Québec psychologique

Psychopathologie

Psychopathologie

Psychopathologie

On doit entendre sous ce terme, selon E. Minkowski, « davantage une psychologie du pathologique qu’une pathologie du psychologique ».

Actuellement, la psychopathologie tend à s’ériger en science autonome, ayant pour objet le fait psychiatrique dont l’originalité est ainsi affirmée du même coup. Empruntant son objet à la psychiatrie, et son esprit à la psychologie, la discipline psychopathologique se situe finalement entre les deux : entre la psychiatrie et la psychologie, c’est-à-dire en marge de la médecine (à laquelle appartient la psychiatrie) comme en dehors de la philosophie (à laquelle se rattache la psychologie).

Cette orientation particulière a heureusement été précisée dans un ouvrage (Psychopathologie générale, P.U.F., 1959), par G. Deshaies, dans les termes suivants : « Dans la mesure où elle aspire à une connaissance scientifique, la psychopathologie ne se définit pas par des dogmes consacrés mais par les visées d’une certaine recherche sur l’homme malade. La psychiatrie fait figure de science appliquée dont « il appartient à la psychopathologie d’élaborer les matériaux (…) en théorie de la connaissance de ces phénomènes spéciaux ».

Le postulat de base est, en effet, l’individualité du fait mental pathologique, « manière d’être et précisément de mal être, dont la spécificité est appréciée par un jugement de valeur. Celui-ci se réfère à certains critères : « Altération du rapport entre potentiel énergétique et énergie actualisée… structure fonctionnelle comportant à la foi une déstructuration et une restructuration ; … altération plus ou moins importante des valeurs du monde vécu ;… conduite désadaptée, avec ou sans effort ré-adaptatif, réduisant ou supprimant l’efficacité sociale.

Ce postulat tient de sa propre nécessité une valeur heuristique, elle-même indiscutable.

Les voies d’abord du fait psychiatrique sont, comme pour le fait psychologique (W. Dilthey, Jaspers, cités par G. Deshaies) la compréhension et l’explication : la première est une méthode subjective, la seconde, une méthode objective. La compréhension consiste en un effort de pénétration et d’intuition du phénomène morbide, avec sa signification telle que le vit le malade. Autrement dit, c’est une attitude phénoménologique, qui restitue au symptôme, concept nosographique, son contenu vivant (E. Minkowski).

L’explication est une démarche intellectuelle qui complète la compréhension par ses interprétations et l’établissement des liens de causalité entre les différentes données de l’observation : elle est plus nettement constructive que la précédente. En pratique les deux démarches sont toutefois simultanées : dans beaucoup d’autres, objectif et subjectif ne se laissent pas si facilement dissocier.

Quant aux doctrines, au regard de la psychopathologie, et cela n’est pas à négliger, elles deviennent méthodes heuristiques : les dogmatismes doivent s’effacer au bénéfice de l’esprit de recherche, in ne s’agit pas là d’un scepticisme intellectuel de principe mais d’une véritable prise de position relationnelle, qui retrouve peut-être d’autres tendances contemporaines scientifiques Toute théorie est essentiellement un outil de la pensée devant servir à appréhender des faits dans une synthèse logique (A.Moles), en ce sens la psychopathologie est, sans doute, aussi une théorie). Ainsi le parallélisme anatomo-clinique, l’introspection, la réflexologie, le psychanalyse, la phénoménologie, etc., sont autant de façons d’abord le fait psychiatrique, autant de « techniques » en quelque sorte : « En toute rigueur, il n’y a pas une méthode clinique, mais un état d’esprit, une attitude, une perspective clinique … « (G. Deshaies).

C’est dans cet esprit, cette perspective, que s’inscrivent l’étude psychopathologique générale de la personnalité morbide, de la conscience ou du monde des délirants, de la dialectique entre le malade et son entourage familial, professionnel ou hospitalier, comme l’étude des problèmes thérapeutiques, pour donner quelques exemples.

Cette attitude reste toutefois scientifique par sa méthode, authentiquement expérimentale, comportant observations et expérimentation : ici l’expérimentation est représentée par la mise en situation de l’examen initial, les tests, l’épreuve thérapeutique, les sorties d’essai.

Voilà le domaine propre de la psychopathologie : elle apparaît donc en quelque sorte, comme un regroupement synthétique de bien des notions précédemment inscrites dans différents chapitres, de psychiatrie générale, ou de la psychiatrie médicale, ou dans certaines rubriques étiologiques ou pathogéniques. Mais il y a là plus que le simple fait d’un regroupement : en mettant du relatif là où l’on croyait à l’absolu on élargit en fait des possibilités de recherche et de connaissance vraie ; en refusant à certaines opinions leur valeur dogmatique, limitative, on augmente leur portée et leur champ d’utilisation. Les perspectives ouvertes par la psychopathologie ne doivent pas l’être autrement que dans ce but et de cette façon. L’intérêt qui s’y attache n’est pas spéculatif pour autant, faut-il préciser : « … l’avancement de la psychopathologie apparaît (…) indispensable à une bonne progression de la recherche dans d’autres domaines, puisque seul il permet d’assigner au biologiste, au chimiste, au sociologue, à l’expérimentateur, un objet d’étude spécialement défini ». Telle qu’elle est énoncée dans sa leçon inaugurale (Alg. Méd., mai 1959, #5), cette opinion du Pr. J. – M. Sutter parait effectivement bien exprimer les ambitions et le devenir de la psychopathologie moderne.

