La faculté de chirurgie dentaire
Récit historique publié en 1941
par le docteur Eudore Dubeau, doyen
La Faculté de chirurgie dentaire de l’Université de Montréal, fondée en 1904, qui, conséquemment, est dans sa trente-septième année d’existence, débuta humblement, à cause du manque de ressources pécuniaires.
L`Université, alors l’Université Laval, ne pouvant lui donner tout le local nécessaire, les cours seuls avaient lieu à cet endroit, et la clinique, assez rudimentaire, fut installée au quatrième étage de l’immeuble actuel du journal La Patrie.
En 1908, grâce à la générosité du regretté Mgr Gaspard Dauth, alors vice-recteur, elle s’installa dans la maison St-Joseph, hospice pour vieillards, situé à l’angle des rues St-Hubert et de Montigny.
Ce n’était pas très spacieux et le nombre d’élèves augmenta si rapidement qu’il fallut songer à s’agrandir, mais comment le faire, sans argent ? Ici encore, nous devons rendre hommage au dévouement inlassable de Mgr Dauth, à qui nous devons une dette de reconnaissance inoubliable, car c’est lui qui sut intéresser Sir Lomer Gouin à notre œuvre, et en 1913, le 1 1 octobre. Sir Lomer Gouin, lui-même, inaugurait l’immeuble actuel, dont les plans intérieurs ont été faits après des visites aux meilleures écoles dentaires des États-Unis.
Notre Faculté, qui avait six élèves lorsqu’elle fut fondée, en compte aujourd’hui cent vingt, tous bacheliers ès-arts, car nous exigeons ce diplôme de ceux qui désirent étudier la chirurgie dentaire. Elle est affiliée à l’Association des Facultés Dentaires Américaines, ce qui permet aux élèves franco-américains qui viennent étudier à Montréal, d’aller ensuite exercer chez eux, en se soumettant toutefois aux lois dentaires des différents états américains.
La Faculté de chirurgie dentaire de l’Université de Montréal est la seule qui donne l’enseignement en langue française en Amérique, à l’exception de celle de Haïti, qui est dirigée par un de nos diplômés, le docteur Jules Thébaud.
Nous sommes heureux de mentionner que soixante-cinq élèves, d’Europe, de l’Amérique du Sud, de Haïti, de Chine et du Japon, sont venus chercher notre doctorat en chirurgie dentaire et sont ensuite retournés exercer leur profession dans leurs pays respectif, faisant connaître ainsi, un peu partout, à travers le monde, le nom de l’Université de Montréal.
L’hygiène dentaire, en rapport avec la santé générale, a fait d’immenses progrès depuis quelques années, grâce aux travaux de recherches de dentistes, surtout des États-Unis. Malheureusement, un laboratoire à cet effet n’existe pas à notre Faculté, faute d’argent. Je désire signaler à l’attention de nos philanthropes montréalais que récemment un citoyen de Boston donnait à l’École dentaire de Harvard la somme de dix mille dollars pour la création d’un laboratoire de recherches dentaires. Quand nous serons installés dans le nouvel immeuble universitaire de la montagne, en septembre 1942, nous aurons là un endroit idéal pour en organiser un, et je souhaite qu’un des nôtres imite le beau geste du philanthrope bostonnais.
L’honorable Henri Groulx, ministre de la Santé et du Bien-être social, ancien trésorier de l’Association des Anciens de l’Université de Montréal, et un de ceux qui ont le plus travaillé à sa fondation et à sa survivance, disait récemment, dans un communiqué aux journalistes, à l’occasion de l’ouverture des classes, ce qui suit : « C’est quand l’enfant se développe qu’il faut veiller à sa constitution, et le rôle des dents est essentiel dans l’économie humaine. Les moindres troubles de la dentition peuvent avoir des conséquences très graves pour le futur adulte. Si vous voulez prévenir ces dangers, nous assurent les hygiénistes, vous devez conduire vos enfants chez le dentiste au commencement de chaque année scolaire. Il peut se faire que votre enfant ait une dentition parfaite, mais il se peut aussi que la terrible carie ait déjà causé certains ravages. En ce dernier cas, un prompt traitement préviendra l’expansion du mal. Une très petite cavité dans une dent est très souvent le point de départ d’un abcès douloureux ; une banale intoxication, une infection bénigne, se transforment avec le temps, souvent en une affection chronique.
