Neurasthénie
Affection isolée par Beard, caractérisée par une asthénie permanente, surtout statique maxima au réveil (cataplexie du réveil), améliorée souvent en fin d’après-midi.
Cette asthénie prédominant est ordinairement associée aux malaises suivants :
a) Troubles sensitifs. – Céphalalgie « en casque » ou de type variable : occipitale, bitemporale, simple malaise avec troubles coenesthésiques divers intracrâniens :
- Rachialgie cervicale ou lombaire, ou sacrée ;
- Névralgies erratiques ;
- Hyperesthésies superficielles et profondes, paresthésies.
b) Troubles sensoriels :
- Hypersthésie (photophobie, phobie du bruit) ;
- Asthénopie accommodative ;
- Bourdonnements.
c) Troubles fonctionnels polyviscéraux :
- Digestifs (lécasthénie) : ptoses viscérales, spasmes gastriques et coliques, troubles sécrétoires gastro-intestinaux et hépatiques, auto-intoxication digestive (constipation, colibacillose et syndrome entéro-hépato-rénal), aérophagie, aérocolie ;
- Cardio-vasculaires : hypotension, troubles neurotoniques, lipothymies ;
- Impuissance génitale plus ou moins accentuée frigidité ;
- Troubles urinaires : pollakiurie, polyuries transitoires ;
- Troubles respiratoires : oppression, pseudo-asthme.
d) Troubles endocrinovégétatifs.
- – Déséquilibre vagosympathique ;
- Dysthyroïdies, dysovaries, etc.
e) Troubles neuropsychiques divers. – Insomnies, vertiges, sensation de titubation, tremblements, angoisses, dépression, énervement, irritabilité, aboulie, impulsivité, fatigabilité psychique et surtout difficulté pour la mise en train, labilité de l’attention, dysmnésie de fixation.
Ce tableau, polymorphe, variable, capricieux, n’est pris au sérieux ni par l’entourage qui parle de maladie imaginaire, ni par le médecin qui se contente trop souvent de traiter le trouble fonctionnel prédominant ou d’une psychothérapie sommaire.
Les psychanalystes, à la suite de Freud, ont tout d’abord incriminé dans cette « névrose actuelle » un abus d’onanisme ou une anomalie dans la pratique de la sexualité (excitation insuffisante, par manque de stimuli extérieurs et décharges excessives).
La clinique montre bien l’authenticité et la fréquence de ce syndrome.
L’analyse des facteurs étiologiques permet presque toujours de mettre en évidence un processus organique, mais d’un type particulier : torpide, fixé ou faiblement évolutif. Ce processus paraît agir par voie réflexe (réflexe dépresseurs en particulier) et non par une lésion ou un trouble fonctionnel localisé à un tissu ou à un organe. Il détermine un dérèglement du système nerveux végétatif, avec ses caractéristiques habituelles : réactions paradoxales, illogiques, démesurées, à déclenchement parfois très retardé, survivant à la cause initiale, s’organisant en cercles vicieux fonctionnels, etc.

On peut distinguer, suivant la hauteur des lésions irritatives, 3 syndromes, thoracique, abdominal et pelvien, correspondant aux 3 étages du sympathique suivant la conception de Delmas et Laux :
a) Le premier est, avant tout, conditionné par les diverses formes d’imprégnation tuberculeuse, au sens de Burnand : à titre exceptionnel, par une cicatrice d’abcès du poumon, de plaie pénétrante du thorax, etc.;
b) Le syndrome abdominal, habituellement associé au précédent sous forme d’un « syndrome de Fernet-Boulland minimal » (Pages), est lié à des séquelles de péritonite plastique de l’enfance ou à un processus de périviscérité primitive ou secondaire ;
c) Enfin, le syndrome pelvien relève soit des séquelles de l’infection gonococcique, surtout dans ses formes chroniques ou cicatricieille, soit des lésions mécaniques, soit des lésions mécaniques (déviations utérines, hernies), ou d’affections rebelles de la région périnéale et des organes génitaux externes (fissures, varicocèle, etc.)
