Séquestration

Séquestration en psychiatrie

Il y a séquestration chaque fois que l’on prive quelqu’un physiquement de sa liberté.

La séquestration peut être légale soit par raison pénale (détention, réclusion), soit par raison médico-sociale (internement).

La séquestration illégale ou arbitraire est un délit ou un crime selon les circonstances ; la peine encourue par l’auteur varie de l’emprisonnement aux travaux forcés et même à la mort.

Dans la pratique, le terme de séquestration ne s’emploie plus guère pour la collocation régulière des aliénés, il comporte presque toujours le sens péjoratif de l’action illégale. Plus particulièrement, il s’entend de l’admission et du maintien abusifs d’une personne dans tout établissement pour maladies mentaux : c’est l’internement dit arbitraire.

L’internement arbitraire, hantise du pouvoir administratif, est une éventualité plus théorique que réelle, souvenir, souvenir plus ou moins romancé de la Bastille et des lettres de cachet. On ne connaît guère en fait de cas authentique de séquestration d’individu sain d’esprit sous un prétexte médical.

La loi a d’ailleurs multiplié les précautions contre l’internement arbitraire dans les établissements publics ou privés consacrés aux aliénés; elle accumule les garanties données à la liberté individuelle dans ce secteur.

En France, le placement volontaire engage la responsabilité de 5 personnes différentes et non apparentées. En outre, le préfet et le procureur peuvent toujours ordonner une enquête.

Le placement d’office nécessite encore l’intervention de 5 personnes, dont 4 fonctionnaires appartenant à des administrations différentes.

Dans l’un et l’autre cas, pendant le séjour de l’interné, est organisée une triple surveillance médicale, administrative et judiciaire. Le recours à l’autorité de la justice est codifié à tout moment.

La sortie ne peut être différée après guérison et peut même être obtenue avant. Des peines sévères menacent les chefs d’établissement et les médecins qui enfreindraient ce dispositif de protection.

Néanmoins, les procès intentés à des médecins ou à d’autres personnes (celles qui ont fait réaliser le placement, directeurs d’établissements de soins) pour internement arbitraire ne sont pas rares.

La difficulté majeure n’est généralement pas, pour les défendeurs, d’établir la réalité de l’aliénation mentale quand celle-ci est contestée par le demandeur ; es observations prises à la Maison de Santé ou à l’hôpital, les certificats préalables des médecins, des témoignages de notoriété, permettent ordinairement d’éclairer le Tribunal sans ambiguïté. Encore faut-il se méfier de la possibilité pour certains plaideurs processifs (paranoïaques en général), certains délirants partiels, de réunir des attestations de personnes incompétentes (souvent sous forme de pétitions) qui se portent garantes du bon équilibre mental du plaignant et s’enflamment pour « la cause de l’opprimé ».

L’expertise mentale demandée d’ailleurs par le Tribunal dans la plupart des cas, offre une certaine garantie contre de telles attaques.

Mais il ne suffit pas que l’aliénation mentale soit dûment établie pour échapper à une condamnation.

Le délit de séquestration peut être juridiquement retenu chaque fois que les formalités exigées par la loi n’ont pas été observées. S’expose par exemple aux poursuites, le médecin qui aurait délivré un certificat d’internement sans avoir réellement examiné le malade, c’est-à-dire pris un contact direct, physique avec lui : le fait d’avoir été simplement témoin de ses excentricités ou de ses violence à travers une porte ne constitue pas un examen : de même, le praticien libellant un certificat à propos d’un examen effectué plus de quinze jours auparavant, et encore celui qui’ transportant à l’hôpital ou à la Maison de Santé un client sans en avoir reçu la demande expresse et écrite de la personne sollicitant le placement.

Court surtout le risque d’être inquiété, le directeur d’un établissement pour malades mentaux qui recevrait un aliéné sans exiger les différentes pièces du dossier. Et de même la personne (amie ou parente) qui fait admettre le malade.

Il y aurait alors internement « en marge de la loi ».

On doit noter ici que l’existence et le développement heureux des services dits ouverts donne en fait constamment matière à internements en marge de la loi. La séquestration est, en effet, définie par la privation de la liberté que le malade soit, lors de son admission, protestataire ou non.

Une formule assurant à la fois médicalement la précocité et la discrétion des soins dans l’intérêt du malade, et en droit, la sécurité des médecins, tout en sauvegardant légitimement la liberté individuelle, reste à trouver.

Ne peut-on soutenir que même la mesure de mise en observation, couramment adoptée par l’administration, est illégale? Illégale et, par conséquent, arbitraire est encore l’internement que l’on est contraint trop souvent de réaliser en exagérant la notion du danger ou de son imminence pour obtenir une admission immédiate d’un malade non dangereux, mais dont le placement ne pourrait être effectué à titre gratuit en l’absence des règlements prévus ou à cause de l’excessive lenteur des formalités exigées.

Illégal encore le maintien prolongé dans les quartiers d’hospice et les services dits de passage ; illégal, l’internement d’office dont le préfet n’aurait pas dûment motivé l’arrêté.

Il n’est pas jusqu’au maintien par contrainte à son propre domicile que ne fonderait le malade à exercer ses possibilités de représailles judiciaires. C’est cependant une pratique courante dans certaines régions (indigènes en Afrique du Nord).

On ne saurait donc se montrer trop prudent dans le strict respect des dispositions de la loi de 1838. Mais on voit en même temps à quelles revendications est exposé le médecin chaque fois qu’il est de son devoir de proposer une mesure d’isolement et surtout qu’il participe à son exécution.

Séquestration volontaire : En 1921, Courbon a décrit sur ce nom, impropre à notre avis, le comportement particulier de certains sujets qui, internés à un moment donné, vivent paisiblement à l’asile, mais ne peuvent plus vivre au dehors et s’adapter à la vie libre; ils reviennent d’eux-mêmes à leur condition d’interné, capables de rendre du reste de multiples services à l’hôpital. Ces cas ne sont pas très rares; il s’agit le plus souvent de psychasthéniques ou de petits schizoïdes. Ce sont les internés volontaires de Pachet et Colin ; « La liberté est la condition même de l’effondrement de leur équilibre psychique ».

Séquestration à domicile : Dans certaines familles, on se refuse parfois à réaliser le placement dans un établissement spécial conseillé par le médecin et qui peut s’avérer nécessaire, soit par des incartades dangereuses, soit par un manque volontaire des soins indispensables (hygiène, propreté, etc.). Il s’agit le plus souvent de gros débiles, d’infirmes ou de vieillards. Cette situation est souvent dénoncée par les voisins qu’elle scandalise. Le médecin n’ayant pas le droit de se faire dénonciateur devra se montrer prudent et réservé en pareil cas et faire agir un service social en vue des démarches nécessaires.

Ch. Bardenat.

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