Si vous avez de bonnes dents, vous mastiquerez bien et votre digestion sera meilleure. Qu’il s’agisse des adultes ou des enfants, l’importance d’une bonne dentition demeure essentielle à la santé.
Au mois de mars 1940, lors d’un dîner organisé par les chirurgiens-dentistes de Montréal, pour commémorer le centième anniversaire de la première école dentaire fondée à Baltimore en 1840, par les Drs Chapin A. Harris et Horace H. Hayden, l’honorable Henri Groulx, alors secrétaire provincial, déclarait qu’il aiderait notre profession à répandre les notions d’hygiène dentaire. Il tient parole et nous l’en remercions vivement.
Profitant de ses bonnes dispositions, nous allons lui demander davantage. Dans la province d’Ontario il y a un assistant sous-ministre qui s’occupe exclusivement de l’hygiène dentaire ; le docteur F.J. Conboy, chirurgien-dentiste, professeur à la Faculté dentaire de Toronto, et actuellement maire de cette ville, a occupé ce poste durant quelques années, à la grande satisfaction de la profession.
Depuis longtemps, la profession dentaire du Québec demande la même chose et elle fait des vœux pour que ce soit le ministre actuel de l’hygiène qui la lui accorde.
La Faculté de chirurgie dentaire en sera particulièrement heureuse et reconnaissante, parce que dans notre enseignement nous insistons auprès de nos étudiants sur la nécessité absolue de la coopération entre le médecin et le dentiste pour faire un bon diagnostic, car si d’un côté beaucoup d’affections buccales sont la répercussion d’un état systématique mauvais, de l’autre, un grand nombre de troubles généraux proviennent d’un état bucco-dentaire défectueux. Nous sommes heureux de constater que le Service de santé de la ville de Montréal, habilement dirigé par le docteur A. Groulx, a institué sept cliniques dentaires pour les enfants pauvres, sous la direction d’un chirurgien-dentiste, le docteur Roméo Lalonde. La ville de Montréal a aussi subventionné une clinique installée dans notre Faculté pour le redressement des dents des enfants. Cette clinique, dirigée par un de nos professeurs, le docteur Paul Geoffrion, spécialiste expert en la matière, a actuellement au-delà de cent enfants sous traitement. Comme c’est chez l’enfant qu’on doit inculquer les notions d’hygiène dentaire, ces cliniques sont appelées à rendre de grands services présentement et pour l’avenir. Je crois qu’il est opportun de mentionner ici le rôle de la chirurgie dentaire dans l’armée au Canada. Il y a un corps dentaire qui a été organisé comme celui du corps médical, mais qui fonctionne indépendamment de ce dernier et ayant comme commandant, le colonel F.M. Lott, professeur à la Faculté de chirurgie dentaire de Toronto.
Au nombre de ceux qui sont actuellement en Angleterre avec les contingents canadiens, il y a deux de nos professeurs, les capitaines J.P. Lantier et Lucien Reeves et aussi plusieurs diplômés de notre Faculté.
Le lieutenant-colonel G.L. Cameron, commandant en second, déclarait récemment que ce corps est le plus beau et le mieux outillé de tous. Il y a des cliniques ambulantes qui sont entraînées pour servir aussi bien au front qu’à l’arrière, possédant tout le matériel nécessaire pour réparer chez les soldats, les dentures avariées pendant le combat.
L’équipement comprend même un petit appareil de rayons-X.
Lors de la grande guerre de 1914-18, il y avait un dentiste pour quatre mille hommes ; au cours de la guerre actuelle l’armée canadienne dispose d’un officier du corps dentaire pour chaque groupe de cinq cents soldats.
Eudore Dubeau.
Octobre 1941, L`Action Universitaire.

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