Septembre en Israël
Par Jacques LaSalle (L’Interdit, mars-avril 1976, vol.17)
Tel-Aviv, le 2 septembre. Baignée dans l’humidité de cette soirée de fin d’été, la grande ville nous accueille avec ses néons et ses longues rues vivantes.
Nous sommes manifestement en pays méditerranéen, la foule est joyeuse et animée, les cafés-terrasses occupés par des soldats en permission, des touristes, de jolies filles au teint basané.
Les dix heures de vol ne semblent pas avoir ralenti l’entrain des membres du groupe, car certains, après avoir pris possession de leur chambre d’hôtel et déballé leurs affaires en vitesse, s’empressent de descendre sur la plage et de se précipiter dans la Méditerranée accueillante.
D’autres préfèrent déambuler sur Dizengoff, rendez-vous favori des touristes et de la jeunesse locale. La fatigue a rapidement cédé le pas à l’excitation des premières heures en sol israélien. Quelques bonnes bières fraîches auront vite ranimé l’humeur des plus éreintés.
Premier réveil en Israël. Le soleil est éclatant, brillant de mille feux accueillants. Michel, notre guide qui nous accompagnera tout au long du voyage, nous attend dans le hall de l’hôtel. Son sourire chaleureux et sa bonne humeur ont rapidement séduit tout le monde. Quelques bonnes blagues et la glace est brisée. Tout le monde semble l’avoir adopté instantanément.
Il en va de même pour Yigal, notre chauffeur. Une bonne bouille illuminée d’un sourire permanent. Michel nous emmène d’abord à l’Institut Zeizmann de Rehovot, célèbre à travers le monde pour les recherches scientifiques que l’on y poursuit.
Une véritable oasis de paix. Après un bref arrêt au musée, nous prenons la direction de Richon-Le-Tsion, la capitale du vin. Visite des caves et charmante dégustation devant laquelle personne ne se défile. Dés le retour dans l’autobus, on s’aperçoit que Bacchus compte de nouveaux disciples; tout y passe, des chansons grivoises, aux cantiques du mois de Marie… !
Après une brève visite de Tel-Aviv et surtout la traversée à pied du Shouk HaCarmel (célèbre marché populaire de Tel-Aviv), c’est la pause pour le repas. Dans l’après-midi, visite de la vieille ville de Jaffa avec ses merveilleuses boutiques, ses petites ruelles tortueuses, sa chaleur légendaire.
Michel ne veut pas nous épuiser, il nous amène ensuite à la mer, où nous en profitons pour nous ébattre jusqu’à latin de l’après-midi.
Ça y est. Tout est en marche. En cette troisième journée en Israël, nous nous arrêtons d’abord à Kyriat-Gat, la ville de développement par excellence, où le sympathique porte-parole de la municipalité, Avi Shragai, nous brosse un tableau de l’expansion incroyable qu’ont connu Kyriat-Gat et toute la région de Lachshisch au cours des vingt dernières années.
Le lendemain, le voyage tant attendu vers Massada. À mesure que nous descendons vers la Mer Morte, la chaleur se fait plus étouffante. Heureusement que l’autobus est muni d’un système d’air climatisé. Le rocher est imposant. Chacun a hâte d’y mettre le pied. Là-haut, tout prend une nouvelle dimension, le paysage est irréel. Peut-on rêver d’un endroit plus propice pour ce rendez-vous avec l’histoire?
Michel nous fait visiter chaque coin. On a l’impression, après 1900 ans, de revivre les dernières heures de cette héroïque communauté.
Au retour, c’est la traditionnelle baignade dans la Mer Morte où chacun a l’impression de flotter sur un nuage. Et puis, finalement, l’arrivée à Jérusalem en cette veille de Rosh Hachana (Nouvel An juif). Au Mur des lamentations, c’est le déchaînement, l’explosion de joie. Des milliers de Juifs, de toutes conditions, sont là, en train de célébrer l’arrivée de la nouvelle année.
Après deux jours à Jérusalem, où chacun a été libre d’organiser son itinéraire, l’excursion reprend. Nous montons vers le nord du pays. Après avoir traversé une partie de la Cisjordanie, nous nous dirigeons vers Césarée, où nous nous arrêtons pour visiter les merveilleuses ruines romaines ainsi que l’amphithéâtre. Nous continuons vers Haifa que nous traversons sans oublier d’admirer le temple de Bahai et la magnifique baie qui s’étend en contrebas.
Un bref arrêt à St-Jean d’Acre, le temps de visiter les anciennes forteresses des croisés et les petits marchés arabes. Nous passerons la nuit au kibboutz Gesher Aziv situé à quelques milles au sud de la frontière libanaise.
Le souvenir le plus mémorable qu’aura laissé le kibboutz à certains membres du groupe demeurera, sans nul doute, le désormais célèbre petit bar qui connut ce soir-là une activité inhabituelle.
Pour certains, le lendemain, la traversée du Golan s’avéra cahoteuse. Heureusement que l’air frais des montagnes réussit à faire passer les dernières vapeurs d’alcool qui obscurcissaient encore quelques esprits…
Un bain dans l’eau glacée de la piscine du kibboutz Hagoshrim, alimentée par les sources du Jourdain, eut vite fait de ramener sur le plancher des vaches tous ceux qui n’avaient pas encore cessé de planer dans les hautes sphères du Slivovitch…
D’Hagoshrim, nous descendons vers Safed, la ville des artistes, avant d’arriver au Lac de Tibèriade, majestueux et calme. Une rapide incursion à l’extrémité méridionale du lac nous conduit vers Degania, le premier kibboutz fondé par un groupe de pionniers en 1909.
Nous remontons ensuite vers Nazareth, la plus importante ville arabe du pays. On y retrouve les souks et les marchés déjà rencontrés à Jérusalem, où s’entremêlent les bruits de la foule et les odeurs d’épices moyenorientales.
Lorsque nous quittons Yifat, nous longeons la frontière jordanienne jusqu’à Jéricho avant de nous aventurer jusqu’au pont Allenby, seule frontière ouverte à la circulation des individus et au commerce entre Israël et un pays arabe. De part et d’autre, on s’observe en silence, mais les relations semblent tout de même cordiales. Nous remontons ensuite vers Jérusalem, où la ville nouvelle nous attend avec ses mille et un centres d’intérêt (musée national israélien, documents de la mer Morte, Knesseth, Université, Yad Vachem, etc.). Tirtza, une amie israélienne, a organisé à notre intention une rencontre avec quelques intellectuels francophones israéliens dans le but de permettre aux membres du groupe de discuter de tous les problèmes auxquels Israël doit faire face.
Après cette halte à Jérusalem, c’est Nathania, station balnéaire au bord de la Méditerranée, qui nous attend pour une période de trois jours. Nous y passerons nos dernières 72 heures en Israël dans la joie et la gaieté. Personne ne songe évidemment à se reposer.
Il faut profiter au maximum de ces dernières journées de soleil avant le long hiver canadien qui nous attend au pays.
Ces trois semaines ont filé comme le vent, elles ont coulé entre nos doigts comme le sable de la mer, mais elles n’ont sûrement laissé aucun d’entre nous indifférent. Ce premier contact avec Israël nous aura permis de nous rendre compte qu’il existe plusieurs points communs entre le Québec et Israël et que, malgré les distances qui séparent nos deux pays, les contacts sont toujours facilités et favorisés lorsque la bonne volonté existe de part et d’autre. Et elle n’aura sûrement pas fait défaut durant ces trois semaines.