La pensée scientifique en France comme la base du développement de la Nouvelle-France
La France n’est pas absente du développement des sciences exactes, qui s’est amorcé en Europe dès le XVIe siècle.
Les traités spécifiques de l’esprit scientifique français, peu tourné vers les techniques, explique en partie pourquoi la révolution industrielle y est plus tardive qu’en Angleterre.
Les mathématiques
Au XVIe siècle, François Viète (1540-1603) est un précurseur : conseiller d’Henri III et d’Henri IV, il est un génie dans les domaines de l’algèbre (extraction des racines), de la trigonométrie et de la géométrie.
Au siècle suivant, à côté de Descartes et de Pascal, Pierre de Fermat (1601-1665) est le précurseur des découvertes sur le calcul différentiel, les probabilités et la mise en équation des fonctions mathématiques. Mai pris par sa fonction de conseiller au Parlement de Toulouse, il ne publie aucune de ses recherches, qui ne subsistent que sous forme d’écrits épars.
À l’aube du XVIIIe siècle, Antoine Parent (1666-1716) est l’un des fondateurs de la géométrie dans l’espace et publie en 1700 des « Éléments de physique et de mécanique ».
Jean le Rond d’Alembert (1717-1783), est le plus grand mathématicien français. Il fut élevé par la femme d’un modeste vitrier, après avoir été abandonné sur le parvis de Saint-Jean-le-Rond par sa mère naturelle Madame de Tencin. Il entre à vingt-trois ans à l’Académie des Sciences, publie en 1743 un « Traité de dynamique », puis les « Recherches sur la précession des équinoxes » (1749). Lié au mouvement philosophique et associé à Diderot, il est à l’origine de l’Encyclopédie, y propose une classification des sciences dans son « Discours préliminaire » (1751) et en écrit plusieurs articles.
En 1758, il abandonne l’équipe de l’Encyclopédie et se consacre à l’Académie Française, où il a été élu en 1754. Il protège Condorcet, qui est aussi un brillant mathématicien.
La réflexion philosophique de d’Alembert s’inscrit à la fois dans le courant idéaliste croyant en l’autonomie de l’esprit et en la toute-puissance de Dieu, et dans le mouvement de la pensée scientifique affirmant la réalité de la matière et la possibilité d’une connaissance objective.
Les sciences de la nature
Durant le XVIIIe siècle, l’esprit scientifique est souvent attiré en France par les phénomènes naturels, de préférence aux techniques appliquées.
Georges Louis Leclerc comte de Buffon (1707-1788). Il et le fils d’un conseiller du parlement de Bourgogne. Après avoir d’abord étudié le droit, il s’intéresse aux sciences naturelles, entre à l’Académie des Sciences en 1733 et est nommé intendant du Jardin du Roi en 1739.
Il se lance alors dans une « Histoire naturelle » dont les 36 volumes seront publiés de 1749 à 1789 grâce à la collaboration de minéralogistes, d’anatomistes et de zoologistes (tel Daubenton). Partisan de la méthode expérimentale, il est aussi attiré par l’étude des origines de notre monde et par l’idée de l’évolution des espèces.
Il écrit également un « Essai d’arithmétique morale », entre à l’Académie Française en 1753 et laisse une œuvre de synthèse et de vulgarisation scientifique de haut niveau.
Louis Daubenton (1716-1800). Il naît à Montbard, comme Buffon, dont il devient l’ami et le collaborateur. Naturaliste, il introduit en France les moutons mérinos, d’origine espagnole, à la laine fine et recherchée.
La chimie
Louis-Bernard Guyton de Morveau (1737-1816) contribue à l’élaboration de la nomenclature chimique avec Lavoisier, Fourcroy, Bethollet (1787). Président du Comité de Salut Public en 1783, il mobilise les scientifiques au service de la production d’armement et est à l’origine, avec Monge, de la création de Polytechnique.
René Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757). Il construit vers 1730 le thermomètre à alcool, démontre les conditions de la transformation de la fonte en acier, fonde la métallographie, découvre le verre dévitrifié (« porcelaine de Réaumur »).
Antoine de Lavoisier (1743-1794). Né dans une famille de marchands aisés, il suit des études d’astronomie et de chimie et est admis en 1768 à l’Académie des Sciences, après avoir écrit plusieurs opuscules sur l’éclairage de Paris et sur la minéralogie.
On peut le considérer comme le fondateur de la Chimie moderne, par ses études sur la conservation de la matière (« rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »), sur l’oxydation des métaux, sur la composition de l’air, de l’eau et du gaz carbonique (1781), et sur la chaleur (menées en collaboration avec Laplace). Il publie en particulier un « Traité sur la chaleur » (1780) et un « Traité élémentaire de chimie » (1789).
