Dupuis Frères, homme d’affaires averti et philanthrope toujours prêt à seconder les efforts sérieux de la jeunesse.
Monsieur Dupuis, après une étude approfondie du projet, conseilla l’incorporation, réalisée en 1938 sous la troisième partie de la Loi des Compangnies, d’une institution que nous appelâmes alors Institut de Microbiologie et d’Hygiène de Montréal, institution sans but lucratif et sans capital-actions, dont les administrateurs ne recevaient aucun profit, aucun salaire.
Les premiers membres de cette corporation étaient, outre monsieur Dupuis, premier président et membre fondateur à vie, le Dr. Télesphore Parizeau, alors doyen de la Faculté de Médecine, membre fondateur à vie, le Dr. Edmond Dubé, directeur scientifique de l’Hôpital Ste- Justine et professeur à la Faculté, aujourd’hui doyen de la Faculté, membre fondateur à vie, le Dr. Georges Préfontaine, cité plus haut, membre fondateur à vie, et le Dr. Armand Frappier, à cette date Chef des laboratoires des Hôpitaux St-Luc et Pasteur, chargé du cours de Bactériologie à la Faculté de Médecine, directeur du futur Institut, membre fondateur à vie. D’autres personnalités se joignirent plus tard à ce conseil : M. Louis Dupire, journaliste bien connu, le Dr A. Lesage qui fut doyen de la Faculté de médecine, M. Eugène Doucet, imprimeur et philanthrope, le Dr Gaston Gosselin, professeur à la Faculté, le Dr Jean Grégoire, sous-ministre de la Santé à Québec, et le Dr Adélard Groulx, directeur du Service de Santé de la Ville de Montréal.
Nous rendons hommage à la mémoire de deux de nos membres déjà disparus, M. Armand Dupuis et M. Louis Dupire, qui désiraient tant le succès de notre institution et n’ont jamais ménagé leur temps, ni leur influence, pour l’établir en solide posture, lui ayant fait calme et entière confiance, même dans les moments les plus critiques.
Mais nous n’avions pas d’argent ! Qui allait commanditer une entreprise de ce genre sinon le Gouvernement provincial.
Nous avons trouvé l’Honorable J. A. Paquette, alors secrétaire provincial, et son sous-ministre de la Santé, le Dr Jean Grégoire, très sympathiques à notre projet : ce projet venait à son heure ; il réalisait un vœu émis depuis longtemps par le Ministre de la Santé ; le Gouvernement se devait de soutenir cette entreprise de collaboration avec les Ministères et les Services de Santé publique ; l’Institut servirait de cadre idéal à l’enseignement spécialisé de l’Hygiène publique et de la Médecine préventive dans la Province de Québec et nos futurs hygiénistes poursuivraient désormais leurs études chez nous et dans leur langue.
L’Institut reçut donc, en 1938, avec gratitude, un premier octroi de la part du Gouvernement de la Province de Québec pour commencer ses activités. Sur le désir du Ministre, l’Université acceptait de loger nos laboratoires dans les immeubles universitaires de la Montagne. Mais avant même de toucher à cette bâtisse, alors abandonnée, cela nous a pris deux ans, tant il fallut débrouiller de problèmes !
En attendant, nous avons formé du personnel, acheté l’équipement de base, mis au point des techniques de production, entrepris de longs voyages, préparé des plans, qu’ont approuvés par la suite l’Institut Pasteur et le Ministère de la Santé d’Ottawa, convaincu beaucoup de monde et finalement acheté une ferme à Laval-des- Rapides, en bordure de la Rivière des Prairies, magnifique endroit sur lequel nous avons établi l’Annexe de Sérothérapie, comprenant une écurie et des laboratoires pour l’immunisation des chevaux producteurs des sérums et des antitoxines.
Tant d’activités diverses n’ont pourtant pas interrompu le cours de nos recherches sur le B.C.G. poursuivies depuis plusieurs années.
La Société d’Administration de l’Université de Montréal résolut notre problème d’habitation en 1940, alors que, par une décision de grande largeur de vues et qui ne manquait pas d’audace, elle attribua à l’Institut la somme nécessaire à la construction de ses laboratoires. Nous rendons un hommage posthume à M. Arthur Vallée, alors président de cette Société, un universitaire de grande classe, auquel l’Institut restera à jamais reconnaissant ainsi qu’à son Excellence Mgr J. Charbonneau,
Chancelier de l’Université et ses collègues de la Société, de l’avoir installé le premier dans les nouveaux immeubles universitaires.
