Perception

Perception en psychologie

Perception. Opération psychologique par laquelle nous connaissons la présence actuelle d’un objet extérieur à travers les modifications que cet objet imprime à nos organes sensoriels.

Sont, par conséquent, exclus du cadre des perceptions l’évocation, par le jeu de la mémoire ou de l’imagination, d’objets qui n’affectent pas actuellement nos sens ; de même les impressions actuelles, mais non sensorielles, qui peuvent nous être données par les nerfs sensibles de nos organes périphériques ou de nos viscères; ces dernières nous renseignent de façon vague et diffuse, sur certains états de notre corps et non pas sur des objets extérieurs : on ressent une douleur, une gêne, on ne la perçoit pas.

Sous sa forme la plus simple, la perception est déjà une synthèse psychologique extrêmement complexe.

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Elle nécessite d’abord la réunion, la « concrétion » de diverses données sensorielles; l’école de la « forme » (Gestaltheorie) a eu le mérite de montrer que nous ne percevons point une somme de données élémentaires juxtaposées, en mosaïque. Mais que nous appréhendons directement un ensemble pourvu de structure et de signification.

En second lieu, l’excitation sensorielle provoque toute une série de réactions réflexes (labyrinthiques, végétatives, en particulier). Ces réactions, bien qu’inconscientes, déterminent des sensations particulières qui occupent, dans le tout perceptif, une place extrêmement importante. À tel point que si elles viennent à manquer, la sensation disparaît. Tandis que si un trouble pathologique parvient à les produire en l’absence de leur cause extérieure habituelle, il pourrait en résulter l’illusion hallucinatoire d’une perception (Mourgues).

La mémoire est également nécessaire à la perception, non pas comme le montre M. Pradines, sous la forme d’une reviviscence du passé, mais sous celle d’une « anticipation mnémonique » (Baldwin, Piéron) par laquelle le sujet, en fonction de ses expériences passés, va pouvoir ordonner ses réactions selon les caractères et le propriétés de l’objet perçu, se l’approprier ou se défendre contre lui. Bien qu’elles jouent dans la perception un rôle peut-être moins décisif et surtout moins constant. On ne saurait passer donc sous silence l’association des idées, la formation des images (qui intervient pour les perceptions visuelles et auditives), enfin et surtout, l’affectivité.

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On le voit, il est entièrement faux de considérer les perceptions comme des éléments psychologiques simples que l’analyse pourrait retrouver et isoler au sein des états complexes dans lesquels ils figurent, comme on retrouve une pièce en démontant un mouvement d’horlogerie. Cette erreur est encore trop souvent commise lorsqu’il s’agit de pénétrer le mécanisme des illusions et des hallucinations. En réalité, la perception en soi est une abstraction théorique dépourvue d’existence, un schéma utile à l’explication didactique, mais purement artificiel.

Ce qui existe, ce sont des comportements, des conduits, que l’on est en droit de dire perceptifs, dans la mesure où ils paraissent être centrés sur l’appréhension au moyen des sens, d’objets extérieurs. Mais de telles conduites sont lois d’être superposables, d’avoir toutes la même structure; la présence réelle d’un objet extérieur peut affecter, dans leur déclenchement, une importance extrêmement variable. Elle peut même cesser d’être nécessaire : l’évocation d’un mets peut avoir les mêmes conséquences psycho-psychologiques que son odeur ou sa vue. Doit-on, ici encore, parler de perception ?

Non, sans doute, malgré l’évidente parenté d’aspect et de structure d’un tel comportement avec le comportement perceptif. De même la conduite de l’halluciné ne peut être donnée pour une « perception sans objet » (selon l’expression de Morel, reprise par Ball) que par une sorte d’abus de langage : c’est une conduite « pseudo-perceptive » qui en impose à l’observateur comme au sujet lui-même pour une perception. Mais qui n’est que la reproduction, par suite de circonstances pathologiques et d’ailleurs diverses selon les cas. D’un état psychologique, plus ou moins semblable à celui que produit habituellement la présence d’un objet extérieur.