Mais Lavoisier est également inspecteur général des poudres, salpêtres et tabacs, de qui l’amène à améliorer les méthodes de production. Député suppléant aux États Généraux de 1789, il fait partie d’une commission de réforme des poids et mesures en 1790.
Pourtant, pour avoir obtenu une charge de Fermier Général en 1779, il est guillotiné le 8 mai 1794.
Des inventeurs isolés
Le plus célèbre inventeur français de cette période est certainement Denis Papin (1647-1714). Il étudie d’abord la médecine puis publie en 1675 les « Nouvelles expériences sur le vide », améliore les machines pneumatiques, et réalise le « digesteur », ou « marmite de Papin ». Mais protestant, il doit fuir la France après la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685.
Il séjourne alors en Allemagne où il met au point diverses machines (ventilateur, souffleur…), et jette les bases du principe de la machine à vapeur; il fabrique un bateau à vapeur, que détruisent des bateliers et meurt ruiné et dans l’anonymat à Londres, en 1714.
Près d’un siècle plus tard, Claude Chappe (1763-1805) crée la télégraphie aérienne, dont la première ligne Paris-Lille fut achevée en 1794; son inauguration permit d’annoncer la prise de Condé sur l’Escaut.
Le premier volontairement
Le premier voyage aérien libre fut effectué par Français-Pilâtre de Rozier (1754-1785), chimiste et physicien qui avait créé à Paris le premier musée des Sciences en 1781 et par le Marquis d’Arlandes le 21 novembre 1783, entre le château de la Muette (où se trouvaient Louis XVI et sa Cour) et les Gobelins. Ils avaient pris place à bord du ballon mis au point par les frères Joseph (1740-1810) et Étienne ((1745-1799) de Montgolfier.

Pensée mathématique
La pensée mathématique a été très finement étudiée au point de vue psychopathologique et au point de vue psychopédagogique par J. – G. Lemaire (thèse, Paris, 1957).
Sur le plan psychopathologique, la pensée mathématique présente une double caractéristique :
a) Elle s’associe fréquemment à des symptômes obsessionnels et peut aller jusqu’à la névrose quand le sujet présente par ailleurs déjà une tendance à la structure obsessionnelle ;
b) Elle représente un moyen de défense pour la personnalité et contribue à son adaptation sociale en « réduisant les tensions conflictuelles anxiogènes et en permettant le maniement médiat du concret à distance par l’intermédiaire des symboles formels impersonnels, désaffectés et socialement utilisables. »
Sur le plan psychopédagogique, la pensée mathématique revêt « la signification inconsciente d’une certitude absolue et d’une toute-puissance magique, assurant la sécurité de celui que l’emploie ». L’auteur se livre aussi à des considérations sur l’initiation mathématique qui engage la personnalité du professeur ; il considère qu’elle doit se faire comme une « initiation à un art et non comme l’apprentissage de techniques impersonnelles » qui sont celles des robots que nous apporte la cybernétique.
J.-G. Lemaire se livre ensuite à un parallèle entre le mathématicien et l’artiste : « Le mathématicien ne peut pas mettre en doute la valeur de sa pensée d’homme qui, dans un langage collectif impersonnel, lie son intelligence à celle de ses semblables ». Au contraire, l’artiste « s’exprime dans une langue qui lui est personnelle, se sent solitaire, se veut unique et risque davantage de s’aliéner ».
A.P. (extrait du Manuel de psychiatrie, Antoine Porot et col. Paris, 1956).

Inventeurs
Les inventeurs pathologiques (ordinairement paranoïaques plus ou moins mégalomanes ou débiles vaniteux et naïfs et presque toujours autodidactes) se caractérisent par le débridement de l’imagination productrice allié à une absence de simple bon sens.
Ils sévissent surtout au moment des guerres, harcelant alors les ministères de leurs propositions saugrenues.
Le caractère de l’invention est parfois absurde (le mouvement perpétuel) ou chimérique, parfois moins illusoire. L’inventeur s’attaque à des problèmes ardus sans autre préparation que des lectures hétéroclites mal digérées ou sans rapport avec l’objet. Sa fausseté de jugement et sa vanité lui font attribuer du génie à une découverte irréalisable, puis imputer à la malveillance, à la jalousie, les déboires qu’il essuiera ou le silence que rencontrent ses sollicitations présentées dans un style grandiloquent, voir les situations délictueuses (désertion) dans lesquelles il se fourvoie sous l’empire exclusif de sa passion inventive.
Ch. Bardenat.