Schéma corporel

Schéma corporel en psychiatrie

Image que nous nous faisons de notre propre corps, image totale ou segmentaire, à l’état statique ou à l’état dynamique, dans le rapport de ses parties constitutives entre elles et surtout dans ses rapports avec l’espace et les objets qui nous environnent.

Schilder a défini le schéma corporel comme un double processus psychophysiologique qui, à partir de données sensorielles, nous donne à tout instant la conscience subliminale de la connaissance et de l’orientation de notre corps dans l’espace.

La première impression que l’enfant prend de son corps semble être purement visuelle, – « stade du miroir de Lacan ». Mais une représentation purement visuelle de notre corps ne serait qu’une sorte d’image passe partout sans individualisation bien marquée (André Thomas). C’est pourquoi, par la suite, notre connaissance est entretenue et enrichie par la synthèse d’afférences proprioceptives incessantes visuelles, tactiles, kinesthésiques et vestibulaires. Plusieurs auteurs ont mis l’accent sur le rôle prédominant des afférences myoarthrocinétiques et labyrinthiques (P. Bonnier, Schilder, A. Thomas).

Il semble bien établi que l’intégration de toutes ces afférences se fasse au niveau de la région pariétale inférieure après relai dans la région diencéphalique et obéisse aux lois qui règlent et organisent toutes les gnosies ; certaines destructions pathologiques en sont le témoignage. En outre, cette gnosie spéciale de notre corps contracte des rapports importants et fréquents avec les autres gnosies visuelles et les praxies, d’où la constitution de syndrome complexes comportant parmi leurs éléments les perturbations du schéma corporel.

Mais il faut souligner d’emblée que, selon que la lésion pariétale porte sur l’hémisphère droit ou gauche, les troubles de la somatognosie ne revêtent pas le même aspect clinique. Chez le droitier, dans les lésions droites, les troubles seront dimidiés, portant sur la connaissance de l’hémisphère controlatéral, tandis que dans les lésions gauches, le trouble affecte la connaissance de segments limités du corps, mais de façon bilatérale.

Il y a peu d’exceptions à cette règle générale, et il semble bien que la majorité de ces exceptions soient en rapport avec une ambidextrie (Nielsen).

Pathologie du schéma corporel. –

1) L’anosognosie et l’autopoagnosie. – Hacaen range sous le nom d’anosognosie toutes les pertes de connaissance d’un côté paralysé, depuis la simple indifférence de l’hémiplégique pour son côté infirme (anosodiaphérie) jusqu’à la perte de conscience du corps limitée à une moitié ou à un membre.

Ce même auteur avec Ajuriaguerra a très justement souligné l’association fréquente aux troubles de la somatognosie, aux diverses altérations du Moi physique, de troubles de la notion du temps, qu’il s’agisse du temps vécu, de la durée ou du temps spatialisé. L’unit. Des troubles de la somatognosie, en apparence si divers, se manifeste lorsqu’un les considère comme des désintégrations de niveaux différents, à ses stades évolutifs du développement de la prise de conscience du corps.

Guiraud insiste sur le fait que la notion de schéma corporel n’est pas le sentiment du Moi, de ce qu’il appelle « l’éprouvé vital », mais une prise de connaissance qui vient s’y ajouter et peut en être dissocié en clinique délirante (négation corporelle d’organes).

a) De ce groupe émarge surtout le syndrome neuropsychiatrique d’Anton-Babinski ou hémianosognosie, qui s’observe dans certaines hémiplégies gauches (v. Anosognosie). Mais en dehors du déficit neurologique, il y a incontestablement chez ses sujets un état mental particulier que certains auteurs (Redlich, Bonvicini) ont assimilé au syndrome de Korsakoff : gros troubles de l’attention, indifférence générale, parfois euphorie et construction délirante.

b) On désigne sous le nom d’autotopoagnosie ou syndrome de Pick, une désorientation de l’image du corps associée souvent à la perte de l’orientation droite-gauche. La lésion siégeait, dans les cas observés, soit dans la zone pariétale inférieure, soit au niveau du seul gyrus angularis. Il peut s’y associer de l’hémianopsie homonyme (H. Roger).

2) Le membre fantôme – illusion des amputés.- Certains amputés croient percevoir encore la présence et les mouvements de leur membre absent et, parfois, y éprouvent de vives douleurs (formes simples, formes algiques). Borstein, qui a vécu dans un camp de déportés amputés, nous en a donné une bonne étude clinique. Le phénomène s’observe dans 8 à 12 % des cas d’amputation ; ce sont surtout les dessins, même naïfs, des sujets, qui expriment le mieux les représentations qu’ils éprouvent. Les segments distaux sont le plus souvent perçus avec une interruption correspondant au tronçon du membre traumatisé.