Enfin, au mois de mai 1941, l’Institut prenait possession de ses locaux dans les immeubles de l’Université, moyennant un loyer convenable. De cette collaboration allaient sortir des avantages scientifiques et matériels réciproques.
En 1942, l’Institut était rattaché officiellement et intégralement à l’Université de Montréal par une loi spéciale constituant en corporation l’Institut de Microbiologie et d’Hygiène de l’Université de Montréal.
Voici les noms des personnalités appelées à faire partie du nouvel institut : M. Alban Janin, président des Compagnies Janin Ltée et de France-Film, président de l’Institut ; M. René Morin, notaire, président du Trust Général du Canada etex-président de la Société Radio-Canada, premier vice-président de l’Institut ; M. Hervé Prévost, gérant-général du Sun Trust Limitée, deuxième vice-président de l’Institut ; M. Louis Casaubon, trésorier de l’Université de Montréal, trésorier de l’Institut ; M. Paul Huot, assistant-trésorier de l’Université de Montréal, secrétaire de l’Institut ; et les autres membres, la plupart membres de l’ancienne corporation et cités plus haut : l’Honorable Wilfrid Gagnon ; M. A. J. Laurence, doyen de la Faculté de Pharmacie ; le Dr Albert Lesage, ancien doyen de la Faculté de Médecine ; le Dr Télesphore Parizeau ; le Dr. Georges Préfontaine ; le Dr Jean Grégoire ; le Dr Adélard Groulx ; le Dr Edmond Dubé ; le Dr Armand Frappier.
La loi de l’Institut, dont nous avons parlé, lui assigne les buts suivants :
a) Établir des laboratoires et autres services accessoires, aux fins de poursuivre des recherches scientifiques en Microbiologie et en Hygiène ;
b) Utiliser les dits laboratoires et services à des cours de perfectionnement en Microbiologie et en Hygiène ainsi qu’en Médecine préventive ; entraîner et former des experts techniciens en Microbiologie médicale, hygiénique et industrielle ;
c) Faire servir exclusivement aux fins de recherches scientifiques en Microbiologie médicale, en Hygiène et en Médecine préventive, toute contribution, souscription, subvention et tout profit résultant de la vente des produits biologiques (vaccins et sérums) fabriqués par le dit Institut.
Œuvres de l’Institut
C’est pourquoi, dès sa fondation, en 1938, l’Institut s’est organisé en 4 sections principales :
- Section des Recherches en Microbiologie, en Hygiène et en Médecine préventive ;
- Section de l’Enseignement spécialisé en Microbiologie, en Hygiène et en Médecine préventive ;
- Section d’Œuvres Sociales de Médecine préventive ;
- Section de Production des vaccins et sérums et d’autres produits biologiques.
1. Les Recherches
L’Institut de Microbiologie et d’Hygiène de l’Université de Montréal est avant tout une institution de recherches. Les profits de la vente aux gouvernements et à diverses institutions publiques des produits biologiques préparés dans la section de production de l’Institut, doivent retourner exclusivement à la caisse des recherches.
C’est ainsi qu’au cours de l’année 1943-44, l’Institut a dépensé une somme rondelette à cette fin. Il ne requiert pas d’octroi du Gouvernement provincial directement applicable aux recherches, qu’il est en mesure de soutenir lui-même. Il en résulte donc une économie appréciable pour la Province.
La recherche à l’Institut est dirigée vers un double but :
a) recherches de portée générale ;
b) recherches de portée pratique et intéressant l’Hygiène, la Santé publique et la Médecine préventive, les Services médicaux des Forces armées, le laboratoire clinique, la thérapeutique médicale et vétérinaire et la Microbiologie industrielle.
Depuis 1933, le Directeur de l’Institut et ses collègues n’ont cessé de collaborer avec le Conseil National des Recherches du Canada, qui a soutenu plusieurs de leurs travaux par des subventions importantes et les a invités à siéger sur des comités ou sous-comités associés sur les recherches médicales. Ils ont aussi accompli de nombreuses missions scientifiques à l’étranger. Les résultats de ces investigations parurent régulièrement dans les Rapports du Conseil des Recherches et dans les journaux scientifiques. Le caractère confidentiel de certaines recherches disparaîtra après la guerre et les publications reprendront leur cours ordinaire.
