Caféisme au Québec
L’usage du café remonte au XVIIIe siècle ; il eut d’abord une clientèle choisie, puis se démocratisa au XIXe siècle. A doses modérées, c’est un stimulant cérébral et intellectuel incontestable et un de ses fidèles, Fontenelle, mort presque centenaire, à l’on démontrait la nocivité de son breuvage familier, répondait : « Si c’est un poison, c’est un poison bien lent. »
C’est à la fin du XIXe siècle que les premières observations d’accidents neuro-psychiques commencèrent à être publiées (Guelliot, de Reims ; Gilles de la Tourette et Gasne, Combemale et Bouret, Boucard, Bomby, Martin). On a signalé leur fréquence plus grande en certains pays et dans les centres miniers ; ce sont les femmes qui lui paient incontestablement le plus lourd tribut en en buvant à longueur de journée et en cherchant toujours à lui donner la concentration maxima; elles deviennent alors de véritables toxicomanes du café, ce qui avait fait dire que le caféisme était l’alcoolisme de la femme.
– Caféisme aigu. Hugounencq estimait de 0,10 à 0,30 cg la teneur en caféine d’une tasse de café. Chez un sujet qui n’en consomme pas d’habitude, l’absorption d’une à deux tasses entraîne un état d’excitation intellectuelle anormal, de l’éréthisme circulatoire et de l’insomnie avec mentisme.
Il existe une ivresse caféique quand la dose est trop forte ou la susceptibilité du sujet trop grande. Elle se caractérise par des palpitations violentes, des vertiges, de la mydriase et, au point de vue mental, par une véritable angoisse avec crises angineuses, impossibilité de fixer l’attention, une certaine fuite des idées, plus rarement des hallucinations et du délire ; tous accidents se dissipant spontanément et aisément dans un délai de vingt-quatre heures au maximum.
– Caféisme chronique. Quelques stigmates le caractérisent : troubles digestifs, céphalalgies violentes, éréthisme circulatoire, tremblement des extrémités, vertiges, algies diverses, paresthésies. Il faut souligner l’insomnie avec onirisme et phantasmes qui prennent souvent l’aspect d’ombres ou d’ « images noires ». Le caractère est instable, irritable et l’activité pragmatique souvent réduite. On a signalé de véritables états délirants et des bouffées d’excitation maniaque, surtout chez les prédisposés et les petits paranoïaques.
Il y a parfois des états de confusion mentale avec anxiété, mais ici l’anxiété précède toujours la confusion (2 cas d’Heuyer et Borel).
Chez l’enfant, l’usage du café est souvent en cause dans la production de terreurs nocturnes, qui disparaissent après rectification du régime. Nous avons souligné le rôle joué par l’abus du café chez des femmes de 40 à 50 ans, dans l’apparition d’un syndrome d’automatisme mental, que l’on voit rétrocéder après sevrage ; mais on a signalé aussi les développements de véritables psychoses hallucinatoires chroniques. On a souligné également son action anaphrodisiaque.
L’association avec l’alcoolisme est fréquente ; mais, en général, il y a une dominante qui l’emporte : alcoolisme chez l’homme, caféisme chez la femme.
Le café rend plus précoce l’éclosion des délires alcooliques (Cl. Martin). Mais il y a des délires caféiques en dehors de tout alcool (Heuyer et Borel). Privat de Fortunié, qui a montré la ressemblance de ces deux délires, donne pourtant comme caractères au délire caféique, la précession de l’anxiété sur le délire, l’aspect noirâtre des phantasmes, le point de départ plus illusionnel que qu’hallucinatoire, et, enfin, la guérison rapide par le sevrage.
Ant. Porot,
Manuel alphabétique de psychiatrie, clinique et thérapeutique Paris 1951.
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