L’amputé a l’image d’un membre tantôt flasque et pendant, tantôt contracturé et parfois soumis à des mouvements syncinétiques du membre sain.

On avait d’abord pensé qu’il s’agissait d’un phénomène d’irritation périphérique : causalgie (Weir-Mitchell), névrome (Leriche) ; on en fait aujourd’hui un phénomène d’origine centrale, puisqu’il peut préexister à toute formation de névrome, disparaître après un ictus et reparaître après guérison de l’hémiplégie. Des expériences de Lhermitte et Susic sur la sensation de chaleur produite par l’injection de gluconate de calcium dans la veine d’un amputé ont confirmé ce point de vue.

Signalons aussi qu’on a constaté le membre fantôme sur des membres paralysés et anesthésiés par atteinte radiculaire ou médullaire, même par rachianesthésie.

Dans l’épilepsie, on a décrit des images fantômes ou des perceptions de distorsion corporelle à l’occasion de paroxysmes comitiaux (Ferré, Van Bogaert, Marchand, J.-M. Sutter).

Dans les formes algiques, Bornstein dit avoir supprimé les membres fantômes douloureux, même anciens, dans 3 cas, par quelques électrochocs. Toute la série des interventions sur le sympthatique, la cordotomie elle-même, ont échoué : l’avenir est peut-être aux topectomies et aux thalamocoagulations.

3) Les idées de négation corporelle. – Sous le nom d’asomotognosie totale, on peut ranger quelques observations anciennes longuement étudiées (Foerster, Deny et Camus), dans lesquelles existait une disparition totale de l’image corporelle, une véritable déréalisation. Une telle manifestation sans substratum organique doit être rangée dans les idées délirantes de négation. Les idées de négation corporelle que l’on rencontre dans certaines affections mentales sont des perturbations manifestes du schéma corporel :

Idées de négation d’organes, d’insensibilité des mélancoliques anxieux, syndrome de Cotard, etc.

4) Troubles du schéma corporel dans les névroses, psychonévroses et la schizophrénie. –

a) On trouve dans la neurasthénie, dans la psychasthénie, des impressions fréquentes de modifications corporelles et même de dépersonnalisation, souvent tenaces et irréductibles. On sait, du reste, qu’elles sont souvent associées à des états vertigineux subjectifs, – ce qui souligne les relations entre schéma corporel et fonction vestibulaire.

b) Le mécanisme de conversion qui est à la base d’hystérie et qui traduit des substituts de conflit affectif, explique la possibilité des troubles du schéma corporel ou de la représentation statique si souvent rencontrés dans cette névrose. P. Janet, sous le nom d’allochirie, a étudié une de ces belles manifestations.

c) Un degré de plus et nous entrons dans la schizophrénie, véritable psychose dissociative où les états de dépersonnalisation sont fréquents, où les malades accusent des états de destruction, de dissociation corporelle, parfois des membres fantômes.

5) Héautoscopie ou « image du double ».

Ant. Porot.

Autotopoagnosie

Désorientation de l’image du corps associée souvent à la perte de l’orientation droite-gauche (syndrome de PICK) et à de l’hémianopsie (H. ROGER).

Asomatognosie

Ignorance ou perte de conscience de tout ou partie du corps, ainsi que de ses composantes spatiales. Quand il s’agit d’une moitié du corps, on dit qu’il y a hémiaso-matognosie.

schema corporel
Schéma corporel, c’est l’image que nous avons de notre propre corps… Image : © Megan Jorgensen.

Allochirie, Alloesthésie

Perturbation de la somatognosie (ou connaissance que nous prenons de notre corps) consistant en ce fait que les sensations éprouvées du côté malade sont reportées sur le côté sain, plus ou moins symétriques.

Parfois le sujet, utilisant son côté malade, a l’impression qu’il se sert d’un côté sain.

Phénomène à intégrer dans les troubles du « schéma corporel ».

Subjectif

On donne le nom de « subjectives » à celles des perceptions, impressions ou sensations ressenties par le sujet et invérifiable par un contrôle extérieur.

Les troubles ou malaises subjectifs sont très fréquents en neuropsychiatrie. Citons parmi les plus courants : l’hallucination, les troubles cénestopathiques et la douleur, les troubles dits « subjectifs » de la sensibilité (paresthésies, dysesthésies). Les troubles subjectifs peuvent constituer à eux seuls toute la symptomathologie; en ce cas, leur appréciation est souvent délicate, car chaque sujet présente à cet égard un coefficient personnel très variable. Il ne faut cependant pas conclure toujours à leur irréalité et à l’autosuggestion. Ils peuvent aussi s’intégrer dans un complexus symptomatique objectif et organique.

On a décrit chez les anciens traumatisés crâniens un syndrome subjectif (vertiges, céphalées, éblouissements) dont l’estimation médico-légale est parfois délicate.

Voir aussi :

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