Typologie, Biotypologie et stéréotypies en psychiatrie
Science qui cherche à grouper les individus d’une race, d’une espèce en catégories caractérisées par certains traits ou stigmates communs.
À l’origine, la typologie groupait les individus suivant certaines dominantes morphologiques. Sigaud, en France, est un des premiers à avoir donné une classification de ce genre. Depuis, elle a cherché à élargir son horizon et à se trouver des fondements nouveaux du côté de la biologie, de l’endocrinologie, etc. Elle cherche surtout à se donner des bases concrètes, objectives et des formules de rigueur plus mathématique.
La typologie déborde et dépasse le cadre des anciens « tempéraments » qui ne retenaient guère que des tendances ou des données humorales mal précisées. Elle a emprunté à la caractérologie, science qui étudie plus spécialement les formules psychiques morales et réactionnelles d’un individu, un certain nombre de ses données.
Sur le terrain morphologique, elle étudie l’aspect général, la conformation du corps, la taille, le poids, les périmètres, la charpente osseuse, la musculature, la forme et les dimensions du crâne, les traits de la physionomie, l’aspect des extrémités, etc. Elle a dégagé un certain nombre d’indices basés sur des rapports de longueur, de poids, de périmètre thoracique, etc.
L’endocrinologie lui a fourni d’intéressantes données. Elle s’applique aujourd’hui à utiliser les groupes sanguins, les tendances morbides, la réactivité humorale, les chronaxies, l’électroencéphalographie; elle demande aussi aux rapports sociaux de l’individu, à la criminologie de lui fournir certains témoignages. Elle utilise, à l’occasion, les tests psychologiques et caractériels, – celui de Rorschach en particulier.
En U.R.S.S., la typologie est une science autonome groupant différentes disciplines : biométrie, morphologie structurale, biologie, endocrinologie, croissance, indiciologie, représentation graphique, statistique, pédologie, hébélogie, caractérologie. On est allé plus loin et certains auteurs américains (Sheldon) ont voulu rechercher ses origines dans le développement embryonnaire et la prédominance de tendances ectodermiques, méso et entodermiques, recherchée dans les 7 segments du corps.
En France, Dublineau (v. son rapport au XLVe Congrès des Aliénistes et Neurologistes, 1947), qui s’est attaché particulièrement à la biotypologie sous tous ses aspects, a demandé à la pédologie quelques indications. Il pense que l’évolution de l’enfant, au sein du milieu cosmique et social, passe par plusieurs phases critiques mettant à l’épreuve sa résistance physique et morale et suivies de paliers dans lesquels il fait son adaptation. Il dégage ainsi des types résistantiels et des types adaptatifs (thymiques), soit en hyper, soit en hypo, et auxquels correspondraient des dispositions morphologiques ou somatiques spéciales.
Les écoles anthropologiques italiennes ou belges ont beaucoup étudié le criminel au point de vue typologique. Elles ont pu dégager quelques types avec leurs stigmates propres. Un courant réciproque d’information s’est établi entre la typologie et la psychopathologie.
À cet égard, l’une des tendances les plus représentatives de la typologie contemporaine fut l’œuvre de Kretschmer sur les correspondances entre certains types morphologiques et certaines constitutions mentales. Il décrivit les cycloïdes et les cyclothymes d’une part, les schizoïdes et les schizothymes d’autre part (v. ces mots); les premiers correspondant à un type morphologique « bréviligne », « pycnique », les seconds à un type longiligne, « leptosome » avec variétés asthéniques et athlétiques.
Bleuler, prenant en considération le comportement de l’individu vis-à-vis du milieu ambiant, substitua le terme de syntonie à celui de cycloïdie.
Cette conception de typologie constitutionnelle n’a fait que s’enrichir depuis par les apports de la psychopathologie et la pratique des tests de personnalité, en particulier de Rorschach. On doit à E. Minkowski et Fr. Minkowska l’adjonction d’un troisième type constitutionnel : le type épileptoïde ou glischroïde; morphologiquement, ces sujets ont quelque chose de « pesant », de « lourd », de « mastoc » en eux, particularités qui viennent s’ajouter à la « tête carrée des épileptiques » des anciens auteurs, en en constituant l’aspect « typique »; leur constitution psychique et bipolaire présent un pôle adhésif (bradypsychie, viscosité affective) et un pôle explosif (décharges de violence ou de colère, fugues). Ces auteurs insistent beaucoup sur le comportement affectif des divers types vis-à-vis du monde qui les entoure, chacun ayant en propre sa « vision du monde et des formes » (type « rationnel » du schizoïde, type « sensoriel » de l’épileptoïde.
La typologie est donc une science toujours en progrès ; elle aura toujours à compter avec l’observation directe et l’empirisme clinique, au moins, autant qu’avec les données statistiques et les formules mathématiques.
D’autre part, il ne saurait y avoir de commune mesure entre peuples de races et de climats différents ; l’ethnographie a aussi son importance en pareille matière.
Stéréotypies
Fixation dans une formule invariable de certaines attitudes, de certains gestes et de certains actes, de certaines expressions verbales, prolongés ou répétés inlassablement, sans but utile. On peut distinguer :
1) Des stéréotypies d’attitudes, le sujet se tenant indéfiniment dans des positions parfois très inconfortables, souvent paradoxales : accroupissement, station sur la pointe du pied (en échassier), tête renversée, poings crispés ou faisant toujours la même grimace.
2) Des stéréotypies souvent incompréhensibles à première vue ou se rapportant à un acte logique en soi, mais inadéquat aux circonstances du moment; se frotter le genou, se moucher indéfiniment, grincer des dents, s’épiler la barbe ou les cheveux.
