Projet de gratuité du pain en France
Devant l’augmentation imminente du prix du pain, le conseil général de la Seine s’est demandé comment les familles nombreuses, déjà si éprouvées par l’accroissement du coût de la vie, et dont le pain constitue la base de l’alimentation, pourront faire face à ce surcroît de dépenses.
A la suite de l’intervention de M. Frédéric Bruent, le conseil général a émis un vœu demandant au gouvernement de déposer un projet de loi en vue d’assurer aux familles nombreuses la carte de pain gratuit ou à prix réduit.
L’idée émise par M. Frédéric Brunet n’est pas nouvelle puisque ce pain gratuit a existé jadis à Rome, voici dans quelles circonstances.
A la suite d’une disette sérieuse à Rome. Galon, roi de Syracuse, donna au Romains une grande quantité de grains. Celui-ci fut distribué à la population et fit cesser le fléau.
Cette largesse donna plus tard l’idée aux riches citoyens qui aspiraient aux charges de la République, de faire de semblables distributions afin de gagner les suffrages des électeurs.
Afin d’empêcher de faire préférer la richesse à la capacité, pour la gestion des affaires publiques, Septonius, qui était tribun l’an 630 de la fondation de Rome. Fit voter la loi Sempronia.
Sous César, on arriva à la distribution gratuite du blé; elle fut supprimée et rétablie à différentes reprises sous Tibère et Néron.
Avec Trajan, on substitua la distribution du pain à celle du blé.
Le pain gratuit était destiné aux plus pauvres citoyens de Rome soit libres, soit affranchis; des sénateurs même en recevaient.
Dans chaque quartier de la ville était disposée une table d’airain sur laquelle étaient inscrits les noms de ceux qui devaient participer à ces libéralités. Ceux-ce étaient porteurs d’un « méreau » ou petit tube sur les parois duquel étaient gravés le nom du propriétaire et la quantité de froment que leur délivraient, chaque mois, les greniers publics.
La distribution de ce pain avait lieu dans un endroit élevé par degrés, ce qui lui fit donner le nom de « pain gradilis » de pain des gradins. Faite d’abord par les Ediles, puis par les Tribuns, cette distribution appartient dans la suite au Préfet des provisions.
Afin d’éviter les abus, toute soustraction était sévèrement punie. C’est ainsi que les greffiers des magistrats proposés à cette distribution, qui abusaient de leur situation pour s’attribuer du pain par fraude étaient punis de mort.
En vue de ne pas obérer le Trésor public par ces largesses, on imposa une dîme sur tous les blés; tous les citoyens et furent assujettis. Le défaut du paiement de cette redevance était puni d’une amende double.
Si les blés des dîmes n’étaient pas suffisants, on puisait dans les caisses du Trésor public pour en acheter. On prêtait aussi de l’argent aux boulangers qui en achetaient eux-mêmes.
Deux flottes étaient entretenues pour l’importation des blés : l’une allait en Afrique et l’autre en Egypte. Quelques vaisseaux étaient en outre chargés d’amener le blé des îles voisines.
Lorsque les navires publics étaient insuffisants pour assurer le transport de ce blé, les particuliers étaient obligés de fournir les leurs. Ils recevaient en échange de nombreuses prérogatives.
La question de la distribution gratuite du pain n’est donc pas nouvelle.
(28 janvier 1920).
