Néologisme

Néologisme

Mot nouveau ou par extension, locution nouvelle.

Le néologisme est loin d’avoir toujours la valeur d’un symptôme pathologique. On peut l’observer à titre transitoire dans le langage enfantin ; certains enfants privés de contacts sociaux suffisants peuvent en arriver même à se forger un langage rudimentaire entièrement personnel (cas des jumeaux de Jespersen).

Il apparait dans la langue usuelle, pour désigner des objets ou des faits nouveaux.

On rencontre encore des néologismes particuliers à diverses collectivités : argot des classes sociales inférieures, des casernes ou des terrains du sport, langage technique ou spécifique.

En psychiatrie, le néologisme prend une valeur particulière : l’aliénation mentale représente en effet une expérience essentiellement individuelle, en marge de l’expérience sociale collective ; vécue par l’aliéné, observée par le psychiatre (et jusqu’à un certain point vécue également par lui, comme le montre l’école phénoménologiste), elle se traduite nécessairement dans leur activité verbale. Le langage, en effet, n’est pas un instrument au service de la pensée et qui se puisse séparer d’elle, mais « une fonction qui engage tout le mental » (Delacaroix). On ne saurait donc s’étonner de trouver de nombreux néologismes, d’une part dans la langue psychiatrique scientifique (au même titre que dans tout langage technique, mais avec cependant une nuance particulière), et d’autre part dans le langage des aliénés.

Les néologismes de la langue psychiatrique ont fait l’objet d’une brillante étude de P. Guiraud (Congrès de Psychiatrie et Neurologie de Langue française, Rennes, 1951). Ils répondent à une nécessité évidente ; on leur a cependant reproché de représenter un sérieux obstacle à l’intelligibilité de trop nombreux travaux. Dans bien des cas, ils traduisent surtout, en effet, des impressions subjectives éprouvées en présence des malades; l’absence ou l’insuffisance de références objectives aboutit fréquemment à ce que, selon les auteurs, des faits identiques sont décrits sous des noms différents, tandis que le même vocable ne sert pas toujours à désigner la même chose.

Chez les psychopathes, le néologisme peut être étudié dans les propos (directement ou mieux après enregistrement) et dans les écrits.

Du point de vue de la forme, le néologisme peut être un mot du vocabulaire courant (généralement un mot peu usité dont le malade ignore le sens exact affecté d’une signification nouvelle : un délirant, par exemple, se plaint d’être maltraité par des « chronomètres »; lorsque le sens néologique garde une certaine parenté avec le sens usuel, il s’agit d’un paralogisme. Parfois deux, voire plusieurs mots, sont associés en une locution néologique (une malade parle de son « urémie naturelle » pour désigner ses menstrues). Souvent, enfin, le néologisme est un mot forgé de toutes pièces; il obéit alors dans sa formation aux lois de la phonétique; fréquemment, on observe un mécanisme de « substantivation », évoquant un retour au mot-phrase du langage enfantin.

L’intérêt psychiatrique du néologisme, ce « cancer verbal » (Lagan) résulte surtout de la nature du trouble qu’il exprime. Seglas le range parmi les « dyslogies », c’est-à-dire les altérations du langage par trouble intellectuel. Son originalité essentielle réside dans son caractère individuel, subjectif, par quoi il s’oppose à toute la production linguistique, normale, qui est, par essence, sociale et collective. Parfois, il s’inscrit dans le mouvement d’une activité ludique, comme on l’observe chez certains maniaques qui peuvent en arriver à s’exprimer dans une langue entièrement fantaisiste. Mais le plus souvent il répond à un trouble de la personnalité, profond et généralement durable, ce qui autorise à le considérer comme un indice de chronicité (Régis). Dans les délires bien systématisés, à structure paranoïaque, les néologismes sont stables et peu nombreux, servant par exemple à désigner les persécuteurs ou les procédés qu’ils utilisent. Dans les états à structure paranoïde ou schizophrénique, ils sont plus mobiles dans leur forme, plus nombreux, au point parfois de réaliser un langage néoformé, la glossolalie (Cenac). Signalons en terminant l’important travail, d’intérêt surtout historique, de Jean Bobon, de liège (Masson édit., Paris, 1952).

J.-M. Sutter.

Parc Montcalm, Laval
Le néologisme peut être utile en plusieurs cas. Montaigne le dit, et Montaigne a son poids. (Lorédan Larchey (1831-1902). Parc Montcalm à Laval, photo de GrandQuebec.com.

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