La mythologie de l’Atlantide

Atlantide : légende ou histoire vraie

On discute si Platon a recueilli, comme il prétend, des traditions orales ou était-il un admirable fabulateur usant, de l’Antiquité, du mode narratif de la rhétorique de la vraisemblance ?

Un demi-siècle avant Platon, Hérodote mentionne des Atlantes, population vivant en Afrique, vers les monts Atlas et sur les côtes de l’océan Atlantique. Cependant, Platon est le premier à évoquer une île appelée Atlantide.

Après le premier récit dans les deux dialogues de Platon, Timée et Critias, certains auteurs grecs contemporains ou ultérieurs, comme Aristote, Posidonius, Strabon et Longin, ne virent là qu’un produit de l’imagination de l’auteur, mais quelques-uns reprirent l’histoire à leurs compte, comme Diodore de Sicile qui au 1er siècle avant notre ère, relate une guerre entre les Atlantes, établis à l’ouest du Sahara, et les Amazones, qu’il situe vers l’actuelle Tunisie.

De même, Élien cite l’historien Théopompe du IVe siècle avant J.-C. qui rapporte un entretien de Midas et de Silène à propos d’une grande île belliqueuse, aussi civilisée et riche que l’Atlantide.

Au Moyen-Âge européen, le récit de Platon eut peu d’écho, sans doute en raison de son désaccord avec la Bible et de l’influence toute-puissante de la philosophie d’Aristote. Néanmoins, les traditions mythico-géographiques de l’époque de Platon survécurent : l’océan Atlantique était toujours considéré comme une région mystérieuse. On y plaça les îles Fortunées, l’île des Sept Évêques, l’île Antilia, l’île de Saint-Brandon, l’île Brazil, l’île des Sept Cités… Les Celtes y localisaient aussi leur Pays des Morts ou Avalon.

Le mythe de l’Atlantide retrouve une vigueur nouvelle à la Renaissance grâce au renouveau du platonisme et à la découverte de l’Amérique.

En 1553, l’Espagnol Gomora, dans son Histoire générale des Indes, a l’idée d’assimiler l’Atlantide au nouveau continent américain. L’on approche philologiquement la légendaire Atzlan, des Aztèques du nom du continent disparu. Une brèche s’ouvre, où vont s’engouffrer nombre d’écrivains et de scientifiques.

Sensibles à l’impact de l’aventure maritime et de la découverte du Nouveau Monde, les réformateurs intègrent l’enseignement des Grecs au nouvel idéal de la Renaissance. En 1516, Thomas More publie son Utopie, une « réconciliation de la cité aux lois justes et de son ennemie l’Atlantide ».

Campanella, quant à lui, décrit en 1611 une cité idéale, communiste, scientifique, la Cité du Soleil, qui, avec ses sept cercles concentriques, rappelle fortement, sous un autre nom, la métropole atlantique de Platon.

Francis Bacon identifie, lui-aussi, l’Atlantide platonicienne avec le continent américain. Bacon meurt en 1628 avant d’avoir terminé son ouvrage Nova Insula Atlantis. Cette Nouvelle Atlantide marque l’émergence d’un rationalisme ordonné qui affirme la prééminence du savant. L’autarcie des Atlantes devient alors la concrétisation du rêve utopique d’instaurer les « lumières » à l’Ouest.

Le premier auteur qui propose une hypothèse précise quant à l’emplacement de l’Archipel mythique est le jésuite Kircher qui publie en 1665, dans Le Monte souterrain, une carte de l’Atlantique représentant l’Atlantide entre les deux continents, en y englobant les Canaries et les Açores.

En fait, le XVIIe siècle marque le départ véritable des fantaisies « scientifiques » engendrées par l’Atlantide, dont l’emplacement évolue au gré des plumes. Le Suédois Rudbeck prétend placer l’île mystérieuse dans son propre pays, en 1675, et l’Allemand Bock soutient le premier l’idée d’une Atlantide ouest-africaine, en 1685.

Au Siècle des lumières, les divagations géographiques se multiplient. Eurenius (1754), Baër (1762), Olivier de Marseille (1726) situent l’Atlantide en Palestine. Bartoli, en 1762, la place en Attique, de Sales la situe en Sardaigne en 1779.

Buffon émet l’idée qu’une partie de l’Amérique, l’Islande et les Açores constituent les restes d’une grande île de l’Atlantique. En 1779, J.S. Billy avance l’hypothèse sur l’île nordique de Spitzberg qui n’est autre, selon lui, que l’Atlantide.

Au début du XIXe siècle, Alexandre de Humboldt nie toute valeur historique au récit de Platon. Au même temps, Boy de Saint-Vincent y souscrit, admettant à son tour que les îles Canaries et les Açores représentent les restes du royaume de l’Atlantide, dans son Essai sur les îles Fortunées et l’Antique Atlantide, paru en 1803.

(Le Cercle de l’éternel Déluge par Lauric Guillaud).

