Québec psychologique

Perception

Perception

Perception

Opération psychologique par laquelle nous connaissons la présence actuelle d’un objet extérieur à travers les modifications que cet objet imprime à nos organes sensoriels.

Sont, par conséquent, exclus du cadre des perceptions l’évocation, par le jeu de la mémoire ou de l’imagination, d’objets qui n’affectent pas actuellement nos sens ; de même les impressions actuelles, mais non sensorielles, qui peuvent nous être données par les nerfs sensibles de nos organes périphériques ou de nos viscères; ces dernières nous renseignent de façon vague et diffuse, sur certains états de notre corps et non pas sur des objets extérieurs : on ressent une douleur, une gêne, on ne la perçoit pas.

Sous sa forme la plus simple, la perception est déjà une synthèse psychologique extrêmement complexe.

Elle nécessite d’abord la réunion, la « concrétion » de diverses données sensorielles; l’école de la « forme » (Gestaltheorie) a eu le mérite de montrer que nous ne percevons point une somme de données élémentaires juxtaposées, en mosaïque, mais que nous appréhendons directement un ensemble pourvu de structure et de signification. En second lieu, l’excitation sensorielle provoque toute une série de réactions réflexes (labyrinthiques, végétatives, en particulier); ces réactions, bien qu’inconscientes, déterminent des sensations particulières qui occupent, dans le tout perceptif, une place extrêmement importante, à tel point que si elles viennent à manquer, la sensation disparaît, tandis que si un trouble pathologique parvient à les produire en l’absence de leur cause extérieure habituelle, il pourrait en résulter l’illusion hallucinatoire d’une perception (Mourgues). La mémoire est également nécessaire à la perception, non pas comme le montre M. Pradines, sous la forme d’une reviviscence du passé, mais sous celle d’une « anticipation mnémonique » (Baldwin, Piéron) par laquelle le sujet, en fonction de ses expériences passés, va pouvoir ordonner ses réactions selon les caractères et le propriétés de l’objet perçu, se l’approprier ou se défendre contre lui. Bien qu’elles jouent dans la perception un rôle peut-être moins décisif et surtout moins constant, on ne saurait passer sous silence l’association des idées, la formation des images (qui intervient pour les perceptions visuelles et auditives), enfin et surtout, l’affectivité.

On le voit, il est entièrement faux de considérer les perceptions comme des éléments psychologiques simples que l’analyse pourrait retrouver et isoler au sein des états complexes dans lesquels ils figurent, comme on retrouve une pièce en démontant un mouvement d’horlogerie. Cette erreur est encore trop souvent commise lorsqu’il s’agit de pénétrer le mécanisme des illusions et des hallucinations. En réalité, la perception en soi est une abstraction théorique dépourvue d’existence, un schéma utile à l’explication didactique, mais purement artificiel. Ce qui existe, ce sont des comportements, des conduits, que l’on est en droit de dire perceptifs, dans la mesure où ils paraissent être centrés sur l’appréhension au moyen des sens, d’objets extérieurs; mais de telles conduites sont lois d’être superposables, d’avoir toutes la même structure; la présence réelle d’un objet extérieur peut affecter, dans leur déclenchement, une importance extrêmement variable; elle peut même cesser d’être nécessaire : l’évocation d’un mets peut avoir les mêmes conséquences psycho-psychologiques que son odeur ou sa vue. Doit-on, ici encore, parler de perception? Non, sans doute, malgré l’évidente parenté d’aspect et de structure d’un tel comportement avec le comportement perceptif. De même la conduite de l’halluciné ne peut être donnée pour une « perception sans objet » (selon l’expression de Morel, reprise par Ball) que par une sorte d’abus de langage : c’est une conduite « pseudo-perceptive » qui en impose à l’observateur comme au sujet lui-même pour une perception, mais qui n’est que la reproduction, par suite de circonstances pathologiques et d’ailleurs diverses selon les cas, d’un état psychologique, plus ou moins semblable à celui que produit habituellement la présence d’un objet extérieur.

