Responsabilité

Responsabilité en psychiatrie

L’acte répréhensible et non une tentation initiale ; l’impulsion nocive, véritable paradoxe psychique, est contraire à la personnalité du sujet et ne se réalise en quelques sorte que par accident.

Enfin, le psychasthénique a généralement recours aux soins médicaux, à la différence du pervers instinctif.

La notion claire du caractère délictueux de l’acte est ce qui manque plus ou moins au débile. L’échelle des valeurs morales selon laquelle l’homme normal évalue ses actions est faussée. Tel débile en commettant un viol est conscient de faire une faute, mais non de devenir un criminel, puisqu’il n’a pas ôté la vie à sa victime.

C’est cette méconnaissance des interdictions qui fait du débile le délinquant le plus courant au regard des lois et règlements militaires et des prescriptions administratives.

Ainsi, en même temps que les frontières de l’état de « démence » vont en se dégradant de façon insensible, la « responsabilité » peut être logiquement l’objet d’estimations nuancées.

Dès lors, entre l’irresponsabilité et la responsabilité pleine et entière des sujets ne présentant pas de signes d’altération mentale notable, la jurisprudence est venue accorder le bénéfice des « circonstances atténuantes » aux inculpés dont l’état mental pathologique est reconnu avoir quelque peu influencé le déterminisme de leur acte.

Logique théoriquement, cette disposition légale a fait l’objet de vives critiques. Maxwell la qualifie de « monstre » à la lumière de l’expérience. Elle consacrerait, pour certains auteurs, une double absurdité et une double faute : d’une part, en condamnant un anormal à une peine infamante, mais en ajustant, d’autre part, le degré de cette peine à l’inverse de la capacité d’inhibition du sujet. « De cette façon, on fait tout à la fois de la mauvaise protection sociale et de la mauvaise justice » (Gilbert Ballet). Nous examinerons plus loin comment il est possible, dans bien des cas, d’échapper à ce dilemme.

Lorsqu’il se trouve conduit à signaler au Tribunal une atténuation de la responsabilité de l’inculpé, l’expert n’est pas tenu, pour autant, de traduire celle-ci par un « pourcentage » comme pour l’évaluation d’une invalidité. Il doit se borner à déclarer qu’elle est largement ou légèrement diminuée et laisser au Tribunal le soin d’apprécier l’incidence de cet élément médical dans l’ensemble des pièces du procès.

In ne suffit pas de constater l’existence d’une anomalie mentale chez le délinquant (tare constitutionnelle, psychose périodique, état névrotique habituel, etc.) pour que sa responsabilité soit absente au dilemme dans une affaire quelconque. Il faut encore examiner s’il existe un rapport direct entre le trouble mental et l’acte commis.

Le vol banal et utilitaire réalisé par un épileptique en dehors d’un paroxysme ne saurait davantage être excusé par la maladie que les crimes des empoisonneurs hystériques quand ils ont pour objet la captation d’un héritage.

Il est d’autres cas enfin où l’état pathologique, quoique déterminant le fait délictueux, ne peut constituer une excuse, en ce sens qu’il a pu être lui-même provoqué à volonté. Ainsi en va-t-il pour l’ivresse alcoolique, en elle-même punissable dans certaines conditions de certitude et de publicité. Il est d’ailleurs fréquent que pendant l’accès l’inhibition du contrôle ne soit pas absolue.

Dans les délits commis par les toxicomanes sous l’empire de l’état de besoin (grivèlerie, abus de confiance), il est difficile d’admettre une atténuation de la responsabilité en invoquant cet état de besoin né des seules habitudes artificielles du sujet.

Ajoutons qu’un facteur dont l’expert doit tenir compte avant de formuler une conclusion d’atténuation de responsabilité est la témébilité du prévenu. Si celui-ci est susceptible de tirer un bénéfice mental d’une pénalisation, se celle-ci peut apprendre au débile la gravité de telle violence, au petit pervers l’inconvénient de telle conduite, la peine est un véritable moyen prophylactique dont l’expert, en tant que médecin et hygiéniste, ne doit pas négliger l’intérêt. Si la tare est par contre inamendable, il doit se garder d’une appréciation qui ne peut que constituer une prime à la répétition de la délinquance.

’estimation de l’expert se réfère alors au critère des possibilités thérapeutiques. Le sujet peut-il bénéficier de mesures de traitement effectives, sa place est dans un établissement de soins : il convient de le déclarer aliéné, donc irresponsable. Si aucun traitement médical n’est jugé capable de l’améliorer, il est préférable de laisser les tribunaux lui appliquer les mesures pénales instituées pour préserver la société des sujets malfaisants.

