Un test bizarre dans les écoles en 1980

Le racisme enseigné aux enfants dans certaines écoles québécoises?

Test bizarre – Par Lysiane Gagnon, texte paru dans le journal La Presse, le 14 octobre 1980.

D’ordinaire, la littérature haineuse est réservée aux adultes. Il est assez rare, grâce au ciel, qu’on enseigne le racisme aux enfants des écoles. Une exception — ce que, en tout cas, je crois sincèrement être une exception —, cet examen d’histoire qu’on a fait passer aux élèves d’une école secondaire anglaise de la région montréalaise et qui, par hasard, m’est tombé entre les mains.

Il s’agit d’un examen de type «objectif»: 100 questions portant sur l’histoire de l’Antiquité et sur l’actualité politique contemporaine, questionnaire administré aux élève s du secondaire 11 en juin dernier. Un examen «final», donc, autre chose qu’un petit «contrôle» hebdomadaire fait à la mitaine.

Question no 60: on donne la liste de quatre «dictateurs» parmi lesquels l’élève doit détecter l’erreur. (Autrement dit, l’élève doit savoir qu’il y en a un, sur les quatre, qui n’est pas vraiment un dictateur.) Voici la liste: Adolf Hitler. Benito Mussolini, Jules César, René Lévesque.

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Question no 99: la photocopieuse reproduit une caricature publiée dans le Sunday Express. René Lévesque, présenté sous forme de rat d’allure diabolique, convoite un fromage («Québec») posé sur une trappe à souris.

On propose à l’élève quatre explications entre lesquelles il doit choisir. Cette caricature veut montrer soit «comment attraper un rat», soit que «Lévesque essaie de libérer le Québec du piège Canada», soit que «le Canada est un piège pour les Canadiens français», soit que «tous les rats aiment le fromage».

Question no 100: autre caricature du Sunday Express. Cette fois René Lévesque présenté comme un vieillard hideux en train de lire… Mein Kampf. En haut, un rappel d’une manchette de journal: «Ryan supplie les électeurs de ne pas se laisser intimider par des actes qui évoquent le fascisme». Revenons à la caricature. Lévesque lisant Mein Kampf déclare: «C’est inconcevable que l’univers civilisé des années 30 ait laissé ces choses-là arriver… Ça ne pourrait jamais arriver aujourd’hui. No Sir!»

On propose à l’élève, au choix, quatre explications. Cette caricature veut dire que: a ) les idées de Lévesque ressemblent à celles de Hitler; b) Lévesque aime lire des livres allemands; c ) Lévesque va voter «oui»; d ) le Québec est un État fasciste. Je pense que j’ai trouvé les bonnes réponses, celles que ce prof d’histoire attendait.

Question no 60: l’erreur c’est Lévesque. Il est tout de même moins dictateur que Hitler ou Mussolini. (Mais dans un pareil contexte, un élève hésitera sans doute entre César et Lévesque.)

Question no 99: on peut hésiter entre les trois dernières réponses, mais je pense que la homme c’est la deuxième, encore que je n’en suis pas sûr car j e ne comprends pas très bien la caricature.

Question no 100: alors là c’est sûr. la bonne réponse c’est la première : Les idées de Lévesque ressemblent à celles de Hitler.

*** test bizarre

Voilà. Plutôt dégoûtant merci. Ça, c’est le racisme ordinaire, la pire boue du préjugé, le summum de la propagande haineuse, enseignés aux enfants. Secondaire II , c’est quel âge? 12, 13, 14 ans?… Le bon âge pour apprendre la peur et la haine.

Le plus étonnant, c’est que l’ensemble du questionnaire, soit presque toutes les autres questions, est d’un assez bon niveau. Cet enseignant n’est sûrement pas idiot. Première question: comment se fait-il qu’il ait la tête aussi farcie de préjugés? Seconde question: pourquoi utilise-t-il les caricatures du Sunday Express alors qu’il (elle ) est sûrement le genre d’homme (ou de femme ) à lire la Gazette, qui est tout de même un journal de meilleur e tenue? Troisième question: comment se fait-il qu’une école publique, vivant de fonds publics, garde à son emploi ce genre d’enseignant, et permette que circule entre ses murs ce genre d’examen?

Cet examen clôt le cours «History 210» dans une polyvalente anglophone qui relève de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Pour en apprendre plus :

« Les statistiques sont comme les bikinis : ce qu'elles révèlent est suggestif, mais ce qu'elles cachent est essentiel. » test bizarre
« Les statistiques sont comme les bikinis : ce qu’elles révèlent est suggestif, mais ce qu’elles cachent est essentiel. » (Citation attribuée à Bernard Shaw). Illustration par IA Midjourney.

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