Voyages de Francis Drake
Dans les années 1570, Sir Francis Drake, rappelé des Antilles où il faisait la guerre de course contre les Espagnols, fut chargé d’une exploration qui, débutant en 1577, allait constituer la première circumnavigation depuis celle de Magellan en 1519-1522. Les premières instructions reçues par Drake lui enjoignaient de franchir le détroit de Magellan, puis de trouver et de suivre le littoral de la Terra Australis. Il distribuerait des présents à tous les chefs rencontrés et reviendrait des présents à tous les chefs rencontrés et reviendrait ensuite par le détroit de Magellan.
De nouveaux plans lui parvinrent avant l’appareillage; la reine Elisabeth et son secrétaire d’État, Sir Françis Walsingham, étaient aussi avisés qu’opportunistes et ils venaient sans doute de l’emporter sur les géographes idéalistes. Ces nouvelles instructions, secrètes d’ailleurs, prescrivaient à Drake de s’attaquer au commerce espagnol le long des côtes du Pérou.
Parvenu ainsi près de l’équateur, il ne lui resterait guère d’autre solution que de profiter des alizés pour gagner les Philippines et rentrer en doublant le cap de Bonne-Espérance. Son voyage n’était pas placé sous le signe d’un idéalisme quelconque ou d’un record à battre; il s’inscrivit dans le cadre des escarmouches de la guerre froide anglo-espagnole et, pour donner le change on annonça son départ pour le Levant.
Arborant sa marque sur le Pélican (rebaptisé Golden Hind en cours de route), il appareilla de Plymouth à la tête d’une escadre par un de ses bâtiments et dut mater une révolte en Patagonie ; il essaya quelques tempêtes dans le Pacifique le long de la Terra Australis ne se trouvait pas dans les parages. Ce point de vue, qui répondait à la réalité, était probablement dicté par son désir de ne pas rechercher cette fameuse terre – il approuvait vraisemblablement les nouvelles instructions de la reine.
Bien que célèbre dans les annales de la guerre de course, le voyage de Drake jusqu’à Panama est sans rapport avec l’histoire des Découvertes. Trompés par l’annonce de son départ par le Levant, les Espagnols n’étaient pas sur leurs gardes; Drake pilla les installations à terre et écuma la mer tout à loisir. “Nous trouvâmes sur la plage,” écrit un compagnon de Drake, “un Espagnol endormi auprès de 14 barres d’argent, représentant 4 000 ducats d’Espagne, que nous prîmes sans nous occuper de l’homme”.
A Lima, “nous surprîmes dans le port plus de douze voiliers solidement à l’encre; les voiles avaient été débarqués car capitaines et marchands, qui n’avaient jamais été attaqués, se sentaient en sécurité… Le général San Francisco, les Anglais prirent à l’abordage de Cacafuego. Ils découvrirent à bord de ce galion “de grandes richesses en bijoux et pierre précieuses, treize coffres pleins de réaux d’argent, quatre-vingt livres d’or, vingt tonneaux d’argent.” Elisabeth avait vu juste, mettre la main sur le Cacafuego importait davantage que de courir après le royaume de Lokak.
A hauteur de Panama, Drake s’écarta franchement vers l’ouest avant de venir au nord et, de ce fait, il ne put infirmer la théorie généralement admise, selon laquelle la Californie était une île. Résultat pour le moins ironique, Drake, qui initialement devait rechercher le continent austral, ne fit œuvre d’explorateur qu’en ce qui concernait le passage du Nord-Ouest. Remontant le long de la côte occidentale de l’Amérique du Nord, plus haut qu’aucun autre navigateur avant lui, il découvrit que le détroit d’Anian, en admettant qu’il existât, devait se trouver à une latitude plus élevée que l’actuelle Vancouver.
Le littoral courant désormais vers le Nord-Ouest au lieu de s’orienter au Nord-Est, comme le prévoyaient les théoriciens, Drake abandonna ses recherches et, cap au Sud, redescendit le long de la côte. Dans les parages de San Francisco, il mouilla pour réparer ses navires et donna à la contrée le nom de Nouvelle Albion. Dans son esprit cette terre était sans doute moins une contrée à coloniser qu’une bonne base de départ pour de futures explorations, lancées à la recherche du passage du Nord-Ouest.
Il gagna sans encombre les Moluques mais, en dépit de ses grandes qualités de manœuvrier, faillit perdre le Golden Hind sur des hautfonds. Un membre de l’équipage narre l’incident en ces termes: “Le 9 janvier 1579, nous nous jetâmes soudain sur une roche et y demeurâmes cloués de 8 heures du soir à 4 heures de l’après midi du lendemain, sans aucun espoir d’échapper à la catastrophe… Notre général se montra courageux et plein de confiance; nous allégeâmes le bâtiment en jetant sur les rochers 3 tonnes de clous de girofle, 8 bouches à feu, des vivres et des haricots. Puis en un moment le vent (comme s’il obéissait à la gracieuse volonté de Dieu) vira de tribord à bâbord et nous hissâmes les voiles. L’heureuse bourrasque déséchoua le bâtiment des rochers et lui fit reprendre la mer, au grand soulagement de tous.”
La traversée de l’océan Indien et le retour par l’océan Atlantique furent relativement aisés et, en septembre 1580, lorsque le Golden Hind pénétra dans le port de Plymouth avec le trésor du Cacafuego, la première question adressée par Drake à quelques pêcheurs du port fut de savoir si la reine était encore en vie et se portait bien.
D’après L’Âge des Découvertes par John R. Hale et les Rédacteurs des Collections Time-Life, 1967.
À compléter la lecture :