Troubles pathologiques des perceptions. – Les perceptions peuvent être troublées, cela va de soi, par des altérations des organes sensoriels, des voies nerveuses, qui les relient aux centres corticaux ou des ces centres eux-mêmes. De telles éventualités ne relèvent pas, en général, de la psychiatrie. Cependant, il n’est pas rare de voir une surdité, par exemple, s’accompagner d’hallucinations auditives ou une rhinite chronique d’hallucinations olfactives; sans doute ne saurait-on dire que l’atteinte périphérique est alors la seule ou même la principale cause du trouble mental; il n’en est pas moins vrais qu’elle en est l’une des conditions.

Disposés en plages, aux limites assez imprécises, auprès des centres corticaux, sensoriels, sont les centres d’intégration gnosique. Leur perte fonctionnelle se traduit par des agnosies. Ici, les sensations ne peuvent donner naissance à des perceptions, parce qu’elles ne sont pas incorporées dans la synthèse psycho-physiologique générale; elles ne sont pas intégrées.

Les perceptions enfin sont toujours altérées, et c’est là, dans la perspective psychiatrique, l’éventualité la plus intéressante, lorsque se produit une atteinte générale de la personnalité, une dissolution globale de la conscience. On peut schématiquement distinguer deux catégories de faits.

– Dans le premier cas, le trouble de la conscience empêche l’intégration normale des données sensorielles, en sorte que la conduite perceptive ne peut se produire ou demeure imparfaite. Il n’y a point de perception, évidemment, dans la perte de la conscience (coma) ou même dans la stupeur profonde.

Dans la confusion mentale, les perceptions sont rares, incomplètes, fragmentaires : elles s’intègrent insuffisamment dans la synthèse générale de la personnalité. Il en est souvent de même, bien qu’à un moindre degré, dans les états d’affaiblissement intellectuel durable; parfois, au lieu de donner naissance à des conduites logiquement adaptées à la situation, elles paraissent au départ de comportements fantaisistes ou de productions imaginatives (fausses reconnaissances, fabulation, ecmnésie, de la presbyophrénie ou du syndrome de Korsakoff). Dans la mélancolie, le trouble des perceptions procède du ralentissement psychique selon un processus analogue; mais ici intervient, en outre, une déviation systématique d’origine affective; dans tous les états comportant une polarisation exclusive de l’affectivité, on voit en effet les perceptions affecter une tonalité en harmonie avec l’humeur du malade; cette déviation aboutit souvent à des véritables illusions sensorielles. On peut rapprocher de ces faits ce que l’on observe dans certains états psychasthéniques : l’équilibre normal entre les perceptions et le « fond » sur lequel elles se développent paraît rompu (H. Wallon); il en résulte tantôt une impression pénible d’irréalité, d’étrangeté, tantôt un sentiment aigu, douloureusement ressenti, de l’existence des objets, qui semble être à la base de certaines expériences vécues, angoissantes, décrites par les philosophes existentialistes (v. J.-P. Sartre, La nausée).

– Dans le second, il ne s’agit plus d’une alternation venant déformer la perception construite sur une des données sensorielles authentiques, mais d’une « conduite pseudo-perceptive », induite en l’absence des incitations extérieures propres à la provoquer normalement. C’est alors, selon les cas, l’illusion, l’hallucination, la fausse reconnaissance, le sentiment du déjà-vu.

J. M. Sutter

Perceptrion

Les personnes les plus raffinées que je connaisse ont toutes gardé leur âme d’enfant (Jim Henson, créateur des Muppets). Image : © Megan Jorgensen et GrandQuebec.com.

Anticipation

Mouvement par lequel l’homme vit son avenir. L’anticipation n’est pas la simple tentative de prévision par laquelle nous cherchons souvent à deviner ce qui va advenir: elle comporte la préparation et déjà l’ébauche de l’action future, l’orientation par le sujet de son action présente pour diriger en sa faveur le cours ultérieur des événements.

Essentiellement relative à l’individu lui-même, elle est la conduite par laquelle sans cesse il se projette dans la part non encore réalisée de son existence.

L’anticipation normale est tissée d’éléments intellectuels, logiques (prévision de l’avenir en fonction des données de la situation présente et des lois qui peuvent en gouverner l’évolution), et d’éléments irrationnels centrés sur les mouvements de l’affectivité.