Mentionnons aussi la neurasthénie post-traumatique qu’il n’est pas rare d’observer après des traumatismes crâniens, la commotion pouvant entraîner de minimes altérations cellulaires particulièrement dans les centres neurovégétatifs du diencéphale
– Le traitement varie naturellement suivant l’étiologie et les systèmes déréglés dans leur fonctionnement.
L’étiologie tuberculeuse indique un traitement spécifique par la tuberculine de préférence en scarifications sur la peau. Après avoir observé les effets de la cutiréaction (habituellement très intense, parfois avec réactions focales et générales), on pratique chaque semaine une séance de scarifications à doses croissantes : 2 la deuxième semaine, 3 la troisième, etc.; jusqu’à un maximum de 12 à 15. Dans les cas anciens, on répète cette dose de 12 ou 15 pendant deux, trois, six mois et plus. Comme traitement de consolidation, on refait au printemps et à l’automne 6 à 10 séances plus rapidement progressives (3, puis 6, pluis 9, puis 12 scarifications).
La méthode est sans danger si l’on s’est assuré qu’il n’y pas de lésion évolutive.
Comme traitement symptomatique, le phosphore reste le meilleur médicament (préparations acides de préférence pour combattre l’alcalose asthéniante).
On l’associe aux thérapeutiques fonctionnelles indiquées dans chaque cas par l’examen clinique.
H. Aubin
Gargoylisme
Etat d’idiotie décrit en 1919 par Hurler, s’accompagnant de malformations diverses : griffes, cyphose, faciès de gargouille et opacification cornéenne bilatérale. Dans certains cas : nanisme et hépatosplénomagalie. (Obs. Nord-africaine de Thiodet et coll., Société médicale des hôpitaux d’Alger, 20 novembre 1957).
M. P.
Asthénie
Manque de force. Ce terme désigne, dans le plan physique, des états de fatigue, de lassitude; dans le plan psychique, des états de fatigabilité intellectuelle. Parmi les premiers, il faut surtout citer les neurasthénies et les syndromes d’insuffisance surrénale; ensuite la myasthénie, les convalescences de grippe, de multiples infections ou intoxications, les états d’épuisement, les avitaminoses pellagroïdes, etc.
L’asthénie psychique peut se rencontrer dans les mêmes états et également au début de certaines affections mentales: démence sénile, neurosyphilis, schizophrénie, mélancolie, états subconfusionnels, sidération émotive, hypocondrie, etc.
A côté de cet aspect biologique de l’asthénie il faut étudier les asthénies névrotiques (psychasthénie surtout), et psychosomatiques liées à une baisse de tension psychologique (P. Janet), à un épuisement émotionnel (Dejerine), une dépense excessive d’énergie psychique résultant d’un refoulement instinctuel (Freud) ou de frustrations répétées (Fenichel). Les deux derniers points de vue, soutenus par l’école psychanalytique, ne s’opposent pas à une conception dite organiciste si l’on veut bien considérer la tension affective et aussi d’ailleurs l’émotion, comme un «stress» capable d’engendrer cet état d’épuisement étudié dans le syndrome général d’adaptation (Aubin, 1951; J. Delay, 1952).
Signalons enfin que le terme d’asthénie est souvent employé dans les laboratoires de psychologie dans le sens de «non-activité» de la caractérologie.
Le traitement dépend évidemment de la cause; classiquement, on utilise les arsenicaux et la strychnine (à employer tous deux avec précaution chez les anxieux), les préparations phosphorées. Plus récemment on a recommandé les extraits surrénaliens et les hormones correspondantes, l’acide nicotinique, le calcium (dont il ne faut pas prolonger l’usage trop longtemps), divers sympathicomimétiques (dont il faut surveiller la toxicité); on utilise aussi l’«orthédrine », la « pervitine », le «maxiton» dont on a signalé les abus et qui peuvent entraîner une véritable toxicomanie. Aujourd’hui on s’adresse beaucoup aux vitamines: acide ascorbique (vitascorbol), vitamines B 12, etc.