C’est, en l’état actuel de nos mœurs, dans ce sens qu’il convient d’apprécier la responsabilité de la plupart des criminels d’habitude. Il n’en fut pas toujours ainsi : Lombroso et l’École italienne avaient voulu montrer que les criminels étaient souvent des dégénérés selon les critères de Magnon et qu’ils présentent généralement des tares physiques caractéristiques et une « constitution » psychique particulière (absence de pitié et de respect d’autrui, impulsivité maligne, inadaptation sociale). Ces « criminels-nés » devaient donc être tenus pour irresponsables.

L’École criminologiste française (Lacassagne, Tarde) reconnaît surtout en eux le fruit d’une « maladie sociale », mûrie sur un terrain préparé. Une société, a-t-on pu dire, a les criminels qu’elle mérite. Et ce serait trahir l’esprit des législateurs que de soustraire, au nom d’une science mal assurée et en outre désarmée, ces sujets aux mesures pénales qui les visent spécialement.

Ainsi se présentent en pratique les éléments des solutions aux problèmes soulevés par la responsabilité pénale dont la base juridique est la répression des crimes et délits.

En ce qui concerne les mineurs, la notion de responsabilité (remplacée naguère par celle de discernement) n’a plus à être discutée depuis la loi du 24 mai 1951 (en France). L’expert doit seulement indiquer en conséquence de ses constatations psychiatriques ou médico-psychologiques, les solutions qu’il estime appropriées à la protection, l’éducation ou la réforme du sujet.

II. Responsabilité civile. – Un autre aspect de la responsabilité doit être envisagé avec la responsabilité civile dont le principe légal est l’obligation de réparer les dommages causés à autrui, selon les prescriptions des articles 1382, 1283 et 1384 du Code civil français.

La responsabilité civile ne se confond pas systématiquement avec la responsabilité pénale.

Il n’existe pas, en effet, de disposition formelle qui fasse disparaître l’obligation de la réparation pour cause de « démence ». Il a même été jugé expressément que l’auteur d’un dommage, quoique dément, en demeurait responsable civilement (Montpellier, 1886 ; Perpigan, 1907).

Cependant on admet, dans le cas d’un aliéné reconnu « privé de volonté » par une décision officielle (interdiction, internément) et qui se trouve confié à la garde d’une personne ou d’un établissement, que ce sont ses gardiens qui sont tenus à la réparation due pour un dommage commis par lui. Tel serait le cas d’un interné pendant une sortie sollicitée par sa famille.

Un pareil point de vue devait naturellement amener les juges à considérer la démence comme une excuse. En se fondant sur l’argument qu’il ne peut y avoir dommage à réparer sans faute commise, donc sans délit, on se retrouve dans les conditions de l’article du Code pénal : il n’y a ni crime, ni délit… du fait de l’aliénation mentale de l’auteur. La démence exclut la faute par disparition de la libre détermination. Elle interdit donc de rechercher la responsabilité même civile de l’aliéné (Montpellier, 1904 ; Lyon, 1926).

Mais il suffirait que l’auteur du dommage ait connu les conséquences matérielles constitutives du dommage pour être civilement responsable, même s’il ignorait la portée morale de son acte.

On voit par ces quelques considérations qu’il ne règne pas en ce domaine une doctrine aussi ferme qu’en matière de responsabilité pénale. Il est d’ailleurs exceptionnel que le juge ordonne une expertise psychiatrique dans une simple action en dommages intérêts.

D’un point de vue tout à fait différent, l’expert est commis fréquemment, non plus pour apprécier l’état mental de l’auteur d’un délit ou d’un dommage, mais pour déterminer le préjudice psychique subi par une victime, que celle-ci ait été l’objet d’agression volontaire ou de certains accidents qui engagent, dans des conditions fixées par les lois, la responsabilité civile d’une personne physique ou morale (accidents du travail, de transporte publics, service militaire, etc.).

Ch. Bardenat.

Validité mentale

Expression courante usitée seulement dans un sens restreint par référence aux conditions mentales susceptibles d’entraîner l’incapacité civile. Elle n’a pas plus de définition juridique d’ailleurs que de signification clinique précise au regard des notions de détérioration mentale, de psychoses et de névroses.

Un certificat dit de « validité mentale » est un document par lequel on atteste (et on ne doit jamais le délivrer qu’avec une extrême prudence) que la validité légale des actes d’une personne n’est pas altérée par son état mental.