Troubles pathologiques des perceptions. –

Les perceptions peuvent être troublées, cela va de soi, par des altérations des organes sensoriels, des voies nerveuses, qui les relient aux centres corticaux ou des ces centres eux-mêmes. De telles éventualités ne relèvent pas, en général, de la psychiatrie. Cependant, il n’est pas rare de voir une surdité, par exemple, s’accompagner d’hallucinations auditives ou une rhinite chronique d’hallucinations olfactives. Sans doute ne saurait-on dire que l’atteinte périphérique est alors la seule ou même la principale cause du trouble mental. Il n’en est pas moins vrais qu’elle en est l’une des conditions.

Disposés en plages, aux limites assez imprécises, auprès des centres corticaux, sensoriels, sont les centres d’intégration gnosique. Leur perte fonctionnelle se traduit par des agnosies. Ici, les sensations ne peuvent donner naissance à des perceptions. En effet, parce qu’elles ne s’incorporent pas dans la synthèse psycho-physiologique générale. Bref, elles ne s’integrent pas.

Les perceptions enfin restent toujours altérées. Alors, c’est là, dans la perspective psychiatrique, l’éventualité la plus intéressante, lorsque se produit une atteinte générale de la personnalité, une dissolution globale de la conscience. On peut schématiquement distinguer deux catégories de faits.

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– Dans le premier cas, le trouble de la conscience empêche l’intégration normale des données sensorielles, en sorte que la conduite perceptive ne peut se produire ou demeure imparfaite. Il n’y a point de perception, évidemment, dans la perte de la conscience (coma) ou même dans la stupeur profonde.

Dans la confusion mentale, les perceptions sont rares, incomplètes, fragmentaires : elles s’intègrent insuffisamment dans la synthèse générale de la personnalité. Il en est souvent de même, bien qu’à un moindre degré, dans les états d’affaiblissement intellectuel durable; parfois, au lieu de donner naissance à des conduites logiquement adaptées à la situation, elles paraissent au départ de comportements fantaisistes ou de productions imaginatives (fausses reconnaissances, fabulation, ecmnésie, de la presbyophrénie ou du syndrome de Korsakoff).

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Dans la mélancolie, le trouble des perceptions procède du ralentissement psychique selon un processus analogue; mais ici intervient, en outre, une déviation systématique d’origine affective; dans tous les états comportant une polarisation exclusive de l’affectivité, on voit en effet les perceptions affecter une tonalité en harmonie avec l’humeur du malade; cette déviation aboutit souvent à des véritables illusions sensorielles.

On peut rapprocher de ces faits ce que l’on observe dans certains états psychasthéniques : l’équilibre normal entre les perceptions et le « fond » sur lequel elles se développent paraît rompu (H. Wallon). Il en résulte tantôt une impression pénible d’irréalité, d’étrangeté. Tantôt un sentiment aigu, douloureusement ressenti, de l’existence des objets, qui semble être à la base de certaines expériences vécues, angoissantes, décrites par les philosophes existentialistes (v. J.-P. Sartre, La nausée).

– Dans le second, il ne s’agit plus d’une alternation venant déformer la perception construite sur une des données sensorielles authentiques. Mais d’une « conduite pseudo-perceptive », induite en l’absence des incitations extérieures propres à la provoquer normalement. C’est alors, selon les cas, l’illusion, l’hallucination, la fausse reconnaissance, le sentiment du déjà-vu.

J. M. Sutter

Perceptrion
Les personnes les plus raffinées que je connaisse ont toutes gardé leur âme d’enfant (Jim Henson, créateur des Muppets). Image : © Megan Jorgensen et GrandQuebec.com.

Métamorphopsie (Syndrome de von Weizsäker)

Ce syndrome se caractérise par des troubles de la perception visuelle sous forme d’objets détournés. Déformés comme par des miroirs convexes ou concaves, parfois renversés. Devenus énormes ou microscopiques ou bien dyssymétriques. Anormalement grossis dans ne de leur moitié. Schilder attribue un rôle aux afférences labyrinthiques et vestibulaires dans la production de ce trouble. Pour Potzl, il s’agit d’un défaut de fusion de la vision droite et gauche. On associe parfois ce trouble à des mouvements forcés du corps (automatose). Il donne secondairement une sensation pénible d’étrangeté.

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