Instinctivement, nous établissons ou plutôt nous éprouvons un certain rapport de forces entre nous-mêmes et le monde extérieur; si ce rapport penche en notre faveur, notre anticipation prend un aspect positif: nous faisons front ou nous partons à la conquête ; dans le cas contraire nous sommes conduits à l’une des formes négatives: repli, fuite, diversion, scotomisation. Mais l’anticipation n’est pas seulement positive ou négative: elle se définit encore par le niveau auquel elle se déploie et qui est précisément le niveau de vie et de conscience morale de l’individu dans l’instant considéré: au niveau le plus bas, l’existence ne s’élève pas au-dessus de ses composantes biologiques et instinctives et l’anticipation s’oriente vers la satisfaction des besoins ou des désirs les plus élémentaires.

Plus haut est atteint le niveau de l’hédonisme, puis celui où l’être vise à se réaliser en tant que personne, celui enfin où il transcende son individualité pour s’élever jusqu’au social et enfin au surnaturel.

En pathologie mentale, l’anticipation porte de façon directe l’empreinte de la maladie. Le sujet peut être capable de reconstruire correctement son passé, d’ordonner son action présente en fonction d’habitudes, d’automatismes, de pressions extérieures qui sont autant de facteurs de normalisation; mais, dans la façon dont il vit son avenir, on découvre immanquablement la marque du pathologique et chaque structure mentale a son style particulier d’anticipation.

J.-M. Sutter.

Fausses reconnaissances

Désignation erronée de personnes, d’objets ou de lieux identifiés à d’autres par suite de ressemblances superficielles ou même, parfois, sans aucune ressemblance. Cette fausse reconnaissance ou identification est due soit à une faiblesse de l’attention et du jugement, soit à une activité de jeu, soit à la fabulation ou à des évocations ecmnésiques.

Les fausses reconnaissances sont surtout fréquentes dans la manie aiguë où la dispersion de l’attention et la fuite des idées, une tournure d’esprit malicieuse et caustique, l’éréthisme sensoriel sont tels que les associations se font au gré des impressions superficielles et faussent l’identification. Ces fausses reconnaissances sont sans gravité sociale, et généralement, n’aboutissent qu’à des quiproquos et des scènes amusantes.

Les tendances imaginatives de certains sujets, la faiblesse de jugement de certains débiles les amènent souvent à soutenir des erreurs sur la personne, qu’il s’agisse de petites bouffées délirantes chez des débiles vaniteux ou des grands délires d’imagination du type décrit par Dupré, – délire de filiation en particulier.

Le confus, qu’il s’agisse d’un infecté ou d’un intoxiqué, fait également de nombreuses erreurs perceptives et souvent de fausses reconnaissances; il transporte sur les visages ou les objets qui l’entourent les productions de son onirisme ; il peut résulter de ces illusions des conséquences dramatiques : terreur anxieuse, fuite éperdue, défenestration, réactions de défense tragiques.

Dans le syndrome de Korsakoff et la presbyophrénie, les fausses reconnaissances sont courantes, s’intégrant dans la confabulation qui est un des éléments caractéristiques de ces états.

Enfin, certains délirants chroniques, interprétateurs, se plaignent d’être mystifiés sans arrêt ; tout pour eux est truqué : les personnes se substituent les unes aux autres, les « éclairs de ressemblance » aboutissent à de fausses identifications; les gens sont même modifiés en sosies. Ces fausses ressemblances sont dues à une concentration de l’attention sur une petite particularité. On peut facilement comprendre alors la gravité de telles fausses reconnaissances chez certains délirants persécutés qui n’hésitent pas à se faire justice eux-mêmes.

P. Leonardon.

Métamorphopsie (Syndrome de von Weizsäker)

Ce syndrome est caractérisé par des troubles de la perception visuelle sous forme d’objets détournés, déformés comme par des miroirs convexes ou concaves, parfois renversés, devenus énormes ou microscopiques ou bien dyssymétriques, anormalement grossis dans ne de leur moitié. Schilder attribue un rôle aux afférences labyrinthiques et vestibulaires dans la production de ce trouble. Pour Potzl, il s’agit d’un défaut de fusion de la vision droite et gauche. Ce trouble est associé parfois à des mouvements forcés du corps (automatose) et donne secondairement une sensation pénible d’étrangeté.

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