La garde nationale en état d’alerte en Pennsylvanie
Harrisburg. Pennsylvanie (d’après AP, AFP et Reuter), 30 mars 1979 – Les enfants en bas âge et les femmes enceintes résidant dans un rayon de 8 km (5 milles) autour de la centrale nucléaire américaine de Three Mile Island seront évacués et les écoles fermées dans ce secteur, a décidé le gouverneur de la Pennsylvanie, M. Dick Thornburgh.
Il a ordonné cette évacuation dans une intervention à la radio et à la télévision, à la suite de la fuite de nouvelles particules radioactives hier matin, de la centrale où s’était produit un accident mercredi. Il a ajouté toutefois que c’était avant tout une mesure de sécurité et qu’il n’y avait pas lieu de paniquer.
D’autre part, le président Jimmy Carter a ordonné que des hélicoptères et du matériel de communication soient mis à la disposition des responsables de la Pennsylvanie. La garde civile et les unités de la protection civile ont été placées en état d’alerte sur l’île, où une défaillance du système de refroidissement de la centrale a causé le plus grave accident du genre à survenir aux États-Unis. Les premières difficultés ont commencé il y a deux jours par une panne du système de refroidissement. Cette panne a provoqué une surchauffe du réacteur qui a commencé à dégager des radiations à l’intérieur de la centrale. La fusion du coeur nucléaire se produit lorsqu’un réacteur perd son fluide de refroidissement. Il dégage alors une masse très importante de chaleur qui fait fondre toutes les protections du réacteur, ce qui permet donc à d’importantes quantités de radioactivité de se répandre dans l’atmosphère. Une fusion du coeur ne s’est jamais produite dans une centrale nucléaire américaine. Il y a eu une dizaine d’accidents dans plusieurs centrales au cours des cinq dernières années, mais aucun n’a eu de conséquences graves Les adversaires du nucléaire ont toujours répété qu’un jour, une fusion du coeur risquait de se produire dans une centrale.
En plus d’ordonner la fermeture de 23 écoles situées dans la zone jugée dangereuse, le gouverneur Thornburgh a autorisé l’établissement de 15 centres de soins à l’extérieur de la zone d’évacuation, dans les cantons de York, Dauphin, Cumberland et Lancaster. Une population de 950,000 personnes habite tout ce secteur, dont 60,000 dans la ville de Harrisburg même, à 16 km du réacteur. Les citoyens habitant dans un rayon de 16 km ont été priés de demeurer à domicile jusqu’à nouvel ordre.
Alors que les responsables de la centrale prédisaient des échappements radioactifs pour encore au moins cinq jours, certains citoyens ont tout simplement plié bagages et sont partis ailleurs dans leurs véhicules. M. Thornburgh avait d’abord songé à une évacuation générale, mais il a par la suite changé d’avis. Précisant que ce n’était pas nécessaire, il a ajoute: « Mais nous ne pouvons prédire ce qui se produira dans 24 heures. »
Entre-temps, des fonctionnaires du gouvernement américain et de la centrale émettaient des rapports contradictoires quant à la surprise causée par la nouvelle fuite survenue hier matin. On s’entendait toutefois pour en déplorer la gravité.
Un responsable local de la Commission fédérale de réglementation nucléaire (NRC), M. E.C. McCabe, a révélé que trois bouffées de vapeur radioactives ont été relâchées depuis hier matin par le réacteur en panne.
Selon ce dernier, la dernière s’est produite vers 15 h et le taux de radioactivité reçu à ce moment par deux employés de l’usine a atteint 1,500 millirems, soit de 12 à 15 fois la dose annuelle normalement reçue par un individu en un an. (La Commission internationale de protection radiologique a toutefois fixé à 5,000 millirems la dose maximum que doit recevoir en un an une personne travaillant dans une centrale nucléaire.)
Bien que la réaction de fission soit arrêtée depuis mercredi matin dans le coeur du réacteur, la chaleur y est encore très forte par endroits, atteignant 260 degrés centigrades au heu de 149 degrés pour le reste du coeur, selon M. Jack Herbein, vice-président chargé de la production d’électricité à la Metropolitan Edison, la société électrique propriétaire de la centrale de Three Mile Island.
Le rem est une unité de mesure des radiations. Le millirem en est la millième partie. Pour apprécier cette unité, il suffit pratiquement de savoir que chaque année, les rayonnements naturels (rayonnements cosmiques, roches granitiques, etc.) soumettent l’homme à une irradiation moyenne de 100 millirems environ.
La CIPR prescrit de ne pas dépasser pour les populations une dose annuelle, pour l’organisme entier, de 500 millirems. Pour les travailleurs des centrales nucléaires où, bien entendu, il n’y a ni enfants, ni femmes enceintes, la dose est de 5 rems/an. Mais en fait, les choses sont plus compliquées, car il faut tenir compte de la durée d’irradiation, des parties plus ou moins sensibles et d’organisme atteintes, et des doses cumulées dans la vie.
L’accident obligera le gouvernement à renforcer ses normes et ses techniques de sécurité en matière nucléaire, a déclaré hier à Washington, le président Jimmy Carter, à des directeurs de journaux américains de province. Le porte-parole du président, M. Jody Powell, a cité ce propos de M. Carter au cours d’une conférence de presse spéciale sur l’accident survenu à quelque 150 km de Washington. R a confirmé que l’un des responsables de la NRC a bien mentionné la « possibilité d’une fusion du coeur du réacteur ». « L’expression a bien été employée, a-t-il notamment déclaré, mais cette possibilité existe dans tous les accidents survenant dans une centrale nucléaire ».
M. Powell a indiqué d’autre part que la décision d’évacuer éventuellement toutes les populations civiles de la zone incombe entièrement aux autorités locales. Le gouvernement fédéral se borne à apporter « le maximum d’aide » à tout ce qui pourrait être entrepris sur place pour faire face aux conséquences de l’accident.
À Ottawa, le ministère de la Santé a fait savoir hier que rien ne laisse appréhender de contamination radioactive au Canada par suite de l’accident de Harrisburg. Le réseau national de surveillance de la précipitation de l’air a commencé à fonctionner sur une base quotidienne hier, et l’on connaîtra les résultats mardi prochain. Normalement, ce réseau qui a des stations dans 24 villes canadiennes fonctionne sur une base hebdomadaire.
Le Dr E. – G. Létourneau, directeur du service de protection contre la radiation, a déclaré que l’on portait une attention particulière au lait et que l’on se tenait en relation constante avec les analystes des États-Unis.
(C’est arrivé le 31 mars 1979).
Voir aussi :
![La Centrale nucléaire de Three Mile Island. Source de l'image : Encyclopédia Britannica. Image libre de droits.](https://grandquebec.com/upl-files//2023/10/three-mile-island.png)