Présentement les travailleurs de l’Institut s’acharnent sur une dizaine de sujets originaux. Un seul de ces problèmes emploie le temps complet de six personnes. De nombreux manuscrits sont également sous presse. L’Institut reçoit en plus, de la part de certaines industries, des subventions applicables à l’étude de sujets particuliers.
Le Département de Bactériologie et l’Institut de Microbiologie et d’Hygiène de l’Université de Montréal sont reconnus pour leurs investigations en Tuberculose expérimentale, particulièrement sur la prévention de cette maladie par le B.C.G. Les sujets de recherches deviennent plus diversifiés maintenant que le personnel de chercheurs est plus nombreux et les moyens matériels plus considérables.
L’Institut a l’intention de développer de plus en plus les recherches d’application industrielle. Il a déjà sauvé certaines industries de pertes considérables et formé pour elles des techniciens et des experts.
Les industries microbiologiques avec lesquelles l’Institut peut collaborer sont : les industries alimentaires, celles de la brasserie, de la distillerie, de la levurerie ; les industries pharmaceutiques et certaines industries chimiques. La nature des services que l’Institut peut rendre aux industries se résume aux recherches sur les problèmes de contamination et l’amélioration des rendements et de la qualité par la sélection des souches microbiennes ; aux recherches de races microbiennes nouvelles, dont les propriétés conduiraient à la découverte de produits nouveaux ; à la conservation et à la distribution des cultures microbiennes spéciales ; à la recherche et à l’utilisation des sous-produits rejetés ; à la formation de techniciens et d’experts et à l’étude de problèmes spéciaux.
2. L`Enseignement spécialisé
L’Institut ne pouvait songer à développer sa section éducationnelle avant d’avoir d’abord érigé ses laboratoires et formé un personnel de base. Nous avons particulièrement insisté au cours des premières années sur la formation de microbiologistes compétents et d’experts en Médecine préventive. C’était la pierre angulaire de l’édifice et du futur Enseignement spécialisé de l’Hygiène publique et de la Médecine préventive.
A. Enseignement de la Microbiologie (Bactériologie) :
I. Enseignement scolaire :
À l’Université de Montréal, l’enseignement de la Bactériologie aux élèves de Médecine, d’Art dentaire, des Sciences, de Pharmacie et de Diététique est centralisé dans le Département de Bactériologie de la Faculté de Médecine lui-même intimement lié à l’Institut. Il en résulte une économie appréciable. En effet, l’Institut participe et collabore à cet enseignement : en procurant des professeurs et des démonstrateurs expérimentés, toujours sur place, au service des élèves ; en procurant des techniciens experts ; en préparant des fournitures d’enseigne variées et abondantes.
Les programmes sont fixés par les Facultés. Le nombre des élèves dépasse actuellement 210. Le grand laboratoire de travaux pratiques comprend plus de l60 places ; l’amphithéâtre de cours théoriques, plus de 200 ; ce laboratoire et cet amphithéâtre sont les plus confortables que nous connaissions.
II. Certificat, Maîtrise, Ph. D, Doctorat :
Les élèves ‘désireux d’obtenir ces titres trouvent dans l’Institut un centre d’études idéal et des facilités de travail considérables : au moins 10 chefs de services spécialisés ; un personnel de plus de 100 techniciens et aides ; 30,000 pieds carrés de laboratoires divers, comprenant aussi plusieurs petites unités de recherches, des salles d’étude et une bibliothèque en voie d’organisation mais recevant déjà plus de 72 revues de Microbiologie et les plus récents traités, sans compter la section des tirés à part au nombre de plusieurs milliers ; un outillage moderne d’une valeur de plus de $150,000.00, du matériel comme les toxines, les antitoxines, les animaux d’expérience, etc.
Les diplômes sont conférés par la Faculté de Médecine ou les autres Facultés et déjà plus de 25 élèves ont complété ces études spéciales. L’Institut a entraîné également plus de 50 techniciens.
B. Enseignement de la Médecine préventive :
Par ses publications et l’envoi de conférenciers dans les principaux centres de la Province, l’Institut a secondé les efforts du Ministère de la Santé surtout dans la lutte contre la tuberculose et la diphtérie.
Nos conférenciers ont aussi renseigné les sociétés médicales sur des sujets nouveaux tels que la vaccination contre la coqueluche, la Pénicilline, le sérum humain, la transfusion sanguine, etc.
