Greffe de cœur

Elle danse avec l’homme qui porte son cœur

Il a quelques semaines, M. Jean-Paul Vincent, auquel on venait de greffer un nouveau cœur, était assez troublé par la révélation que lui avait faite quelques jours plus tôt son chirurgien, le docteur Albert Guerraty, de l’hôpital Royal Victoria. Il s’en ouvrit à une autre patiente, Mme Francine Marcoux-Fiset. Le docteur Guerraty, lui confia-t-il, m’a dit que la personne qui m’a donné son cœur, était toujours vivante. Mme Fiset ne broncha pas. Elle ne lui avoua pas que le cœur qui battait dans la poitrine de M. Vincent était le sien.

Mme Fiset, 45 ans, emphysémateuse, au stade terminal, avait besoin de nouveaux poumons. Mais comme ces organes sont si intimement liés au muscle cardiaque qu’ils forment une unité fonctionnelle, on lui a fait une greffe cœur – poumons, en échange desquels elle fit don de son cœur, en parfait état, à son voisin de chambre.

Mme Fiset et M. Vincent ont subi dans la nuit du 29 juin dernier la première transplantation « domino » au Canada. L’intervention a duré cinq heures et a mobilisé une douzaine de personnes dont trois chirurgiens qui travaillaient simultanément dans trois salles d’opération contiguës. Ce type de chirurgie, à la limite de la science-fiction, n’a pas été pratiqué plus d’une quinzaine de fois dans le monde. Ainsi M. Vincent, qui fêtait ce jour-là son 58e anniversaire de naissance, devenait à la fois la centième personne à subir une greffe cardiaque à l’hôpital Royal Victoria et le premier transplanté qui a pu remercier de vive voix sa généreuse donatrice. Ce fut une journée bien remplie.

(Texte publié dans La Presse, le 29 juillet 1989).

cœur et danse
Son cœur sur votre cœur ! Le chemin est si doux du plaisir au bonheur ! (Alfred de Musset ; Premières poésies, Namouna – 1832). Photo : © GrandQuebec.com.

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