3) Des stéréotypies d’actes plus complexes : se lever ou s’asseoir de telle manière, balayer sans arrêt et sans raison, faire toujours le même trajet, pratiquer certains rites de table ou de toilette, tous actes ayant un sens en soi, mais sans indication d’utilité
4) Des stéréotypies verbales : répétition du même mot, du même lambeau de phrase, par la parole ou par l’écriture; litanies interminables, intoxication par le mot, graffitis ou épitres indéfiniment renouvelés.
Fixité, durée, identité, inutilité et inadéquation aux circonstances : tels sont les caractères majeurs communs à ces manifestations. Mais le groupe des stéréotypies comprend des faits assez disparates et qui n’ont pas un mécanisme pathogénique univoque. Leur étude commencée par Falret à propos de certains délires (1864), continuée par Kahlbaum, en 1874, à propos des manifestations motrices de la catatonie, a été complétée par de nombreux travaux (Dromard, Rostroem, Neisser, X. Abély, Klaesi, Kleist, Guiraud). Nous devons à ce dernier auteur une revue très complète et une analyse très pénétrante et de tous ces faits. Il s’agit parfois de gestes ou de propos ayant une signification à l’origine, mais qui se sont automatisés, ayant vidé leur « contenu idéo-affectif » (Dromard, X.Abély). Dans d’autres cas, il s’agit de gestes ou de propos symboliques plus ou moins contractés et dont le sens échappe à première vue. Le repli dans l’autisme, une pensée « déréelle » qui a perdu le contact avec la réalité ont permis d’expliquer certaines stéréotypies; des atteintes purement neurologiques peuvent donner la clef d’un autre groupe de désordres stéréotypés (idioties, démence de Pick, atteintes sous-corticales de l’encéphalite, des pseudo-bulbaires, etc.).
Revue clinique
- Dans les délires chroniques, l’apparition de stéréotypies est particulièrement intéressante; elles ont souvent à leur origine la signification des gestes de défense, de compensation, ou de symbolisation; incompréhensibles parfois à première vue, ces gestes d’apparence sybilline ou ces phrases et ces néologismes dus à des télescopages et des contractions d’expression peuvent, par une analyse attentive, livrer le thème délirant. En règle générale, à la phase d’involution du délire qui tend à s’assoupir et à s’appauvrir, la stéréotypie verbale ou motrice s’automatise et se mécanise de plus en plus.
- Dans la démence précoce, surtout dans ses aspects hébéphréno-catatoniques, les stéréotypies d’attitudes, de gestes sont fréquentes, variées et intéressantes à observer; les unes sont simples et se présentent sous forme d’habitudes complexes : façons de se tenir, de marcher, de faire certains circuits, etc. D’autres traduisent des phénomènes plus profonds de la sphère instinctive et s’expriment par des attitudes extravagantes, des blocages catatoniques, un maniérisme singulier, des mimiques figées dans des expressions invraisemblables : yeux au ciel, protrusion des lèvres ou de la langue. Ces dernières formes à type de persévération sont souvent, comme le faisait remarquer Giraud, accompagnées du trouble du tonus musculaire (spasmodicité) et de désordres neurovégétatifs. On a même décrit au niveau des articulations bloquées ou des poings fermés des manifestations rappelant les troubles psychiopatiques du type Babinski-Froment. Alors que toutes les autres séries de stéréotypies correspondent à des agénésies, des évolutions de lésions incurables, celles de la démence précoce peuvent subir des variations de la maladie et, dans les formes légères au début, on peut assister à leur agression spontanée ou thérapeutique, ce qui avait fait parler de pseudo-stéréotypie.
- Stéréotypies des déments organiques, en particulier dans la maladie de Pick, ou l’appauvrissement du fonds mental est particulièrement accusé. Dans les démences séniles ordinaires, le rabâchage, l’attachement à certaines habitudes ne doivent pas être pris comme de vraies stéréotypies.
- Certaines atteintes sous-corticales (encéphalites épidémiques, pseudo-bulbaires, parkinsonisme) provoquent des stéréotypies motrices et surtout verbales, dont la palilalie et certaines autres itérations sont des manifestations typiques : elles ont une signification nettement organique.
- Monotypies ou tics des idiots consistent en gestes ou en grossières pulsions instinctives.
- Les phénomènes de persévération, d’intoxication par le mot ou par le geste, fréquents chez les aphasies peuvent être considérés comme un aspect un peu particulier de stéréotypie, généralement associés à des symptômes de la série aphaso-apraxie. Le mot ou le geste répété a alors une valeur substitutive pour masquer l’impuissance d’évocation de ces sujets.
- Dans certaines affections méningocérébrales (paralysie générale, méningites chroniques diverses), on peut observer des mouvements automatiques répétés et inutiles tels que le grincement de dents, le mâchonnement, la déglutition ou de pauvres stéréotypies verbales.
- Certains auteurs (Guiraud) rapprochent des stéréotypies les plaintes monotones et les attitudes prolongées des mélancoliques; ces litanies délirantes qui traduisent un état affectif permanent peuvent disparaître avec la guérison, peuvent aussi se cristalliser et prendre un caractère de fixité invariable dans le sens de la négation et de l’énormité du syndrome de Cotard.
- On peut en approcher d’autres manifestations d’ordre affectif : certaines explosions verbales indéfiniment répétées, surgies à l’occasion d’un choc émotif et dont le destin est attaché à l’évolution de la psychose réactionnelle.
Ant. Porot.
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