C. Enseignement de l’Hygiène publique :
N’eut-il pas existé, qu’il aurait fallu créer l’Institut avant de songer à organiser dans Québec l’enseignement spécialisé de l’Hygiène publique et de la Médecine préventive. Le matériel, le personnel et les fonds de recherches qu’offre un institut comme le nôtre constituent une avance inappréciable dans cette direction et un cadre tout prêt pour une École d’Hygiène.
Les candidats au D.P.H., à la Maîtrise ou au Doctorat en Hygiène publique trouveraient dans l’Institut un foyer de travail agréable et une pépinière de sujets d’étude.
Dans les salles d’enseignement théorique et les laboratoires de travaux pratiques, dans la section des recherches de l’Institut, il reste de nombreuses places disponibles et prévues depuis longtemps pour les futurs élèves d’Hygiène publique.
Point n’est besoin de construire une autre école !
On ne peut s’empêcher de formuler le souhait de voir bientôt l’Institut collaborer à un enseignement que les nôtres sont encore obligés d’aller chercher à l’étranger
3. Œuvres Sociales de Médecine préventive : le B.C.G.
Œuvres de guerre de Sérum Humain
L`Institut possède le seul laboratoire du Canada pour la préparation du vaccin B.C.G. L’Université de Montréal a été la première institution d’Amérique du Nord à s’engager dans ce domaine. Plus de 60,000 ampoules de B.C.G. sont distribuées chaque année dans le Québec, la Saskatchewan, l’Alberta, le Manitoba, au Mexique et à Haïti.
L`Institut a constitué également un Fichier du B.C.G. par lequel on peut retracer facilement l’histoire d’un enfant vacciné, aviser qui de droit quant aux revaccinations et conseiller le médecin ou les parents sur ce sujet. La correspondance est très considérable et les vaccinations augmentent régulièrement de plusieurs milliers par année. C’est une œuvre sociale dont l’Institut est fier et qui, à elle seule, suffirait pour justifier son existence.
Sérum Humain
Vers 1941, l’Institut offrait gratuitement des locaux spacieux et l’expérience de son personnel technique au Gouvernement du Canada pour l’installation d’un centre de séparation et de dessiccation du sérum normal humain pour la Province de Québec et, éventuellement, les Provinces maritimes. Au moyen de la collaboration des autorités de la Croix-Rouge et des fonds provenant du Ministère de la Santé Nationale du Canada, l’Institut réussit, en un temps record, à aménager et à équiper de la façon la plus moderne un Service de Dessiccation de Sérum Normal Humain fonctionnant déjà au début de 1943.
Ce service fait l’admiration des visiteurs au nombre desquels l’Institut a l’honneur de citer le Comte d’Athlone et son Altesse Royale la Princesse Alice, l’ambassadeur de France et de nombreuses personnalités du monde politique, universitaire, scientifique et financier du Canada et de pays étrangers.
Ce fut l’une des plus belles contributions de la Province de Québec à l’effort de guerre. Le personnel a accompli des prodiges de calcul et de production. Des dizaines de milliers de bouteilles de sérum desséché provenant de l’Institut ont été expédiées sur les champs de bataille européens et asiatiques. L’emploi de ce sérum, comme on le sait, prévient le « shock » chez les blessés, qui autrement succomberaient en plus grande proportion.
4. Production des Vaccins et des Sérums
Cette section de l’Institut a pour but de fournir à la recherche du personnel expert, du matériel abondant et diversifié et des fonds.
Les nôtres y ont trouvé des carrières nouvelles. La Province garde son argent chez elle tout en soignant sa réputation à l’étranger.
Nos méthodes de production et nos techniques, perfectionnées mais simples, non seulement nous permettent une compétition honnête mais elles attirent dans nos laboratoires les techniciens d’institutions et de maisons renommées.
L`Institut approvisionne principalement les services de Santé de la Province, y compris celui de la Ville de Montréal, les Forces armées canadiennes et alliées et les hôpitaux. Outre le B.C.G., l’Institut prépare l’Antitoxine diphtérique, l’Antitoxine tétanique, le Sérum hémopoiétique de cheval, le Sérum normal humain desséché, la Toxine de Schick, les Vaccins anticoquelucheux, antityphoparatyphoidique, antivariolique, anticatarrhal, etc. etc. L’Institut fait des expéditions considérables dans toutes les parties du globe non occupées par l’ennemi, portant ainsi bien loin et avec fierté le nom d’une institution canadienne-française.
