Harems turcs
Les harems (étymologiquement sanctuaires) étaient les lieux les plus secrets de l’Empire ottoman. Ils étaient construits dans les palais et comprenaient des jardins, des hammams, des bassins, des dortoirs, eux-mêmes occupés par quelques dizaines d’eunuques et en moyenne 400 concubines.
C’étaient des prisons de luxe où étaient enfermées des jeunes femmes qui avaient été capturées sur les bateaux de voyageurs par des pirates, puis vendues sur les marchés d’esclaves, mais aussi des jeunes femmes raflées dans les provinces envahies par l’Empire ottoman, notamment dans les pays slaves (les musulmanes ne pouvant pas être esclaves, les Turcs n’enlevaient que des femmes qui pratiquaient une autre religion).
Les harems étaient de vraies prisons, même si les barreaux étaient dorés, la décoration et la nourriture d’un grand raffinement. Les fenêtres, par exemple, étaient tournées vers le nord afin que les femmes ne perçoivent pas l’écoulement du temps en observant le soleil.Des fontaines bruyantes masquaient les bruits extérieurs.
La fonction du harem était de perpétuer la dynastie du sultan. Ce dernier choisissait sa favorite du soir en lâchant un mouchoir, et la femme ainsi désignée le ramassait et rejoignait sa chambre. L’élue se nommait odalisque, ce qui signifie destinée à la chambre.
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Le jour, les concubines attendaient le bon vouloir du sultan. Se disputaient entre elles pour avoir ses faveurs et ainsi lui donner un fils. Le sultan souhaitait le plus de garçons possible afin de compenser les maladies et la mortalité.
Ensuite, la rivalité des concubines passait par leurs fils. La règle du jeu était établie. La succession du sultan devait passer à l’aîné.
Les princes héritiers se retrouvaient donc dans une prison adjacente qu’on appelait “la cage”. Sorte de petit harem pour hommes tout aussi luxueux que le harem pour femmes. En général, pour 400 concubines, il y avait une cinquantaine de princes héritiers.
Dès l’instant où le sultan mourait, on désignait le fils aîné nouveau sultan. On étranglait tous ses frères et demi-frères cadets avec une cordelette de soie par les eunuques. Afin qu’ils ne soient pas tentés de contester le pouvoir. Quant à la mère de l’élu, on lui attribuait le statut de reine mère.
En tout logique, les concubines passaient leur temps à monter des complots. Non seulement pour tuer les princes concurrents. Mais aussi le sultan afin que les deux événements coïncident.
À l’intérieur de la cage, tous les princes vivaient dans la haine et la peur de leurs frères. Ce qui les rendait paranoïaques. Pour certains, complètement fous. Leurs mères, l’on autorisait à les voir dans la cage. Elles remontaient le moral de leur champion. Leur fournissaient couteaux et poissons pour se débarrasser de leurs rivaux.
* Harems turcs
Le niveau de violence et de rage dans ce décor de rêve était réglé par les eunuques qui servaient de police interne. Ces derniers étaient des jeunes adolescents, razziés en Éthiopie, et à qui on avait fait subir l’ablation totale du pénis et des testicules, remplacés par un tuyau pour uriner. Ceux qui avaient survécu à la castration (80% en mouraient en s’intoxiquant avec leur propre urine qui n’arrivait plus à s’évacuer) étaient alors vendus rue les marchés d’esclaves du Caire.
Après la révolution de 1909, le sultan Abdul Hamid II fut chassé de son palais et le harem de Topkapi ouvert, dévoilant plusieurs centaines de femmes de 15 à 50 ans qui y vivaient complètement coupées du monde. Lors de leur libération, la majorité d’entre elles ne souhaitèrent pourtant pas quitter ce lieu, considérant qu’à l’extérieur les attendait une vie encore pire.
Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome VII. Bernard Werber, Troisième Humanité. Éditions Albin Michel et Bernard Werber, Paris, 2012.