Les Québécois sont plus que jamais en quête de spiritualité
La fête de Pâques a perdu une grande partie de son véritable sens au Québec, à tel point que le diocèse de Montréal finance des campagnes publicitaires, depuis trois ans, pour rappeler que c’est bien de la résurrection du Christ dont il s’agit, et non de petits lapins en chocolat.
Peine perdue. Une enquête Baromètre—La Presse indique que pas moins de 17 % des catholiques du Québec croient qu’ils se réincarneront après leur mort! Une fois de plus, en ce week-end pascal, les chocolatiers feront sans doute des affaires d’or.
Il est vrai que 71 % des Québécois croient en la résurrection de Jésus, et que 63 % pensent qu’il était bien le fils de Dieu. Par contre, notre sondage confirme une tendance observée depuis quelques années: jadis fervents catholiques, les Québécois ont jeté leur petit catéchisme au panier, mais sont plus que jamais en quête de spiritualité.
S’ils ont tourné le dos à l’Église autoritaire, ils n’en continuent pas moins de se poser des questions existentielles. Celle du mystère de la mort les divise plus que toutes les autres. Réincarnation, résurrection, transformation en pure énergie, paradis, enfer ou néant total: leur foi est plurielle, leurs croyances prennent toutes les formes.
En toile de fond, l’influence chrétienne reste forte. S’ils avaient à choisir un leader spirituel, une vaste majorité de Québécois (76 %) opterait pour Dieu ou Jésus. Exit le dalaï-lama, dont le livre L’Art du bonheur est pourtant dans le peloton de tête des ventes des librairies Renaud-Bray depuis plus d’un an.
C’est la fin de toutes les certitudes et les gourous en tous genres profitent largement du nouveau marché de la spiritualité. Le syncrétisme des nouvelles croyances, pas toujours très solides ou cohérentes, ouvre la porte aux marchands du Temple, qui offrent une panoplie de livres, cassettes, conférences et ateliers spirituels. Les fidèles ressemblent de plus en plus à des consommateurs.
« Si les pratiques se sont effritées, l’imaginaire religieux, désormais, bouillonne. Libéré des contrôles exercés par les institutions traditionnelles, il est tributaire d’un marché de sens dont les agents, contrairement à ceux des Églises, ont tout intérêt à ce qu’il soit le plus ouvert possible », écrit le sociologue Raymond Lemieux dans un portrait du catholicisme québécois, paru en octobre dernier dans la revue Relations.
Bref, la vaste majorité des Québécois (78 %) est croyante, peu importe ce qu’elle croit. Même les chefs de file se tournent de plus en plus vers Dieu, Allah ou Bouddha pour mieux diriger leur entreprise. Aux États-Unis, la tendance a pris une ampleur considérable et la vague touche aussi le Québec.
Leur belle maison et leur luxueuse voiture n’y peuvent rien: torturés par les congédiements qu’ils ont froidement effectués, gestionnaires et dirigeants sentent le besoin d’insuffler un vent de spiritualité jusque dans leurs usines. Mais cette noble quête de sens ressemble parfois davantage à une banale quête de profits.
(Texte paru dans le journal La Presse, le 22 avril 2000).
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