Conclusions
Ce qui frappe le visiteur à l’Institut, c’est la bonne ordonnance, le confort non luxueux des laboratoires et l’activité fébrile du personnel.
Sans la ténacité et le dévouement de nos chefs de service, sans la précision dans le travail, l’esprit de corps de nos techniciens, laborantines et autres employés, l’Institut n’aurait jamais accompli en si peu d’années l’œuvre qui le caractérise. Car après tout, ces opérations n’ont véritablement commencé qu’en 1942 et voilà qu’il ressemble déjà à une institution adulte.
Nos chefs de service ont reçu leur formation dans les meilleurs laboratoires, particulièrement à l’Institut Pasteur de Paris, sous la direction de maîtres célèbres.
Ils collaborent presque tous à l’enseignement, à la Faculté de Médecine ou dans d’autres facultés. J’ai le grand plaisir de les présenter au lecteur : M. Victorien Fredette, sous-directeur de l’Institut, chef du Service des Sporulés ; le Dr. Maurice Panisset, chef de la Section des Recherches ; le Dr Jean Denis, chef du Service du B.C.G. ; M. Lionel Forte, chef de la Section de production ; M. Adrien Borduas, chef du Service de chimie immunologique ; M. Jean Tassé, chef du Service de Dessiccation du Sérum Normal Humain ; le Dr. O. Denstedt, (professeur à McGill) un de nos aviseurs techniques sur la biochimie du sang ; le Dr. Paul Marois, assistant dans le Service de Sérothérapie ; le Dr Paul Dionne, assistant en recherches ; M. R. Hudon, chef de bureau.
Personne autre que le Directeur n’a mieux apprécié, au cours des dernières années, la vaillance de cette équipe rompue à la discipline scientifique et à l’effort collectif. Vive la compagnie de ces modestes, renseignés plus qu’ils ne le croient, de ces débrouillards passés maîtres dans la redécouverte et le perfectionnement de procédés tenus pour des arcanes, de ces artistes de la technique, patients comme des bénédictins et toujours à l’affût du nouveau scientifique. Leur conversation ruisselé d’idées. Aussi, à l’Institut, rien ne s’entreprend qu’après consultation et décision unanime.
Qu’il fait bon, chaque jour, de sentir la volonté de collaboration et, me ferais-jeillusion, l’affection de ces excellents collègues. Ils s’estiment réciproquement comme des frères. Leur vie, c’est l’Institut. Sans eux, point d’Institut.
À l’assaut continuel de problèmes complexes, les désappointements ne leur manquent pas, mais le Directeur soutient leurs audaces et coordonne leurs initiatives.
Alors, le temps ne compte plus. Seule l’extrême fatigue déclenche la fin de la journée.
Des jeunes. Oui, mais routiers précoces de la Microbiologie. S’ils étaient américains ou européens, on les appellerait savants.
Les efforts bien intentionnés de pareils travailleurs ont besoin d’être soutenus par une administration saine et clairvoyante.
Nos administrateurs ont fait preuve de sagesse en adaptant leur méthode de gestion au caractère particulier de l’Institut qu’ils ont saisi rapidement par une perspicacité propre aux hommes d’affaires de premier rang.
Sous la présidence de monsieur Alban Janin, le Conseil d’Administration actuel de l’Institut s’est imposé de pourvoir aux besoins de capital de l’Institut et d’établir sa production sur une base financière solide.
Il est bon que le public sache que ces administrateurs, de même que ceux de l’Université, guidés uniquement par le sens social et l’amour du bien public, dévouent leur énergie à des tâches difficiles et prennent de grandes responsabilités sans en retour retirer aucune rémunération.
L’Institut est le fruit du patriotisme et du discernement de nos Ministres de la Santé à Québec. L’Honorable J. A. Paquette et l’Honorable Henri Groulx ont toujours considéré l’Institut de Microbiologie et d’Hygiène de l’Université de Montréal comme une œuvre nationale, indispensable à la Santé publique et à l’avancement de l’éducation scientifique chez nous. Notre plus vif désir, c’est de justifier pleinement cette confiance qui nous honore.
Et maintenant ne perdons pas foi dans la générosité de Dame Nature, qui sait récompenser les chercheurs sagaces et obstinés et gratifiera bien un jour les nôtres de quelque riche filon. Cette éventualité dévoilera un aspect quasi surprenant du génie des Canadiens français !
Texte publié dans L’Action Universitaire, revue de l’Université de Montréal, en juin 1945.