La mythologie et le fantastique – Les nouvelles Atlantides

Il apparaît que plusieurs romans atlantidiens historiques, par leurs emprunts à la mythologie ou à la légende, s’enracinent dans un monde de l’origine, exprimant la vision d’une histoire fabuleuse à jamais recommencée, cadre mythique qu’ils partagent avec les œuvres d’heroic fantasy.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, l’Atlantide est redécouverte par des explorateurs qui rencontrent les ultimes rescapés du continent mythique. La quasi-inaccessibilité du pays perdu (fond des mers, poches souterraines, île non portée sur les cartes), va de pair avec la perfection du monde atlante qui sut sauver l’élite intellectuelle et mettre le peuple à l’abri de la convoitise humaine en rebâtissant la cité originelle dans un espace clos, protégé des intempéries et de l’humanité extérieure, parfois même hors de la Terre (Aélita d’Alexis Tolstoï, parue en 1923).

La puissance technique est le seul point commun des Atlantides modernes et de leur antique modèle. Mais là où l’auteur du Critias parlait de perfection architecturale, les romanciers parlent de pouvoirs scientifiques préservés du cataclysme, ce qui trahit le sens du récit initial, Platon n’ayant bâti sa fable du progrès matériel que pour en déplorer les conséquences funestes. Le mythe infiltré par la science-fiction cède la place à une apologie déguisée de la science.

Dans ces œuvres, l’accent est souvent mis sur la supériorité morale et sociale des Atlantes, ainsi que sur les outils qui ont valu à l’antique civilisation une survie exceptionnelle.

Le roman peut même se muer en propagande pro-capitaliste, dans The Hidden City de W. H. McDougall, paru en 1891, en utopie pro-socialiste dans Atlantis, publié en 1902 ou dans Geyserland de Hatfield (1908). Il peut se présenter comme une satire de la vie américaine dans The Sunken World de S.A Colbentz (1928) ou enfin comme dystopie antisocialiste dans The Marble City (1895) de R.D. Chetwode et dans The Scarlet Empire (1906) de D.M. Parry.

Il arrive que science fiction et utopie fassent bon ménage lorsqu’il s’agit de dresser un décor futuriste soulignant le haut niveau scientifique des Atlantes. Ceux-ci ont aussi édifié des dômes sous-marins (Atlantis d’André Laurie, The Great Secret de H. Nisbet, The Scarlet Empire, The Sunken World ou des cités sous terre (Intermere, The Light in the Sky de Clock et Boetzel), et disposent de techniques ultra-perfectionnées (The Hidden City, Atlantis, The Ultimate Island, Les Pacifiques de Han Ryner).

Mais si l’écrivain brosse un tableau euphorique de l’utopie, c’est pour mieux subvertir, en introduisant le chaos au sein d’un ordre apparemment immuable, fragilisé par l’intrusion des hommes d’aujourd’hui. Par là même, le roman renvoie au mythe platonicien qui s’inscrivait selon les philosophes, dans la chaîne de fléau naturel, cyclique : « il y a eu souvent et il y aura encore souvent des destructions d’hommes causées par le feu et par l’eau, et d’autres moindre par mille autres choses », disait le vieux prêtre égyptien.

Ainsi la fatalité frappe l’Atlantide pour la seconde fois : celle de The Scarlet Empire est détruite par la fuite du visiteur, celle de The Ultimate Island s’abîme dans les mers avant l’invasion, celle de The Sanken World s’abandonne à quasi-suicide collectif, celle de The Light in the Sky est victime de ces propres armes d’anéantissement.

Monde de technologies futuristes, l’Atlantide porte toutefois l’empreinte de mystérieux pouvoirs ancestraux légués à l’élite survivante. Au progressisme scientiste se substitue le régressisme magique de l’antique sagesse et de la puissance occulte, symbole numineux de splendeur divine de l’Atlantide éternelle. Ainsi s’expliquent les pouvoirs hypnotiques descendants atlantes dans The Power of Ula, la force universelle dans A Child’s Story of Atlantis, l’étrange force antigravitationnelle héritée des Atlantes dans Jimgrim (1930) de T. Mundy, les esprits gardiens de l’antique civilisation dans The Turning Wheel (1928) de P. Creswick, ou les étonnantes facultés paranormales du nain survivant d’Atlantis dans the Marbled Carskin.

Voir aussi :

Atlantide : Rhétorique de la vraisemblance ou histoire vraie ? Illustration : Megan Jorgensen.
Atlantide : Rhétorique de la vraisemblance ou histoire vraie ? La fatalité frappe l’Atlantide encore et encore. Illustration : Megan Jorgensen.

1 réflexion au sujet de « La mythologie de l’Atlantide »

  1. L`Atlantide un mythe ? Est-ce une affirmation parce que la science dit qu`on doive affirmer positivement tandis que le négatif ne le permet pas ? Pourtant Darwin dans son célèbre De l`Origine Des Èspèces en 1859 a écrit que les preuves négatives n`avaient aucune valeur ?
    Faire ALAIN VALADE ATLANTIDE et allez sur le site *revue-histoire.fr* car j`y ai 6 courriels qui disent avec assurance son existence. Mon affirmation n`est pas une affirmation de type Nobel évidemment mais du point de vue de l`entendement humain normal .

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