Hypocondrie
Syndrome constitué par des préoccupations excessives et angoissantes au sujet de la santé. L’attention du malade est concentrée sur le fonctionnement de ses organes en général ou, plus particulièrement, de l’un d’entre eux au détriment, dans les cas sérieux, de ce qui devrait normalement l’intéresser ; d’où l’égoïsme dont il fait preuve. Il y a souvent, du reste, à la base de l’hypocondrie, une disposition constitutionnelle spéciale qui porte le sujet à l’auto-observation et à l’interprétation et que Abadie avait proposé de nomme constitution « arganique » du nom du personnage du Malade imaginaire, de Molière. L’anxiété paraît entretenue par des troubles cénesthésiques ou parfois par des lésions réelles plus ou moins méconnues (cénestopathies légitimes et « hypocondrie justifiée »). Dans la plupart des cas on observe, effectivement, des troubles digestifs (anorexie, constipation, insuffisance hépatique), circulatoires, endocriniens; l’état général peut être floride ou altéré.
Ce syndrome réclame donc un examen médical complet. Très souvent, il exprimera une imprégnation bacillaire fruste (v. Neurasthénie), avec périviscérite digestive, une affection hépatique, génitale, urinaire, etc. Pour les psychanalystes, il faut songer à un comportement narcissique; pour les théoriciens de la médecine psychomatique, les lésions viscérales existent bien, mais elles sont conditionnées par les complexes.
Dans l’hypocondrie délirante, véritable délire interprétatif, accompagné parfois d’hallucinations, le sujet décrit avec une certitude irréductible des lésions imaginaires : tumeurs, atrophies, hypertrophies, corps étrangers, voire animaux (zoopathie) ou démons (démonopathie, possession). Ces idées de transformation ou de négation compliquent le tableau dans le syndrome de Cotard. Il s’agit alors d’une forme très spéciale de mélancolie, parfois d’un débit de paralysie générale, plus rarement d’une autre variété de démence.

L’hypocondrie avec tendances revendicatrices peut provoquer des réactions antisociales graves contre l’entourage et surtout contre le personnel soignant (médecins et infirmières). Dans ce cas, l’internement s’impose. De même, lorsque des idées de suicide sont exprimées ou soupçonnées. De toute façon, ces sujets sont très difficiles à soigner; ils interprètent sans arrêt l’action des médicaments, des plus infimes influences extérieures (phénomènes atmosphériques, bruits de la rue, par exemple), des aliments, des gestes et des paroles du médecin. Aucune intervention chirurgicale ou traitement réputé dangereux ne doit être institué sans indication impérative. Des chirurgiens sans méfiance ont payé de poursuites judiciaires et parfois de leur vie cette imprudence.
La psychothérapie, très délicate, psychanalytique ou non, est affaire de spécialiste, de préférence en milieu hospitalier ou en maison de santé, tout au moins en début de la cure. Elle doit être suivie d’une véritable rééducation, visant à détourner le malade de ses préoccupations, de son attitude « d’écoute » et à l’occuper suivant ses possibilités (travail facile et agréable).
Les thérapeutiques de « relaxation », en faveur aujourd’hui, donnent parfois aussi des résultats intéressants s’il n’y a pas une structure pathologique de la personnalité en voie d’évolution.
L’hydrothérapie, les cures thermales, les toniques anodins, les petits sédatifs pourront être employés avec discernement, en évitant de cristalliser l’inquiétude.
H. Aurin.
Syndrome de Cotard
On décrit sous le nom de syndrome de Cotard un délire systématisé de négation, assez fréquent dans les mélancolies d’involution.
Le début en est marqué, dans les formes les plus démonstratives, par de simples troubles cénesthésiques ; puis apparaissent des idées de transformation : les malaises précédents sont interprétés comme une pétrification, un racornissement, un ratatinement des organes, ou comme une putréfaction, une transformation diabolique, une damnation anticipée.
Visant ensuite le stade de négation proprement dit, suivi du délire d’énormité – énormité dans l’horreur – où le malade se dit voué au destin le plus monstrueux et le plus désespérant, car il ne prendra jamais fin : n’étant plus vivant, il ne saurait mourir et son immortalité constitue, pour lui, la pire des souffrances. Parfois, il se voit d’une taille gigantesque, il ne compte que par milliards, il vit dans le surhumain.
Des troubles réels de la sensibilité (analgésie) favorisent les mutilations et les tentatives de suicide.
Ce syndrome était considéré autrefois comme un signe de chronicité. Le traitement des mélancoliques par l’électrochoc a rendu sa signification pronostique beaucoup moins absolue.
H. Aubin.
Dépersonnalisation
Sentiment éprouvé par certains sujets de n’être plus eux-mêmes, soit dans leur intégrité corporelle et somatique (désincarnation, désomatisation), soit dans la conscience de leur moi psychique (désanimation), soit dans l’ensemble de ces diverses composantes de la personnalité. Il s’y ajuste souvent un sentiment d’étrangeté et de non-familiarité vis-à-vis de ce qui encadre leur vie habituelle (déréalisation).
Ce trouble subjectif de la personnalité, tantôt partiel, tantôt global, s’exprime par des formules diverses. Il correspond toujours à une baisse du tonus nerveux, de la tension psychologique, se traduit souvent par un sentiment de faiblesse, d’impuissance et c’est pourquoi il se rencontre avec une particulière fréquence dans les états dépressifs ou psychasthéniques, opinion soutenue également par Minkowski. Mais il peut avoir une signification plus sérieuse, et dans certains processus évolutifs, ouvrir la porte à des idées délirantes d’influence, de possession, de négation, de transformation et finalement être la première étape d’un délire chronique.
La primauté génétique du désordre est, pour Edouardo Krapf, dans la désanimation, dans l’attente du moi affectif qui relâche ses liens et rompt le contact sentimental qui l’unissait au monde ambiant familier. Il y aurait donc régression affective et les psychanalystes ont voulu voir dans ce phénomène un retrait, un repli au stade narcissique.
Déréalisation
Sentiment d’étrangeté et de « non-familiarité » à l’égard du monde ambiant; est un corollaire fréquent du sentiment de dépersonnalisation.