Aliénation mentale

Terme général pour lequel on désigne toute altération mentale mettant le sujet dans l’impossibilité de mener une vie normale et de participer à la vie collective en société. C’est du moins ce point de vue social qu’indique l’étymologie du mot alienus : étranger. Le sujet est un étranger dans son milieu; il est un « aliéné ».

Par extension, l’usage a donné à ce terme d’aliénation, sur le plan médical, une signification plus large. Il a servi longtemps à désigner l’ensemble des maladies de l’esprit, quelles qu’en soient les conséquences. Les médecins, qui se consacraient à l’étude et au traitement des malades de ce domaine de la pathologie, étaient dits « médecins aliénistes ». Cette rubrique était la seule usitée au XIXe siècle. Progressivement s’est substituée la dénomination de Psychiatrie pour le secteur des maladies mentales et celle de Psychiatre tend à remplacer celle d’aliéniste.

Mais les mots « aliénation mentale » et « aliéné » n’ont pas disparu; ils ont gardé un sens plus restrictif et plus particulier ; ils sont restés termes légaux sur le terrain administratif et judiciaire et s’emploient dans les cas où des mesures d’internement, de protection ou d’assistance spéciale s’imposent.

Ant. Porot.

Certificats

Tout médecin, en principe, peut être sollicité de donner son avis sur l’état mental d’une personne et de formuler dans un certificat son opinion sur les conséquences de cet état. L’acte médico-légal qu’on lui demande ainsi d’accomplir est susceptible d’entraîner des répercussions qu’il ne soupçonne pas toujours. Aussi, sauf le cas d’urgence (par exemple réquisition en vue de l’internement d’un aliéné évident et dangereux), et s’il ne possède pas de connaissances psychiatriques suffisantes, doit-il avoir la prudence de s’assurer la collaboration d’un spécialiste.

Sans entrer ici dans les détails, nous rappellerons que l’établissement et la délivrance d’un certificat sont subordonnés à des règles légales qui ne sont pas particulières à la psychiatrie (précisions sur l’identité de la personne examinée, réalité objective de l’examen, caractère personnel des constatations, etc.). Toutefois, et par dérogation expresse, certains certificats peuvent être remis à des tiers dans des cas bien déterminés (internement, procédure d’interdiction, formalités que le médecin d’un établissement psychiatrique est réglementairement tenu d’accomplir aux termes de la loi.

Les certificats doivent être rédigés dans une forme adaptée au but qu’ils se proposent ; c’est ainsi qu’ils sacrifieront souvent la concision d’un diagnostic nosologique précis dont l’intérêt légal n’est pas toujours évident à une énumération descriptive des symptômes observés et de leurs conséquences directs quant aux décisions à intervenir (fixation d’un dommage mental, limitation de capacité civile, etc.).

Lorsqu’ils sont destinés à être produites en justice, on veillera à en rendre la lecture claire et accessible en limitant l’usage des termes du langage psychiatrique à l’indispensable et en expliquant au besoin le sens de ceux qu’il aura fallu employer. Le médecin non spécialiste doit avoir soin de ne pas se servir de vocables dont il n’ait la certitude qu’ils sont bien appropriés à ses constatations.

Tout certificat comportera une conclusion qui doit se déduire sans ambiguïté des données de l’examen et de la situation.

Les principaux pièges auxquels est exposé le praticien sollicité de délivrer un certificat médical sont, en matière psychiatrique, le risque de venir appuyer une cause litigieuse ou de se porter garant de la validité mentale d’un sujet dissimulant des troubles psychiques ou même présentant des anomalies flagrantes. On ne s’engagera donc jamais à la légère. On s’informera des motifs présentés à l’appui de la demande, on en vérifiera s’il se peut le bien-fondé. Une connaissance élémentaire du Droit suffira parfois à éluder une sollicitation abusive ou délirante. On se souviendra surtout que le médecin n’est tenu de délivrer de certificat que dans des cas très limités (sur réquisition de l’autorité, pour l’application de certaines lois sociales) et, dans les cas les plus embarrassantes, le certificat pourra seulement suggérer le recours à une expertise.

Ch. Bardenat.

Voir aussi :

L’art et les travaux rituels me conviennent. Ce qui n’est pas nommé n’a aucune existence. Toute société doit évoluer, dans un sens ou dans l’autre. (Roland C.Wagner. Ce qui n’est pas nommé). Photo de Megan Jorgensen.
L’art et les travaux rituels me conviennent. Ce qui n’est pas nommé n’a aucune existence. Toute société doit évoluer, dans un sens ou dans l’autre. (Roland C.Wagner. Ce qui n’est pas nommé). Photo de Megan Jorgensen.

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