Stress en psychiatrie
« État de tension aiguë de l’organisme oblige de mobiliser ses défenses pour faire face à une situation menaçante » (J. Delay). Le terme de « stress » désigne pratiquement, à la fois, une réaction non spécifique de l’organisme à une agression, quelle qu’elle soit (traumatique, psychologique, infectieuse, toxique) et l’agent d’agression. Ce terme, d’usage courant en médecine depuis les travaux de Selye, n’a pas de traduction française, sinon peut-être le vieux mot d’ « astreinte » proposé par J. Delay.
Très schématiquement le syndrome de stress ou syndrome général d’adaptation (en abrégé G.A.S.) se déroule de la façon suivante :
– « Le choc agit d’abord sur le système neurovégétatif qui transmet immédiatement ses incitations à l’hypothalamus et à l’antéhypophyse. Celle-ci réagit par l’émission d’une forte quantité de cortico-stimuline qui vient exciter la cortico-surrénale, provoquant ainsi la diffusion des hormones stéroïdes et singulièrement des 11-oxystéroïdes. Cette hyperactivité se traduit biologiquement par des effets de catabolisme protéique… et porte aussi sur les hormones de l’eau et du sel… la résistance de l’organisme est dès lors accrue » (De Gennes).
Il y a donc une première phase d’alarme (choc et contrechoc), puis une phase de résistance ; la répétition des agressions peut aboutir à une troisième phase d’épuisement de la sécrétion surrénale et des possibilités de résistance de l’organisme. La déviation ou les altérations de ce cycle sont responsables de ce qu’on appelle désormais les maladies de l’adaptation.
– Il faut souligner l’importance de l’hypothalamus et de l’hypophyse, dont la lésion ou la destruction supprime la réaction d’adaptation (Bard, Home).
– Pendant la phase de résistance les défenses de l’organisme sont accrues vis-à-vis de l’agent d’agression qui a déclenché cette réaction mais sont diminuées vis-à-vis d’autres agents pathogènes éventuellement occurents.
– Chaque phase s’accompagne dans l’organisme de modifications biologiques et de manifestations cliniques assez stéréotypées et caractéristiques, traduisant l’oscillation des mécanismes de régulation de l’équilibre biologique (homéostasie) rompu par le stress : hypo-hypertension artérielle, tachycardie, hypo puis hyperthermie, oligurie. Hémoconcentration, , hyperlymphocytose, puis leucopénie, modifications de la perméabilité capillaire, variations de la glycémie, de la réserve alcoline, du chlore et du sodium sanguins, etc.
Les publications de Selye qui comportaient dès 1950 un chapitre d’applications neuropsychiatriques, ont suscité un certain nombre de recherche dans ce domaine.
Le stress-syndrome a compété pour l’école américaine de médecine psychosomatique (v. ce mot) (Alexander, Flanders, Donbar, Weiss, English, Seguin) les données de Cannon, Bard et Ranson, concernant la psychogénèse émotionnelle de manifestations morbides telles que désordres neurovégétatifs et fonctionnels, digestifs, endocriniens, respiratoires, etc.
Les multiples étiologies, l’évolution par poussées et l’influence aggravante de la fatigue ou des émotions lors de certaines affections neurologiques (encéphalites, névraxites, sclérose en plaques) ont trouvé dans les travaux de Selye une interprétation « dégagée de la notion pastorienne de spécificité des maladies ». (Breton). Il est intéressant, d’une part, de noter que Selye a décrit des encéphalites expérimentales avec lésions vasculaires non spécifiques (périartérite, suffisions hémorragiques en foyers, type encéphalite rhumatismale ou allergique) après administration excessive de corticoïdes, en particulier de Doca; et de rappeler d’autre part, le danger d’utilisation sans précautions d’A.C.T.H. ou de cortisons au cours des infections.
Dans le domaine proprement psychiatrique des rapprochements ont été faits entre les phénomènes de choc décrits par Selye et certains troubles mentaux : confusion, délire confusionnel, (Chiaramonti), délire aigu, délirium tremens (Aubin, Marchand, Smith), neurasthénie (Aubin). La multiplicité des causes déclenchantes de ces troubles et la relative monotonie des manifestations morbides en réponse à ces agressions permet assez bien de les concevoir comme des modalités particulières, psychiatriques, du syndrome de Selye. Précisons que cette hypothèse trouve dans la similitude des désordres biologiques qui accompagnent ces troubles, un argument non négligeable pour les rapprocher du stress. L’utilisation et les résultats thérapeutiques de l’A.C.T.H. ou de la cortisone dans quelques-uns de ces cas (délire aigu, delirium, syndromes confusionnels) a pu être un autre argument (Smith, Le Guilaume et Chertok), Sivadon et coll., Loo et Breton, etc.). La psychose maniaco-dépressive a été également l’objet de travaux, parallèlement aux troubles mentaux de la corticothérapie (v. ce mot). Il y aurait épuisement de la sécrétion surrénale dans certains accès (Hemphill, Reiss). Mais les résultats thérapeutiques de l’A.C.T.H. et de la cortisone se sont révélés ici très inconstants (Cleghorn, Altchule). J. Delay a proposé une classification de tous ces troubles en syndromes d’alarme (syndromes émotionnels, délires aigus, confusions); de résistance (réactions encéphalitiques, hyperergiques, non spécifiques); d’épuisement (psychose d’épuisement somatopsychique, dont par exemple la neurasthénie de Beard).
Rappelons enfin que le stress est invoqué comme facteur étiologique de la schizophrénie dans la théorie indolique des psychoses de Hoffer selon laquelle la schizophrénie traduirait une intoxication par un dérivé pathogène de l’adrénaline anormalement produit dans l’organisme par « déviation métabolique » (V. Surrénales).
Un autre aspect des incidences psychiatriques du stress est son intérêt dans le domaine thérapeutique : le test de Thorn à l’A.C.T.H. a pu être proposé comme épreuve pronostique avant la mise en œuvre d’électrochocs (Hoagland et coll.). D’autre part, l’étude comparative des modifications biologiques de l’électrochoc, de l’encéphalographie gazeuse (pneumochoc), des chocs pharmacodynamiques, a montré d’indiscutables analogies avec les phénomènes de stress (J. Delay et coll.). «Mécanismes biologiques et psychologiques des actions de choc correspondraient à un même substratum » (J. Delay). Mais si J. Delay voit dans l’alarme de l’organisme l’élément thérapeutique essential, d’autres auteurs tels Sackler et coll. attribuent l’efficacité du traitement au contraire à l’épuisement de la surrénale par la répétition des chocs thérapeutiques. Il ne saurait être question de toutes façons d’explication univoque de cette action.
Comme le fait remarquer J. Delay, la réaction hypophysosurrénale « n’est qu’un chaînon, si important soit-il, d’une chaîne de réactions infiniment plus complexe ». Il est probable que la portée de cette critique du syndrome de Selye dépasse le cadre strict de ses applications en thérapeutique psychiatrique et que sa valeur s’étend à d’autres explications pathogéniques d’un point de vue assez général.
L. Mondzain.
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