H. Aubin.
Porphyrie
Au cours des formes aiguës ou subaiguës, parfois intermittentes (Garcin et Lapresle), de la maladie, à côté des syndromes abdominaux, cutanés et urinaires (porphynurie), plusieurs auteurs ont décrit des manifestations neuropsychiques. Le début est souvent marqué par un état de dépression anxieuse avec troubles d’apparence névropathique parfois à teinte hypocondriaque; dans quelques cas, le début anxieux a été suivi d’un état confusionnel comme dans tous les états toxi-infectieux; il peut exister aussi des troubles parétiques à marche progressive avec terminaison bulbaire; on a même pu voir se réaliser le syndrome de Korsakoff (Kornjej).
On est mal renseigné sur la pathogénie exacte de ce syndrome.
Récemment, Marchand et Ajuriaguerra ont signalé l’origine émotionnelle de la porphyrie et la présence d’un syndrome hyperthyroïdien caractéristique avec tremblement et exophtalmie.
De Morsier et R. Lasserre ont publié un cas de porphyrie aiguë intermittente familiale avec troubles nerveux et mentaux, crises épiléptiformes (Enc., 1952, n 3, p. 233).
Psychasthénie
Psychasthénie est une névrose décrite par P. Janet et opposé par lui à l’hystérie sous la forme d’une entité clinique englobant l’angoisse, la phobie, l’obsession, ainsi que certains signes principalement subjectifs qui accompagnent en sourdine ces symptômes de premier plan : sentiments morbides tels que le sentiment d’étrangeté du monde extérieur et de sa propre personne, le sentiment de dépersonnalisation et la gamme des « sentiments d’incomplétude » ; préoccupations habituelles à base de doute, d’intérêt excessif à la santé, de péjoration de soi-même, de scrupule, de honte de soi ; impuissances psychiques, telles qu’aboulie, irrésolution, inhibition intellectuelle, timidité et angoisse sociale ; manies mentales (de la symétrie, du symbole, de la précaution, de la propreté, de la perfection, de conjuration superstitieuse); agitations soit mentales (réserve forcée, rumination mentale, abus de la pensée stérile), soit verbale (bavardage plus ou moins extériorisé), motrices (gestes et tics de défense), viscérales (émotivité sans cause extérieure). Toutes ces manifestations sont pleinement conscientes, augmentent dans l’attention à soi-même et se suspendent dans la distraction.
Certains de ces symptômes sont épisodiques, d’autres permanents et à rechercher, indiquent un caractère particulier, assez marqué parfois pour apparaître comme une « constitution psychasthénique ».
C’est précisément le problème de l’inadaptation de l’individu à la vie, au premier chef à la vie sociale, qui constitue le caractère le plus significatif, discriminant et central de la psychasthénie » (Nicolas Cornibert).
L’auteur les explique par une faiblesse plus ou moins congénitale de l’activité psychique, s’aggravant par l’épuisement qui amènent fatigues et émotions dépressives. Dans la hiérarchie des fonctions psychologiques, les fonctions supérieures, complexes et difficiles, c’est-à-dire exigeant une forte « tension psychologique », sont celles qui permettent au sujet de percevoir et d’agir sur lui. Elles se résument dans la « fonction du réel » et tiennent sous leur dépendance les fonctions inférieures plus automatisées. La psychasthénie est un trouble de la fonction du réel, à l’insuffisance de laquelle succède l’exercice exagéré des fonctions de moindre tension, capables de s’exercer de manière abstraite, sous forme de doutes, agitations, angoisses et ainsi que des idées obsédantes qui les expriment. Comme toutes les névroses, la psychasthénie serait « une maladie des fonctions », altérées dans leurs parties supérieures (arrêtées dans leur évolution), sans altération de leurs parties anciennes et fixées. Le terme de psychasthénie, devenu classique, a l’avantage de tenir compte de la parenté clinique des syndromes qu’elle assemble et du terrain constitutionnel qui les favorise. Mais l’interprétation donnée par Janet, apparaît aujourd’hui comme abstraite. Elle méconnaît la psychogenèse individuelle qui relie ces symptômes aux influences infantiles et qui reste, conformément à l’enseignement de la psychanalyse, l’importance déterminante des conflits de la vie affective profonde.
