Un épouvantable incendie détruit la nuit dernière le parlement d’Ottawa
Ce serait là l’œuvre de criminels! – Le maire Martin, M.P. de Montréal, donne l’alarme. – Le député B.B. Law aurait péri.
La nouvelle qu’un mystérieux incendie avait éclaté le 3 février 1916 au Palais Législatif d’Ottawa, détruisant la partie centrale de l’édifice et causant plusieurs pertes de vie, a jeté la consternation dans le pays tout entier.
Alors que les législateurs venaient à peine de se mettre à l’œuvre et que tout marchait dans l’ordre le plus parfait, un cri d’alarme retentit et apporta la confusion au sein de l’assemblée. Une épaisse fumée remplit en quelques secondes les corridors et gagne bientôt la salle des délibérations, ce qui rend plus difficile le travail de sauvetage. Dans le tumulte qui s’ensuit, deux femmes, appartenant à la société de Québec, hôtes de Mme Albert Sévigny, femme de l’Orateur de la Chambre, qui assistaient à la réunion, périssent dans les flammes. Ce n’est que grâce au sang-froid montré par tous ceux qui se trouvaient dans l’édifice, au moment où les flammes firent leur apparition, si l’on n’a pas à déplorer de plus grands malheurs encore.
Pas moins de sept personnes, dont le député libéral de Yarmouth, M. Bowman Law, y ont perdu la vie.
La brigade des pompiers se met promptement au travail. Peine inutile, l’incendie accomplit son œuvre et une heure plus après, toute la partie centrale du parlement n’est plus qu’un amas de ruines fumantes.
Des rumeurs persistantes disent que l’incendie aurait été allumé par une main criminelle allemande ou autrichienne et que le coup aurait été préparé de longue date. La rapidité avec laquelle l’élément destructeur s’est propagé donne un air de vérité à cette assertion. D’aucuns vont jusqu’à dire que le département de la Justice avait été averti trois semaines à l’avance par un journal des Etats-Unis, que les ennemis de l’Empire projetaient des attaques sur les principaux édifices de la capitale canadienne.
Le début de l’incendie
L’incendie s’est déclaré vers 21 heurs dans la salle de lecture attenante à la chambre des délibérations de l’assemblée législative, alors que les députés écoutaient l’argumentation de M. Clarence Jamieson, de Digby, qui exigeait la tenue d’une enquête sur les prix payés aux pêcheurs pour leur poisson.
La plupart des témoins oculaires ont parlé d’une explosion en tout début d’incendie, l’un d,enter eux, le chef Graham, du service des incendies d’Ottawa, allant même jusqu’à affirmer qu’on avait entendu pas moins de cinq explosions. Les flammes et la fumée aussi dense que noire se sont propagées avec une rapidité telle que d’aucuns furent portés à accréditer la rumeur d’un incendie criminel.
La prétention du Providence Journal à l’effet qu’il avait avisé le département de la Justice (lequel, le journal de disait pas) trois semaines à l’avance des intentions d’employés de l’ambassade allemande de Washington d’attaquer les principaux édifices du gouvernement canadien qui fut démenti rapidement par Washington et Ottawa. Cependant, dans les milieux bien renseignés, on devait attribuer la propagation ultrarapide du feu à l’inflammabilité élevée des matériaux utilisés pour la décoration intérieure, et les explosions au bruit que faisait le feu en s’engouffrant subitement dans un corridor.
Quant à la rumeur de sabotage par des Allemands, elle donna lieu momentanément à une chasse aux sorcières, au point qu’on alla jusqu’à arrêter le pianiste Charles Strony, à Windsor, parce qu’il avait eu le malheur de prendre un billet pour Chicago après qu’il eut celui de se trouver à Ottawa le soir de l’incendie. Ce qu’il ne pouvait pas nier puisqu’il accompagnait Madame Edvina à un concert auquel assistaient le gouverneur général, le duc de Connaught, et son épouse.
Le hasard a voulu que l’alarme soit donnée par le maire Médéric Martin, député de Sainte-Marie, qui entendit une explosion au moment où il entrait dans la chambre. C’est au cri de « Le feu… et un gros! » qu’il averti ses collègues.
Les conséquences de l’incendie
L’incendie fit sept victimes, mais il aurait pu être encore plus regrettable n’eut été de nombreux gestes de courage et de sang-froid de la part des centaines de personnes qui se trouvaient alors à l’intérieurs de l’édifice.
Les morts furent, outre le député Law, M. J.-B. Laplante, assistant-grefier de la Chambre, Alphonse Desjardins, constable, son homonyme, plombier, Randolph Fanning, employé aux postes, et Mmes Henri Bray et Louis Morin, de Québec. On crut pendant un certain temps que le député J.O. Lavallée, du comté de Bellechasse, avait également péri dans l’incendie, mais il fut retrouvé sain et sauf à son domicile.
On parvint à sauver les documents sessionnels les plus importants ainsi que les peintures qui ornaient la Chambre du Sénat, mais on n’a malheureusement pas pu sauver celles de la Chambre des Communes, parmi lesquelles se trouvaient évidemment es peintures hors prix.
L’incendie força évidemment le gouvernement de sir Robert Borden à s’installer ailleurs temporairement, et on choisit de siéger au musée Victoria Memorial en attendant la reconstruction de l’édifice.
Historique de l’édifice du Parlement
C’est le 20 décembre 1859, sous l’administration Catier-Macdonald, que furent commencés les travaux de l’édifice conçu par les architectes Fuller et Jones. Les travaux devaient être terminés en 1862, mais ils ne le furent qu’en 1866, avec la session inaugurale commençant le 8 juin de cette année-là., donc un an avant la Confédération. La façade avait une longueur de 472 pieds, et la tour centrale de l’édifice de trois étages s’élevait à 160 pieds de hauteur.
L’édifice du Parlement devait coûter initialement $348 000, mais le devis fut augmenté en cours de construction. Au moment de l’incendie, l’ensemble des édifices était évalué à $6 millions, et les dégâts de l’incendie, à $3 millions.

Pour compléter la lecture :
- Ottawa
- Ottawa : édifices parlementaires
- Ottawa : architecture
- Ottawa : institutions muséales
- Ottawa : Promenades
- Ligne du temps : 1916