La planification familiale : problème du couple
Le psychologue et vous – collaboration spéciale de la Corporation des psychologiques du Québec
La planification des naissances n’est pas un problème que des adultes – enfants, dominés par leur Surmoi, sont, capables de résoudre. Ce problème n’est pas, non plus, à la mesure d’individus demeurés adolescents. Il est frappant de constater combien certains jeunes couples, dépourvus de la maturité psychologique suffisante, laissent au hasard le soin de prendre, on leur lieu et place, des décisions qui engageront leur avenir. Ils agissent comme s’ils ignoraient, tout bonnement, les conséquences de leurs actes. Ils « jouent au mariage » comme on joue à la poupée ou à la dînette.
La jeune épouse-belle-au-bois-dormant s’éveille un beau matin, fort surprise de constater que son corps a pris la chose plus au sérieux qu’elle-même, tandis que le mari oublie sa méditation transcendantale pour se demander quelle tuile lui tombe sur la tête.
Ces jeunes-dans-le-vent semblent répugner à sortir de l’état bienheureux d’adolescence, ce rêve agréable et rose où les questions concrètes ne se posent pas, flottant nonchalamment au gré de leur fantaisie, se refusant a « faire leur vie », attendant passivement que la vie « se fasse » pour eux. Ils avouent naïvement avoir oublié d’inscrire ce problème sur la liste de leurs préoccupations, comptant sur les circonstances, la chance (ou la guigne), sur les « autres », sur la société, ou sur les astres pour gouverner leur destin. Ils font penser au tout-petit accroché aux jupes de sa mère-corne-d’abondance…
Pourtant, on n’appelle pas à la vie un nouvel être humain sans savoir ce que l’on fait, tels des étourneaux pépiant a tue-tête sur un air des Beatles !
Sans vouloir donner des directives a qui que ce soit, je me permettrai d’esquisser un bref aperçu des questions que l’on peut se poser a ce sujet, quand on a du plomb dans la tête et le cœur à la bonne place. Ainsi, a-t-on songé deux secondes aux embûches que comporte le début d’une vie à deux, croit-on que ce soit aussi facile de s’adapter l’un a l’autre que de danser un cha-cha-cha, se figure-t-on que la période de « fréquentations » suffit pour approfondir un amour que l’on veut durable ?
C’est une chose que de sortir « steady » pour rentrer, le soir, chacun chez, soi, sous la protection de papa et maman, et une autre de se retrouver aux prises avec la réalité quotidienne d’une maison à tenir, de responsabilités financières à assumer, la réalité à la fois si exigeante et si belle du 9 à 5 ?jusqu’ici, on est allé ensemble au cinéma, au dancing, on a eu des conversations passionnantes, partagé des émotions artistiques sensationnelles, lu les mêmes livres, vibré ensemble aux accents d’une même musique, fait des balades merveilleuses, entrepris des voyages, découvert des paysages, etc.
Dans la grisaille, savoir maintenir la flamme
Mais on ne sait pas encore ce que c’est, que de se débarbouiller prosaïquement ensemble dans le cabinet de toilette, au petit matin, tandis que la cafetière déborde sur le feu, que monsieur cherche frénétiquement, à assortir chaussettes et pull-over pour aller a l’Université ou au bureau, que madame examine d’un regard un tant soit peu mélancolique les menues taches ménagères d’une journée qu’elle passera seule comme une grande fille … Au milieu de toute cette grisaille, il faut maintenir bien haute la flamme d’un amour bouleversant, éblouissant, unique au monde. Il me parait que cette entreprise est de taille et vaut bien qu’on y accorde quelques instants de réflexion.
Le problème du contrôle des naissances se pose au début du mariage, au cours du voyage de noces même, avec une acuité particulière. Mais il se pose aussi tout au long de la vie conjugale. Seules, les données changent. Du temps de Balzac la « femme de trente ans » se trouvait déjà au seuil du déclin.
Aujourd’hui, à cause des progrès de la science moderne, la femme de cet âge jouit normalement d’une santé parfaite; elle a. d’ordinaire, deux nu trois bambins dont l’aîné va déjà à l’école. Tout en s’occupant de leur bien-être et de celui de son mari, elle dispose de quelques heures de loisirs chaque jour. a cause de l’allègement des tâches domestiques. À ce moment, il arrive qu’elle se prend à rêver de retourner aux études. Et, pourquoi pas?
On parle beaucoup d’émancipation de la femme. Je préfère, à ce ternie, celui d’épanouissement. Il est normal que la femme cherche à couronner sa fécondité physique par une fécondité d’ordre intellectuel, scientifique ou artistique. La réduire à son rôle de génitrice me parait aussi stupide que de considérer l’homme uniquement comme un producteur de spermatozoïdes.
Nul n’e-t plus convaincu que mot de l’importance primordiale de la présence maternelle au foyer, quand les enfants sont jeunes. Mais éventuellement ils vieillissent et commencent très tôt à prendre ombrage d’une attitude maternelle tracassière et tyrannique. Aujourd’hui, les enfants poussant vite et secouent impatiemment le joug trop pesant d’une « mater dolorosa » qui «’obstine à les couver, à les retenir auprès d’elle, sous prétexte qu’elle « n’a d’autre horizon que ses petits”. Ironiquement. ils ne lui savent aucun gré de ce renoncement, de cette vie à eux consacrée. Ils sont plutôt enclins à lui reprocher cette abnégation admirable. Peut-être ont-ils raison …
Une alternative
Toujours est-il qu’à ce moment, la mère fait face à une alternative : soit mettre au monde d’autres poussins qui feront la joie de son âge mûr, soit préparer sa retraite progressive en tant que mère et sa rentrée dans le vaste monde en tant que femme et personne humaine, en tant que membre productif de la société.
Chaque épouse résout ce problème à sa façon. Il lui faut tenir compte aussi des revenus de son mari, de sa santé, de l’élévation croissante du coût de la vie, des débouchés qui s’offrent aux enfants, de la compétence de plus en plus grande exigée d’eux, sans oublier le rythme presque frénétique de notre vie moderne.
En somme, la régulation des naissances est le problème des deux conjoints, le problème sans cesse posé au couple.
Trop d’hommes meurent dans la force de l’âge, sans même avoir eu le temps de prendre conscience qu’ils se tuaient à vivre. Trop de crises cardiaques à trente-cinq ou quarante ans, trop de forces vives brûlées au supercarburant d’un travail forcené, trop de femmes de quarante ans en proie à la dépression, à l’angoisse, à la terreur de vieillir inutiles, délaissées dans leur foyer désert.
Ce qui compte, c’est, de voir venir à l’avance un moment, un jour, une heure que certains qualifient de fatidiques, que d’autres perçoivent comme un nouveau départ.
Pour ces diverses raisons et celles que je passe sous silence, le contrôle de la fécondité d’un couple devient presque une question de vie ou de mort, une question brûlante d’actualité en tout cas.
Quant aux méthodes employées pour planifier les naissances, leur analyse n’est pas de mon ressort. Tout dépend des individus concernés, de leur conception ries choses, de leur santé, de leur échelle de valeurs, de leurs réactions psychologiques, etc. Avec l’aide du gynécologue, du médecin interniste, du psychologue, du prêtre et surtout de son propre jugement, chaque couple doit être en mesure, il me semble, de parvenir au seul but qui en vaille la peine : le bonheur et la fécondité d’une vie terrestre dont le moins que l’on puisse dire est que nous n‘en avons qu’une seule en partage.
(Par Françoise Cholette-Pérusse, psychologue).
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