A. Hesnard.
Myasthénie
Affection musculaire particulière paraissant plus fréquente chez la femme, frappant des sujets de vingt à trente-cinq ans, en rapport, dans la grande majorité des cas avec des altérations diverses du thymus (atrophie, et surtout tumeurs) à évolution lente procédant souvent par poussées et subissant l’influence des phases hormonales de la vie (grossesse, ménopause).
L’affection débute par du ptosis, variable suivant les heures de la journée, plus accentué le soir ; par des muscles de la mastication, des muscles de la nuque et aussi des membres.
Son seul intérêt au point de vue psychiatrique est que ces sujets, par leur fatigabilité et leur asthénie variable, peuvent être pris pour de simples déprimés et se voient administrer des traitements intempestifs.
Le diagnostic de la myasthénie est à faire, dans sa période de début, du côté neurologique avec des paralysies oculaires d’autres nature ; le test à la Prostigmine (médicament d’élection) prend une grande valeur ; il relève le tonus des muscles asthéniés, mais son effet est passager. Par ailleurs, les exportations électriques fournissent un élément précieux (réaction d’épuisement de Joly).
Cataplexie
Accident caractérisé par une dissolution brusque du tonus de posture, s’étendant à tous les muscles striés, entraînant l’effondrement du sujet. La dissolution peut être partielle, n’intéresser que les membres supérieures ou inférieures, les muscles de la mâchoire (fléchissement des genoux, bras tombants, bouche bée). Cet accident ne s’accompagne par ordinairement de perte de la conscience, ni des autres manifestations de l’épilepsie.
Mais il y a dans sa production quelques composantes psychiques : il est souvent déclenché par une émotion agréable, par le rire, la surprise ou l’effroi. Ce rôle de l’émotion a été confirmé expérimentalement par des tests caractérologiques (Fernandez, thèse, Toulouse, 1952); mais le désordre du tonus postural reste le « fait premier », et la cataplexie ne doit pas être considérée comme une exagération de l’émotion-choc morale.
C’est la diminution du pouvoir du cortex qui, pour Fernandez, rend possible et l’émotion et la cataplexie. L’attaque cataplectique s’accompagne d’une déviation du tonus neurovégétatif dans le sens vagotonique. Elle est souvent associée à l’attaque de narcolepsie réalisant le syndrome de Gelineau, mais la cataplexie peut alterner avec la narcolepsie ou même se manifester indépendamment d’elle. Elle peut être spontanée et d’apparence primitive, mais elle se voit dans les atteintes de la région mésodiencéphalique où se trouvent les centres régulateurs de la fonction du sommeil. La cataplexie, par sa dissolution musculaire, représenterait l’élément somatique du sommeil.
Ce serait un sommeil partiel, dissocié. « L’esprit continue à veiller dans un corps endormi » (Lhermitte). On a pu la voir associée à d’autres manifestations mésodiencéphaliques (hallucinose, rire spasmodique, troubles oculaires, autres troubles du tonus). Elle repose parfois sur un terrain de dysendocrinie thyro-génitale, avec obésité, et peut être alors familiale (Van Bogaert).
Elle est très accessible au traitement par les amphétamines.
Ant. Porot.