L’eau à la bouche
Elles sont minérales, naturelles, déminéralisées, gazéifiées, aromatisées, de source…
Nicole Lelièvre, Dagenais-Pérusse
Au siècle de la pollution, l’eau devient un sujet d’observation, de dégustation et de critique. On trouve très peu de consommateurs d’eau minérale, y compris les médecins, qui connaissent les véritables propriétés de ce produit. On se contente généralement de le choisir en fonction de son goût ou de la sensation de bien-être qui résulte de sa dégustation.
La véritable différence entre plusieurs eaux minérales provient en réalité des propriétés minérales de chacune. C’est ce qui explique la variété des sources et des stations spécialisées en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. Chaque eau minérale est unique en soi. La nature du sol, au niveau de la nappe souterraine d’où provient l’eau, lui assure toute son originalité.
Une vieille tradition
L’habitude de consommer de l’eau minérale n’est pas un phénomène récent. En Europe, la tradition remonte à plus de 2000 ans et Jules César, est-il rapporté, ressentit un profond sentiment de bien-être et de fraîcheur après avoir bu une certaine eau…
L’eau minérale goûte vraiment ce que l’épicurien souhaite que l’eau doive goûter. Lors de sa mise en bouteille, à la source, avec ses qualités minérales, l’eau est telle que la nature l’a conçue.
C’est après la Révolution française que les principes du thermalisme furent établis et intégrés à la médecine officielle. C’est la raison pour laquelle on reconnaît le caractère thérapeutique des eaux minérales. En Europe, les eaux embouteillées sont régies par décret. Le gouvernement décrète que telle eau est bonne pour la santé pour telle ou telle raison. Alors, on lui donne l’appellation « eau minérale ». L’eau a alors atteint le prestigieux statut d’eau thérapeutique.
Ce concept d’eaux médicinales a été exporté dès les débuts en dehors de l’Europe et, en particulier, s’est implanté au Québec d’autant plus facilement que nos médecins étaient formés à l’école européenne. Toutefois, en Amérique du Nord, la reconnaissance comme telle de ces propriétés thérapeutiques n’a pas encore été établie. Il n’en demeure pas moins que nous consommons l’eau minérale pour la sensation de bien-être qu’elle nous procure.
Toutes les eaux en bouteilles ne sont pas nécessairement des eaux minérales. Il peut s’agir d’eau de source, d’eau traitée ou même d’eau « minéralisée », c’est-à- dire une eau à laquelle on a ajouté artificiellement des sels minéraux. Toutefois, aucune de ces eaux ne présente les avantages d’une véritable eau minérale naturelle.
Une bonne eau minérale naturelle légère peut être substituée à tout. A table, l’eau minérale peut remplir les petits coins de votre estomac et remplacer le dessert, par exemple Mais, surtout au moment de la salade, une bonne eau minérale légère devient irremplaçable. À raison de quelques gorgées prises ici et là au cours de la journée, une eau minérale est une source incroyable de satisfaction « orale » non calorique pour tous ceux qui ont toujours besoin de porter quelque chose à la bouche
Savoir lire l’étiquette
Pour devenir un vrai amateur d’eau, il est nécessaire de savoir lire une étiquette. On peut regrouper en deux catégories de base les différentes sortes d’eau embouteillée : les eaux naturelles et celles qui ne le sont pas. Les eaux naturelles ne comprennent que l’eau de source et l’eau minérale dont la différence est basée sur la minéralisation.
L’eau de source provient d’une nappe souterraine que la nature a protégée contre les bactéries et les autres facteurs de contamination. Elle contient moins de 1 000 P.P.M. (parties par millions ou milligrammes par litre) de sels minéraux et aucun des éléments de ceux-ci ne se retrouve en quantité supérieure aux normes fixées par le gouvernement canadien comme standard de l’eau potable. C’est une eau pure, destinée surtout à désaltérer.
L’eau minérale, comme l’eau de source, provient également d’un gîte aquifère où elle a aussi bénéficié d’une protection naturelle. Comme son nom l’indique, elle contient une proportion de sels minéraux supérieure à celle que l’on trouve dans l’eau de source et ceci, à des degrés variables.
L’écart qui existe entre les eaux de source est de (0) zéro à mille (1 000) P.P.M. (parties par million) alors que celui qui existe entre les eaux minérales est beaucoup plus grand, variant de 1000 à 15 000 PP.M. C’est là que l’on trouve l’explication aux remarques inexactes, fort répandues, affirmant que les eaux minérales sont trop salées. On oublie trop facilement ce très grand écart. L’idéal se situe autour de mille (1 000) P.P.M.
Les eaux minérales contenant approximativement 1 000 P.P.M de sels minéraux sont considérées comme bonnes à boire et sans danger en quantités normales. Les médecins estiment qu’elles comportent assez de sels minéraux pour avoir certaines propriétés médicinales. On les appelle généralement des eaux minérales légères.
Toutes les eaux embouteillées vendues au Québec doivent présenter sur leur étiquette l’appellation et les qualificatifs, la provenance de l’eau et la situation géographique de la source, le nom de l’exploitant (distributeur ou embouteilleur et, s’il y a lieu, importateur), la quantité volumétrique, la date ou le code d’embouteillage et, pour l’eau de source, l’eau minérale et l’eau traitée minéralisée, la teneur en sels minéraux et la composition minérale. Il faut rechercher un certain équilibre en minéraux dans le contenu, comme par exemple une accentuation en bicarbonate (HCO3) et une plus faible teneur en chlorure de sodium (NaCl).
Les appellations que nous retrouvons dans la catégorie « eaux naturelles » sont : eau de source et eau minérale. Celles que nous retrouvons dans la catégorie « eaux non naturelles » sont : eau traitée, eau traitée déminéralisée, eau traitée minéralisée et club soda. Quant aux qualificatifs applicables selon le cas, nous retrouvons : naturelle, gazéifiée et aromatisée. Toutes les eaux embouteillées vendues au Québec sont soumises au contrôle du ministère de l’Environnement.
Des chiffres éloquents
Le nombre d’eaux embouteillées domestiques et importées soumises à ce contrôle est passé de 30 en 1974 à environ 70 en 1987 Le marché des eaux embouteillées connaît une évolution fort importante depuis les années 1930. En 1935-1939, la consommation annuelle s’élevait à environ 150 000 litres. Il s’agissait là alors d’un marché dominé presqu’exclusivement par des eaux importées, toutes minérales.
En 1973, il se consommait au Québec I8 millions de litres d’eau embouteillée dont 27% était importée. En 1988, on prévoit un volume de consommation d’environ 80 millions de litres. Mais la part des eaux importées est à la baisse (à 20%).
Les tendances constatées de 1973 à1988 devraient aller en s’accentuant Le volume d’eau embouteillée consommée au Québec devrait atteindre les 200 millions de litres vers l’an 2 000.
Ce volume ne représentera qu’une consommation de 77 millilitres par jour par habitant alors que dans des États où le marché des eaux embouteillées est plus développé comme la France, cette ration s’élève aujourd’hui aux environs de 200 à 300 ml par jour par habitant.
Nous remarquons que les eaux embouteillées du Québec occupent une part de plus en plus grande de ce marché et nous prévoyons qu’il en sera ainsi dans les années à venir.
Nous avons au Québec des eaux minérales égales, sinon supérieures, aux eaux importées.
Les Diplômés, N° 365, printemps 1989.
