Structure et gestaltisme

Structure et gestaltisme en psychiatrie

Dans le langage ordinaire, la structure est une configuration impliquant une disposition définie des parties. C’est la manière même dont les parties d’un tout sont arrangées entre elles. Le terme s’applique à un objet, à un groupe, à une œuvre littéraire, etc., et tout spécialement, à l’être vivant.

En philosophie et secondairement en psychologie, dans la théorie de la structure ou de la forme (Gestalt théorie), cette notion précisée devient comme l’objet naturel et immédiat de la perception (animale et humaine) ; un ensemble indécomposable appréhendé par l’individu pour ce qu’il signifie pour lui. Dans la structure ainsi comprise, la valeur de chacun des éléments de l’ensemble est déterminée exclusivement par sa fonction de participation à cet ensemble, c’est-à-dire, par son intégration.

Étendue à la psychiatrie, la notion de structure cherche à dégager et à exprimer ce qui, dans un état mental morbide, représente les éléments essentiels et fondamentaux fixés dans un assemblage cohérent; en d’autres formes : la formule consécutive ou le degré d’organisation du trouble considéré.

En effet, derrière l’écran superficiel sur lequel se projette une symptomatologie souvent trompeuse, il importe de connaître les assises sur lesquelles reposent les désordres et les réseaux qui les nouent entre eux. Seule, cette connaissance en profondeur permet de donner à un trouble psychique sa signification clinique exacte et sa portée évolutive. Ainsi, dans certains délires chroniques, la recherche de la structure psychopathique permet de dire s’il s’agit d’une simple disposition paralogique de l’esprit (structure paranoïaque) ou d’une atteinte globale du psychisme révélée par les phénomènes dissociatifs de la personnalité (structure paranoïde), la vigueur intellectuelle ne fléchissant pas dans le premier cas et s’affaiblissant, dans le second, jusqu’à la démence.

La notion de structure peut prendre appui aussi, par analogie avec le fait neurologique, sur les conceptions jacksoniennes de dissolution et de reconstruction (v. Jacksonisme); en cas de dissolution la structure primitive peut subir des remaniements, tant par disparition de certains éléments ou de certaines aptitudes (symptômes négatifs) que par la libération d’éléments nouveaux (signes positifs). Ainsi peut se créer à chaque palier de dissolution ou de reconstruction une formule nouvelle, une « structure » nouvelle.

Bien que les mots de « structure » et de « constitution » évoquent à priori le même état de chose, la psychiatrie actuelle leur donne des sens assez différents : la constitution est considérée comme un état statique, comme la somme des aptitudes innées ou acquises qui vont régler le comportement d’un sujet dans la vie; la structure évoque une conception plus dynamique, une « construction mouvante » souvent susceptible de modifications ou de remaniements.

Enfin, certains auteurs étendent la notion de structure au milieu (familial, social, cosmique) dans lequel s’intègre le malade ou dont il se désintègre. « Dans le domaine de la psychopathologie, ainsi que dans la phénoménologie générale, « structure » vise « la façon dont l’être humain malade ou « bien portant » se situe par rapport au « temps et à l’espace vécus » (Minkowski).

Gestaltisme

Le Gestaltisme est une conception biopsychologique, issue de la philosophie phénoménologique, pour laquelle l’unité psychologique est la Forme (Gestalt) ou Structure. Elle consiste essentiellement dans l’appréhension globale et non analytique des structures et des formes. La Structure est la manière même dont les parties d’un Tout sont arrangées entre elles, dans le corps animal ou l’organisme vivant par exemple (voir plus haut, Structure).

Du point de vue gestaltiste, l’objet naturel et immédiat de la perception (animale ou humaine) est un ensemble indécomposable, appréhendé par l’individu pour ce qu’il signifie (pour lui). Car le milieu physique n’est pas un monde d’événements quelconques, mais un univers de stimuli humains ou animaux, d’objets définis d’abord par leur signification animale ou humaine. En effet, dans l’appréhension intuitive du monde par l’animal, par l’enfant, par le primitif et même (avec moins d’évidence) par tout homme civilisé et cultivé, la conscience naïve saisit non des « sensations » élémentaires additionnées, puis perfectionnées secondairement par un « jugement », mais des ensembles indécomposables, globaux et ayant pour elle un sens : des formes syncrétiques. C’est ce qui permet alors de définir la Forme ou Structure en disant que la valeur de chacun de ses éléments dans l’ensemble qu’ils constituent, est déterminée exclusivement par sa fonction de participation à cet ensemble. Dans une structure, il n’y a pas de fonction en soi ou isolable (si ce n’est abstraitement); il y a, au sens le plus précis, intégration. C’est-à-dire que chaque élément, une fois intégré, n’existe plus comme total, ne signifie plus rien par lui-même en dehors de l’ensemble qui l’intègre.

Les gestaltistes remplacent par extension toutes les perceptions, externes ou internes, par des ensembles structurés, par des confirmations visuelles, sonores, motrices, même préexistant à toute détermination sensorielle spécifique : connaissance naïve du monde (autres êtres ou objets inertes faussement animés par cette connaissance), où Disciplines scientifiques de la Biologie et de la Psychologie ne sauraient concevoir qu’un univers de formes.

La Gestalt-théorie n’est pas une discipline toute faite, mais une analyse positive, dont la valeur d’application pratique a déjà été vérifiée en neurologie, pour l’étude des asymbolies notamment (J. Delay) et qui a réussi à interpréter de façon plus satisfaisante que toutes les théories physiologiques, les expériences de laboratoire concernant les réflexes conditionnés, ainsi que les expériences de psychologie animale (Koffka, Koehler, Buytendlik, etc.). Elle semble devoir apporter une contribution très intéressante au problème de la signification de la Névrose et de la Psychose (Hesnard) et à l’analyse du Comportement, conçu comme étant lui-même une structure motrice (Merleau-Ponty).

A. Hesnard.

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