Passage du Nord-Ouest : Frobisher

En quête du passage du Nord-Ouest, l’expédition de Frobisher

Au milieu du 16e siècle, rares étaient les géographes réfléchis qui croyaient à la possibilité de trouver un passage du Nord-Ouest à une latitude inférieure à celle de la partie nord du Labrador; on croyait généralement que, une fois découvert, le passage permettrait une rapide descente des navires vers le Pacifique.

Finalement, les idées de Sir Humphrey Gilbert et de John Dee qui défendaient les thèses de l’existence du passage, réussissent à provoquer les concours financiers nécessaires à l’organisation d’une exploration du passage du Nord-Ouest. La majeure partie de l’argent fut fournie par un marchand, Michael Lok qui était fasciné par cette théorie géographique et attiré par les larges profits escomptés. On fit appel à Stephen Burrough, en raison de ses connaissances de la navigation dans l’Artique, et on confia le commandement de l’expédition à Martin Frobisher.

Aussi expérimenté que courageux, ce capitaine avait appris son métier en bourlinguant d’Angleterre à la côte de Guinée, et en exerçant la guerre de course dans la Manche aux dépens des Espagnols. On lui donna deux petits bâtiments. Le Gabriel et le Michael, et une pinasse. En juin 1576, la reine Elisabeth lui accorda une audience d’adieu; il mit à la voile avec d’autant plus d’optimisme que de hautes personnalités lui prédisaient le succès.

Lorsque Frobisher doubla le Groenland, il avait déjà perdu sa pinasse au cours d’une tempête et le Michael avait déserté. Le Gabriel atteignit l’île Résolution, à l’entrée de la baie d’Hudson, et Frobisher découvrit ce qu’il croyait être la voie d’accès au détroit d’Anian. Il ne poussa pas assez loin pour se rendre compte qu’il s’agissait d’une baie et il baptisa joyeusement du nom de « détroit de Frobisher » la baie qui porte encore son nom. Il entra en contact avec un groupe d’Esquimaux peu accueillants, qui s’emparèrent de cinq Anglais et de leur chaloupe, ne laissant à Frobisher que treize hommes. Colère ou geste désespéré, Frobisher, qui était un véritable géant, se pencha par-dessus bord, tira de l’eau un kayac avec son Esquimau et les jeta sur le pont du Gavriel en guise de Souvenir. Puis il appareilla en rentra en Angleterre.

Ce souvenir joua un rôle important car, comme l’écrit le pilote du Gabriel, « les Esquimaux comme les Tartares ont le visage large, le nez aplati ». Or, la Tartarie se trouvant en Asie, il semblait logique de penser que la nouvelle voie maritime séparait l’Asie de l’Amérique et menait donc vers l’Empire de Cathay. Frobisher rapportait aussi de grandes pierres noires, apparemment veinées d’or.

L’or et le détroit étaient aussi fictifs l’un que l’autre, mais les pierres noires permirent au navigateur de trouver les concours financiers nécessaires à deux nouvelles explorations qui, en 1577 et 1578, se révélèrent également infructueuses. Au cours du troisième voyage, l’action jumelée des glaces et du vent enleva à Frobisher un de ses bâtiments et le récit que donne de ce drame un de ses compagnons constitue une description classique des difficultés auxquelles se heurtait tout voyage arctique. « La tempête forçait et, pris dans les glaces, nous fûmes obligés de descendre nos mâts de flèche. Les glaces nous environnaient au point de nous empêcher de voir la mer ou la terre; nous fûmes forcés de couper les cordages et d’en faire des défenses que nous suspendions le long du bord pour protéger tant soit peu les flancs du navire contre les coups de bélier. Les uns débordaient la glace à coups de barre de cabestan, d’avirons, de planches de deux pouces d’épaisseur qui craquaient immédiatement, d’autres descendaient sur le pack pour le repousser de leurs épaules ».

Lors de son second et de son troisième voyages, Flobisher se préoccupa davantage de trouver de l’or que de rechercher le fameux passage. Mais une observation qu’il fit devait hanter les futurs explorateurs. En naviguant au milieu des îles et des masses confuses de glace, il en vint à la conclusion que l’entrée de la baie, découverte soixante-dix ans plus tôt par Sébastien Cabot, constituait l’extrémité du passage. Cette opinion allait ruiner les efforts de nombreux explorateurs. La baie d’Hudson posera au cours des années à venir des problèmes aussi déroutants aux navigateurs en quête du passage du Nord-Ouest que la mer de Kara à ceux qui cherchaient le passage du Nord-Est.

D’après L’Âge des Découvertes par John R. Hale et les Rédacteurs des Collections Time-Life, 1967.

Voir aussi : 

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Femme Esquimau et son bébé par John White, aquarelle, 1577, British Museum, Londres (Lee Boltin). Ce tableau dû au peintre anglais John White (XVIe siècle) représente une femme esquimau portant des vêtements en peu de phoque. Son enfant risque la tête hors du capuchon maternel. White accompagna vraisemblablement Frobisher en 1577, lors du voyage de cet explorateur à la Terre de Baffin. La femme et son bébé furent embarquées à bord.

Passage du Nord-Ouest

Le passage maritime du Nord-Ouest longe les côtes du nord du Canada et relie l’Atlantique au Pacifique. Plusieurs îles arctiques se trouvent le long du trajet, et elles ne sont parfois séparées les unes des autres, ou du continent, que par des chenaux.

Aujourd’hui, le passage du Nord-Ouest n’est praticable que du mois d’août jusqu’à fin septembre, soit pendant environ 2 mois. Le reste de l’année, les eaux sont prises par les glaces et de nombreuses tempêtes rendent cette partie du globe trop dangereuse pour assurer une navigation régulière.

Cependant, les conditions climatiques changent. En raison du réchauffement global, on s’attend à ce que le passage soit utilisable toute l’année d’ici 5 ou 10 ans. Depuis 2007, certains bateaux peuvent d’ailleurs emprunter cette nouvelle voie même en hiver.

En conséquence, le passage du Nord-Ouest attire désormais l’attention de plusieurs pays. En effet, les avantages sont évidents: le trajet entre New York et Tokyo en passant par le canal de Panama est de 18 200 kilomètres, alors qu’en empruntant le passage du Nord-Ouest, la distance n’est plus que de 14 000 kilomètres.

De même, par rapport au trajet habituel qui passe par le canal de Suez, cette route raccourcit de 4 000 km le parcours entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Entre Rotterdam et Tokyo, par exemple, on doit parcourir 23 300 km en passant par le canal de Panama, 21 100 km par le canal de Suez, et seulement 15 900 km par le passage du Nord-Ouest.

Les économies réalisées (combustible, salaires, délais, etc.) seront donc considérables, à condition que l’on puisse utiliser cette voie tout au long de l’année, et en toute sécurité.

Le Canada considère le passage du Nord-Ouest comme une route intérieure car le trajet passe par les eaux territoriales canadiennes et serpente entre diverses îles du Canada. Mais certains pays, dont les États-Unis et la Russie, ne partagent pas cet avis.

Les États-Unis déclarent que le passage du Nord-Ouest fait partie des routes internationales ouvertes. La Russie, pour sa part, estime qu’un certain nombre de ces îles arctiques lui appartiennent. En 2006, la Russie a d’ailleurs immergé son drapeau dans ces eaux afin de marquer symboliquement sa présence dans la région.

Toutefois, le débat au sujet des revendications canadiennes dans le Nord et sur le passage du Nord-Ouest est très ancien, et le Canada est bien déterminé à défendre ses positions.

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