Pyromane : un incendiaire malade

Pyromane : Un incendiaire est un solitaire qui cherche à se faire arrêter

Recherches menées par l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel

Le pyromane : Depuis 1958, Émile X a été accusé une cinquantaine de fois d’avoir allumé des incendies. Il a souvent purgé de courtes peines de prison, et il est aujourd’hui en liberté. Il vit quelque part dans un quartier populaire de la Métropole. Au cours d’un des séjours qu’il a faits à l’Institut Pinel, où les psychiatres tentaient de le débarrasser de sa dangereuse manie, il a rencontré Gilles Y. un autre incendiaire et Lucien Z. un curieux personnage qui entend « purifier » par le feu une société qu’il condamne.

Sur le mur des bureaux de l’escouade des incendies criminels de la police de la CUM, au 4545, de la rue Hochelaga, les photos de ces trois hommes figurent parmi une cinquantaine d’autres. C’est ce que les policiers appellent « l’album de famille » de leur section. Treize enquêteurs et un officier de liaison sous les ordres du lieutenant Saint-Laurent, sont chargés de s’occuper de cette étrange clientèle.

« Seulement 30 à 40 p.cent des individus qui nous intéressent sont de vrais criminels, dit le lieutenant Saint-Laurent. Les autres sont des cas pitoyables, des malades qui, très souvent, allument des incendies pour se faire arrêter.

Des malades

Émile X, Gilles Y et Lucien Z appartiennent à cette dernière catégorie. À quelques détails près, ils présentent les mêmes caractéristiques et opèrent sensiblement de la même manière. L’incendiaire ou le pyromane est un homme qui vit seul. Il ne travaille pas et habite dans une maison de chambres d’un quartier populaire : Verdun, Saint-Henri, Saint-Louis, etc.

Comme l’incendiaire s’éloigne rarement de chez lui, c’est dans ces secteurs qu’éclatent le plus grand nombre d’incendies criminels. Très souvent, il avoue ses méfaits sans difficultés et il n’est pas rare qu’il soit arrêté sur les lieux même du feu qu’il a allumé. Les policiers ont souvent la surprise d’apprendre que plusieurs incendies criminels dont les auteurs étaient encore inconnus sont leur œuvre.

« Un incendiaire est un homme qui s’ennuie, explique le lieutenant Saint-Laurent. Il aime l’activité que déclenche un feu, le travail des pompiers, les lumières. »

Pas de préméditation

Son geste n’est pas préparé, ni planifié. C’est le résultat de circonstances et d’occasions. Une chaude journée d’été, un dimanche trop calme, peuvent déclencher une série de feux dans les ruelles, les hangars et les maisons abandonnées.

Le manque de logique qui marque le comportement des incendiaires et des pyromanes ne facilite pas la tâche des policiers. Comment imaginer les motivations de Lucien Z ? Quand il finit par se faire prendre, les policiers visitent sa chambre et la trouvent tapissée d’images pieuses, parmi lesquelles la Sainte-Vierge est très à l’honneur. Lucien Z condamne la société dans laquelle il vit, et il a décidé de la purifier par le feu. En dehors de cette manie, c’est un homme qui semble intelligent, et qui a une certaine influence sur son entourage.

« Nous ne sommes pas là pour nous apitoyer sur ces pauvres diables, dit le lieutenant Saint-Laurent, mais nous n’échappons pas à la tendance générale. Tout le monde a pitié d’eau, et souvent les gens qui les connaissent et savent ce qu’ils ont fait ne les dénoncent pas ».

À Pinel

À l’Institut Pinel, sur 300 patients, huit seulement sont des allumeurs d’incendies. Le docteur Thibault estime que seulement deux ou trois de ces derniers sont de véritables pyromanes,. Les autres sont à classer dans la catégorie des incendiaires.

« Les détenus nous arrivent de la prison de Bordeaux. On les a condamnés à des sentences de moins de deux ans, explique le docteur Thibault. Ce sont généralement des jeunes, qui sont passés par la Cour du bien-être et de la famille. »

Le docteur Thibault note qu’il y a plus de patients venant de la campagne que de la ville et que les pyromanes et les incendiaires, ont certaines caractéristiques communes. Ce sont des solitaires, leurs personnalité est « débile », et on ne trouve pas de leaders parmi eux.

La distinction établie par les psychiatres entre pyromanes et incendiaires correspond aux chances de guérison de chacune des catégories. L’incendiaire est frustré. Sa personnalité est « débile » primitive. Il agit par vengeance, par frustration. Très souvent, il a besoin de boire avant de passer à l’action. Les experts ont établi que 75 à 80 pour cent des incendiaires agissaient en état d’ébriété. « On peut traiter de telles personnalités, dépendantes, influençables, avec d’assez bons résultats, dit le docteur Thibault. Alors que dans le cas des pyromanes, le pronostic est très réservé. »

Le pyromane n’est pas prêt à se laisser soigner par les psychiatres parce que sa maladie n’est pas autre chose qu’une perversion sexuelle. Les flammes, les pompiers au travail, les camions rouges et les lumières lui apportent une satisfaction sexuelle qu’il ne trouve pas autrement. Ce phénomène existe sans doute, à un moindre degré, chez des individus normaux qui aiment aller regarder un incendie.

Approche difficile

Pour les psychiatres, l’approche du pyromane est très difficile. En effet, le malade se voit imposer une thérapie par une condamnation. Le but de l’opération est de le priver de ce qu’il considère comme un plaisir. « Le traitement va à contre courant dans tous les domaines, dit le docteur Thibault. Bref, les chances de réussite sont minces. »

Seul léger espoir d’arracher le pyromane à sa perversion sexuelle, le « behaviourisme », méthode basée sur la psychologie du comportement, donne parois des résultats, mais à cour terme seulement. Le malade est guéri pour six mois, un an maximum.

Les peine de prison dans le cas des incendiaires et des pyromanes sont en général courtes. La Justice envoie le malade de la prison de Bordeaux à l’Institut Pinel. Là-bas il subit donc un traitement. Pourtant les médecins perdent sa trace aussitôt que sa peine arrive à échéance. Il retourne à sa vie antérieure et, à plus ou moins brève échéance, il risque de récidiver.

« Mais, dit le lieutenant Saint-Laurent, même si nous les connaissons bien et nous savons où ils se trouvent, il ne nous est pas possible de les surveiller de près. Ce serai d’ailleurs peut-être plus mauvais pour leur comportement de malades. »

Par Jean-Paul Soulié, texte paru le 26 juin 1978.

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Brouillard. Photo de GrandQuebec.com.
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