Est-ce l’étrangleur de Soho qui a tué Marie la Française ?
Elle est trouvée assassinée dans une chambre en feu où chantait un poste de radio. Un chat, seul témoin du drame
Londres. Au feu, au feu !
Une figure affolée apparut au troisième étage d’une maison crasseuse dans une étroite ruelle, à trente pieds de Euston Road, boulevard extérieur de Londres. D’autres visages se montrèrent. Un policeman, attiré par les cris, vit la fumée qui sortait d’une fenêtre du deuxième étage. Il monta quatre à quatre les marches. La porte de l’unique chambre donnant sur la ruelle était ouverte. On entendait, hurlante, la voix d’un mauvais poste de radio.
Étranglée
La femme assassinée était étendue sur son lit. Elle avait été étranglée et son visage était recouvert d’un oreiller. Sur son visage, il y avait comme des balafres faites à l’aide d’un bâton de rouge à lèvres, comme si elle avait été surprise au moment où elle se maquillait. Tout autour, dans sa chambre, pas la moindre trace de lutte. Le poste de radio n’avait pas été touché déversant toujours, nous | avons dit, dans ce décor de misère et de drame, les tonifions d’une musique de danse…
Un chat, couché sur un tabouret au pied du lit, dormait d’un sommeil indifférent. II ne leva la tête qu’à l’apparition du policier.
Cette femme qui était-elle ? Elle était connue de ses voisins sous le nom de « Marie la Française », mais son nom de famille est inconnu.
Elle paraissait âgée d’une quarantaine d’années et avait dû être jolie.
En plein mystère
Hier on la vit rentrer chez elle, vers 8 heures, portant deux bouteilles de gin.
Quelques instants plus tard, « Marie la Française » fut rejoindre par un homme dont le signalement a été fourni à Scotland Yard : il était de taille moyenne, blond, avec une petite moustache. Ils rentrèrent ensemble dans la maison. Puis on n’entendit plus rien, que jusqu’au soir la musique de radio.
Comme nous l’avons indiqué, ce fut grâce à la fumée s’échappant de la fenêtre, que le crime fut découvert.
Faut-il admettre que le meurtrier, avant son crime, mit le feu aux rideaux et aux couvertures du lit pour faire disparaître les traces de son crime? Mais Scotland Yard se préoccupe surtout de savoir si cet homme blond à petites moustaches, n’est pas le redoutable individu que l’on recherche depuis des mois et qui, dans le quartier de Soho, sema la même panique que Jack l’Eventreur à jamais célèbre dans les annales de l’East-End londonien.
« J’ai deux colis de toute beauté aux conditions habituelles »
Cette lettre trouvée dans la poche d’un odieux trafiquant met la police sur la piste d’une vaste bande
Toulouse. Dans le quartier réservé de Toulouse, les inspecteurs de la Sûreté générale veillaient. Un ordre venu de Paris les avait alertés :
« Une bande de marchands de fleurs a son quartier général dans votre ville. Surveillez l’avenu de Paris ».
Les marchands de fleurs : il ne s’agissait pas évidemment de paisibles fleuristes, mais de redoutables et dangereux bandits qui vivent de la traite des blanches.
Depuis des années, la Sûreté nationale les pourchasse sans arrêt, les guette pendant des mois dans l’espoir de les prendre un jour au moment où ils sont en train de se livrer leur odieuse profession.
Mais cette pègre spéciale possède sa propre police, ses indicateurs et tout ceux – les chefs – qui sont, comme on dit en argot policier, « dans le bain », ont toujours un métier, une raison sociale, qui leur sert de façade.
Les surprend-on avec une femme dont a signalé la disparition et que la police recherche, ils ont une réponse toute prête : « C’est ma fiancée », ou « C’est mon employée ».
Et la plupart du temps, le femme se précipite dans les bras de celui qui va la conduire à la déchéance, en insultant presque l’inspecteur qui veut la sauver. Cela n’est pas pour faciliter la tâche de la police.
Deux colis de toute beauté
Cette fois-ci, cependant, l’arrestation d’un de ces odieux trafiquants a pu être opérée hier soir à Toulouse. Cette arrestation donne l’espoir de remonter petit à petit, jusqu’au chef d’une bande dont la néfaste activité dans tout le sud-ouest de la France a considérablement ému l’opinion.
Jacques Ben Azera, âgé de 27 ans, qui tomba dans les filets des policiers toulousains, venait d’arriver de Paris.
Se voyant pris, Ben Azera commença par nier. Mais les inspecteurs en le fouillant trouvèrent dans une poche de son veston un brouillon de télégramme dont la teneur supprimait toute espèce de doute à son égard.
J’ai – était-il écrit – pour cette semaine, deux colis de toute beauté aux conditions habituelles, par Port-Vendres.
Ben Azera entra alors dans la voie des aveux.
Je fais partie, dit-il, d’une bande de fournisseurs de femmes dont le siège est à Paris, à la porte Saint-Denis. Je devais me rencontrer à Toulouse avec nos acheteurs venus d’Oran et d’Alger, et avec d’autres arrivant de Buenos-Aires, car nous avons de nombreux « colis » à livrer.
Ces « colis » venant de Paris, de Béziers, de Toulous et de Marseille, étaient convoyés jusqu’à Port-Vendres où des complices en prenaient livraison et les amenaient jusqu’à Oran.
Vingt-trois victimes identifiées
Vingt-trois femmes ont été ainsi identifiées et sept d’entre elles qui devaient partir aujourd’hui même pour Oran ont du être reprises à temps par les policiers prévenus.
À Toulouse, les inspecteurs de la Sûreté observent le plus grand silence sur les innombrables complices de cette vaste organisation du vice?
Déjà plusieurs individus suspects ont été interrogés : certains d’entre eux ont été remis en liberté provisoire.
À Paris, de son côté, la Sûreté enquête. C’est un travail extrêmement difficile à accomplir. La grande loi du « milieu », le silence, est là comme un obstacle infranchissable. Mais la guerre est déclarée entre les représentants de la loi et les trafiquants de femmes.
Voir aussi :
