Le pontife Jean-Paul II sur l’embargo à Cuba
26 janvier 1998 : Un embargo « injuste et moralement inacceptable », dit le pape à Cuba. Le pape Jean-Paul II a quitté La Havane hier soir à destination de Rome après une visite historique de cinq jours au cours de laquelle il a notamment condamné catégoriquement l’embargo américain en le qualifiant « d’injuste et de moralement inacceptable », quelques minutes avant son départ. Fidel Castro avait auparavant accompagné son hôte jusqu’au pied de la passerelle et l’avait salué une dernière fois de la main lorsque l’appareil s’était éloigné sur le tarmac. Il a félicité le souverain pontife pour avoir « rendu visite à ce que l’on appelle le dernier bastion du communisme ».
Le pape, âgé de 77 ans et en mauvaise santé, a accompli sans faille un programme officiel et a reçu un accueil enthousiaste des Cubains. Durcissant le ton progressivement, il a lancé des appels répétés au changement, notamment en demandant la « reconnaissance des droits de l’homme » et en plaidant la cause des dissidents et prisonniers politiques. Jean-Paul II a livré son plus puissant message de liberté et de justice dans le lieu emblématique de la révolution cubaine, au cœur de la Havane, face à une marée humaine donnant libre cours à une intense émotion.
Embargo inacceptable
Dans un des moments les plus forts de sa visite à Cuba, le pape, flanqué des images du Che et de Jésus-Christ et face au président Fidel Castro, assis au premier rang, a demandé à Cuba de « s’engager sur de nouveaux chemins » sous les vivats d’une foule estimée à près d’un demi million de personnes. Au cinquième et dernier jour de la visite, le pape célébrait son ultime messe à Cuba sur la Place de la Révolution, cœur politique de La Havane et lieu de rassemblement historique des manifestations de soutien au régime communiste. Avant l’aube, une véritable marée humaine avait commencé à converger vers la Place de la Révolution où s’étaient également dirigés des dizaines d’autobus pleins à craquer venant parfois de villes distantes de centaines de kilomètres.
Agitant ballons, drapeaux cubains et drapeaux jaunes aux couleurs du Vatican, jeunes et vieux, familles avec enfants et pique-niques, handicapés en chaises roulantes meublaient l’attente en musique, sous un ciel gris, au son de cantiques au rythme tropical. Devant l’austère bâtiment du ministère de l’Intérieur qui jouxte la place éclataient indifféremment l’Ave Maria et l’hymne cubain tandis que résonnaient des slogans jamais entendus en 40 ans, comme « Vive l’Église » ou « Vive le Christ roi », « Libres, libres, le pape nous veut tous libres ». La célébration a été retransmise en direct par la télévision d’État, la seule accessible aux Cubains, tandis que les rues de La Havane étaient pratiquement désertes.
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Visiblement joyeux, Jean-Paul II, revêtu d’une chasuble verte aux couleurs de l’espoir, a plaisanté avec la foule, la remerciant notamment de ses nombreux applaudissements : « Lorsque vous applaudissez, le pape peut se reposer », a-t-il dit malicieusement, sous le regard de Fidel Castro au premier rang, riant de bon cœur. Mais ce sont de simples mots comme « liberté », « justice sociale », droits de l’homme », « vérité » et « espérance » qui ont galvanisé les centaines de milliers de personnes présentes sur la place. Dans un des moments les plus émouvants et les plus spectaculaires de la messe, on a pu voir Fidel Castro faire le geste liturgique « de la paix » et étreindre les mains de ses voisins.
C’est la première fois que le « Lider maximo » assistait à une messe à Cuba depuis 1959, l’année de son arrivée au pouvoir. Les plus hautes représentants de l’Église catholique de tout le continent américain, dont des représentants du Canada et des États-Unis – en tout 15 cardinaux et 132 évêques – étaient venus en force à La Havane et entouraient le souverain pontife de leur présence. Jean-Paul II a ensuite déjeuné à l’Archevêché de La Havane et s’est adressé aux évêques de Cuba.
Il a réclamé à cette occasion au régime castriste « le respect de la liberté religieuse garantissant les espaces, les œuvre et les moyens » nécessaires pour que l’Église remplisse sa mission. « Il ne s’agit pas ni d’un don, ni d’un privilège, ni d’une autorisation liée à des situations passagères, à des stratégies politiques ou à la volonté de l’autorité, mais d’un droit inaliénable », a-t-il souligné, quelques heures avant son départ à l’issue de sa visite historique.
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