Atlantide et occultisme
Le récit platonicien se mue en récit de science-fiction à la fin du XIXe siècle sous l’effet de la pseudoscience et de la vague de l’occultisme.
Une école mythique prend à la lettre le récit traditionnel, attribue aux Atlantes un savoir scientifique et des idées philosophiques absents des dialogues platoniciens. Ces enseignements, oubliés depuis le cataclysme ou dissimulés dans certaines doctrines ésotériques, doivent être remis en lumière pour le plus grand bien de l’humanité… Un centre occulte de civilisation existerait à l’écart du monde, chargé de préserver les trésors culturels et scientifiques à l’abri du monde profane. Les explorateurs ne retrouvent parfois que des trésors parmi les ruines d’Atlantis ; parfois ne survit qu’un seul descendant du peuple atlante ; mais, le plus souvent, c’est toute une colonie atlante qu’on retrouve intacte au milieu de ses splendeurs culturelles et scientifiques.
Insensiblement, le mythe de l’Atlantide « passe dans le domaine public et, demeurant encore un objet de science, devient partie intégrante d’une certaine culture de masse ». La fiction littéraire se nourrit des rêveries atlantéennes qui se poursuivent à un rythme soutenu jusqu’à la Deuxième guerre mondiale. Les théories cataclysmiques de Hoerbiger, Fauth, Bellamy et Zschaetzsch, souvent contaminées par l’idéologie raciste, trouveront un écho dans la fascination des auteurs de science-fiction pour les bouleversements à l’échelle cosmique.
Bien que nourris de spéculations scientifiques, au moins au niveau des hypothèses, les continents et les monds perdus n’en captivent pas moins les occultistes, qui se mettent à échafauder les histoires les plus extravagantes : les sept « races-racines » de Mme Blavatsky, la doctrine « anthroposophique » de Rudolf Steiner, les Maîtres de la Flamme de W. Scott-Elliot, les sciences occultes atlantidiennes de Lewis Spence. La liste serait longue des auteurs qui mêlèrent allègrement occultisme et atlantologie (Newbrough, Crowley, Oliver…)
Ces théories pourraient être dédaignées si l’on ne se souvenait que bien des thèmes véhiculés par la littérature occultiste ont alimenté la littérature de science-fiction. Des auteurs tels que H.P. Lovecraft et E. R. Burroughs furent notamment influencés par la théosophie, de même que des écrivains orientalistes, comme Talbot Mundy. Les descriptions de la prétendue civilisation atlante, par exemple chez Scott-Elliot, fournissent aux romanciers le cadre d’une société utopique et hyper-scientifique que l’on retrouve notamment dans Intermere de W.A. Taylor, The Scarlet Empire de D. M. Parry, ou La Ville du gouffre de Conan Doyle ; quant au « vril », déjà emprunté à Bulver Lytton dans La Race à venir, il réapparaît dans A Child’s Story of Atlantis.
Le thème de l’Atlantide patrie de la magie, suggéré par Spence, annonce d’une certaine manière l’univers mythique des écrivains de « sword and sorcery », comme Robert E. Howard et Clark Ashton Smith. La panoplie habituelle des techniques métapsychiques (visions, télépathie, etc.) apparaît dans des romans comme Poseidon’s Paradise (1892) de E. G. Birkmaier. Yermah the Dorado (1897) de F.E. Wait Colburn, ou The Sound of a Voice that is Still (1899) de A. Campbell…
Ce brief survol historique suggère une périodisation du mythe platonicien qui contiendrait potentiellement les germes de ses propres avatars littéraires et ressortirait ainsi à la proto-science-fiction. La « démythification » n’est peut-être que la mue d’un mythe en un autre.
La fable du châtiment devient l’histoire d’un renouveau.. Symboliquement, le monde atlantidien est régi est régi par le mythe égalitaire des Gémeaux. Or, dans les œuvres du XVIe au XIXe siècle, on observe la tradition gémellique (The Scarlet Empire’ 1906’ de D. M. Parry), Geyserland, 1908, de R. Hatfield), ainsi que les constants religieuses (le culte solaire) et cardinales (le monde perdu à l’Ouest), fidèles au récit primitif. La perte hypoth.tique du paradis atlante n’oblitère nullement la foi en une renaissance.
Le mythe atlantidien se manifesterait ainsi de manière cyclique, préservant son intégrité originelle mais se modelant au gré des époques (Lauric Guillaud). Illustration : © Megan Jorgensen.
Sources :
- F. Balch, A Submarin Tour, 1905
- D. Erskine, A Bit of Atlantis, 1900
- W. Kingsland, A Child’s Story of Atlantis, 1908
- Lancelot de Giverne Sieveking, The Ultimate Island, 1925
- A.Tomas, Shambhala, oasis de lumière, Le Hiérarch, Paris, 1988
- W.A. Taylor, Intermere, 1901
- D. M. Parry, The Scarlet Empire, 1906
- Conan Doyle, La Ville du gouffre, 1929
Aux tréfonds du mystère (John Flanders – Jean Ray)
Le jeune professeur attira vers lui la carte de l’Angleterre et piqua la pointe sèche d’un compas sur un point déterminé.
– Voilà où j’irais, dit-il.
– Que feriez-vous, bon Dieu, dans ce coin perdu des îles Orkney ?
– Je partirais à la recherche d’un monde perdu !
À ce moment les regards de Quintin tombèrent sur le manuscrite.
– Ce monde perdu, est-il en rapport direct avec l’étrange petit flotteur que nous avons trouvé aux Squilles autre jour.
– Précisément !
– Et si c’était une blague ?
Robert Falcon secoua la tête avec énergie.
– L’homme qui a écrit ceci certainement su ce qu’il a fait et ne peut être un menteur. Tel est mon avis, et peut-être que je le base un peu trop sur un sentiment obscur d’instinct.
– Avez-vous pu lire le manuscrit ?
– En partie seulement, voici : je désirais communiquer avec un homme de la surface de la terre… mais fais très vieux… grande science des siècles… Ici se trouve un monde perdu… grand danger… courage, intelligence, j’attends avec confiance…
Quant à la désignation du lieu, elle est de plus nettes et c’est clarté me semble avoir été intentionnelle, pour éviter à ce qui entreprendraient l’aventure de trop longues et décourageantes recherches.
L’île indiquée est plutôt un îlot rocheux qui se trouve entre les îles Westray et Roussay du groupe d’Orkney. Je ne crois pas qu’elle soit habitée. Dans l’ilot, il est question d’un lac minuscule, une sorte de « glen », mais de très grandes profondeurs.
En continuant à étudier le manuscrit j’ai découvert, cachés sous les caractères de la plus haute antiquité, des vocables anglais entre autres mots « scaphandre ».
Comme si l’inconnu d’où est venu cet appel avez voulu préciser qu’il fallait de se munir de costumes de scaphandrier pour accéder au monde inconnu.
Voir aussi :