L. Mondzain.

La psychopathologie est davantage une psychologie du pathologique qu’une pathologie du psychologique (E.Minkowski). Illustration :
La psychopathologie est davantage une psychologie du pathologique qu’une pathologie du psychologique (E.Minkowski). Illustration : Megan Jorgensen.

Psychopathologie des peuples primitifs

(texte publié dans le Manuel de Psychiatrie, paru en 1956 à Paris, ayant une valeur historique)

Les indigènes qui vivent encore à l’étape primitive se rapprochent encore dans une large mesure de la mentalité primitive.

Chez eux, les besoins physiques (nutrition, sexualité) prennent une place de tout premier plan ; la vivacité de leurs émotions et leur courte durée, l’indigence de leur activité intellectuelle, leur font vivre surtout le présent, comme les enfants. Sensations et mouvements résument le plus clair de leur existence et conditionnent leur comportement impulsif, « explosif et chaotique » (Spencer).

Leur idéation faite surtout d’images concrètes, à peine reliées par de fragiles liens logiques, se dissocie facilement et facilite la production d’illusions et d’hallucinations, mais elle ne permet l’édification que de thèmes délirants simples et peu variés.

Les processus d’expression faiblement soumis au travail de triage et d’inhibition du psychisme supérieur se rattachent visiblement aux manifestations dites instinctives ou prennent l’aspect de ces états « hyponoïques » (Kretschmer), tels que l’onirisme hystérique.

Les troubles mentaux, ressentis comme une transgression, évoluent habituellement par bouffées successives, entrecoupées de rémissions au cours desquelles ils sont reniés énergiquement.

Pratiquement, on observe des syndromes très caractéristiques que l’on aura parfois quelques difficultés à situer nosologiquement : mais sans s’attarder à ce problème, parfois insoluble en vain, on fera encore œuvre utile en recherchant certaines étiologies particulièrement importantes :

Les syndromes

  1. Les états de fureur, d’allure épileptoïde avec réactions extrêmement dangereuses, doivent être bien connus et dépistés dès qu’apparaissent certains signes prémonitoires : isolement, refus d’aliments, attitude, d’inquiétude, conservation ou recherche d’une arme, etc.
  2. L’onirisme terrifiant, qui se combine souvent au syndrome précédent, comporte un thème de prédilection : le scénario de la condamnation à mort avec exécution capitale imminente, parfois menace de castration. Le meurtre ou le suicide en sont la conclusion fréquente.
  3. L’onirisme terrifiant, qui se combine souvent au syndrome précédent, comporte un thème de prédilection : le scénario de la condamnation à mort avec exécution capitale  imminente, parfois menace de castration. Le meurtre ou le suicide en sont la conclusion fréquente.

Les  cadres nosologiques

Citons la fréquence des états de débilité et des névroses (asthénie, anxiété, hypocondrie, troubles coenesthésiques, hystérie).

Les états dépressifs, souvent réactionnels (dépaysement, déception), peuvent comporter, à côté des réactions anxieuses habituelles, des raptus furieux inattendus. Il en est de même, à ce dernier point de vue, des manies les plus authentiques. La schizophrénie et les délires chroniques sont parfois difficiles à authentifier en raison de leur allure discontinue.

Les étiologies

Il faut songer toujours à la trypanosomiase en cas de séjour en région où sévit l’endémie, à l’épilepsie, à la fragilité de la personne vis-à-vis de l’alcool et du pneumocoque, à l’importance du parasitisme intestinal. La neurosyphilis est maintenant démontrée chez plusieurs représentants.

Pratiquement, rapatrier tous les psychopathes, en dehors des cas aigus certains ; songer à leurs réactions explosives et exiger un nombre important de convoyeurs.

H. Aubin.

Hormé

Terme créé par Monakow et Mourgue, dans leur Introduction biologique à l’étude de la neurologie et de la psychopathologie, pour désigner la matrice des instincts. J. Delay résume ainsi la conception de ces auteurs : « Chez un être pourvu de système nerveux, l’instinct est une force propulsive latente issue de la hormé, qui réalise la synthèse des excitations internes avec les excitations externes en vue d’assurer l’adaptation de l’individu.

À partir de l’instinct formatif se différencient, d’une part la sphère des instincts et des sentiments qui en résultent, d’autre part la sphère de l’orientation et de la causalité. Mais, née d’une matrice commune, la sphère de l’orientation et de la casualité n’est nullement émancipée de l’instinct où elle puise son dynamisme et sa capacité plastique.

Guiraud. De son côté, a repris cette notion de « hormé » en l’associant à celle de « thymie », en a poussé l’étude en profondeur, dans ce qu’il appelle le système hormo-thymique. On trouvera exposé ce point de vue, étayé du reste sur l’anatomie, la physiologie et les recherches expérimentales, dans sa conceptions bioneurologique qui a servi de préface et comme l’introduction à ses études de Psychiatrie clinique (librairie Lefrançois, Paris, 1956).

Athymhormie

Nom donné par DIDE et GUIRAUD à un déficit fondamental de l’élan vital, de l’intérêt, de l’affectivité, issus directement de l’activité du système hormo-thymique.

On admet aujourd’hui que les centres neurovégétatifs sous-corticaux recueillent d’une part toutes les impressions endogènes fournies par l’activité de notre organisme et l’état de nos muscles et, d’autre part, apportent à l’activité mentale un excitant continuel de présence et de fonctionnement du corps qui a pour résultat de fournir à notre psychisme l’élan et l’intérêt.

Cette conception rejoint celle de MONAKOW et MOURGUE sur la hormé.

Ant. POROT.

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