Myxœdème

Myxœdème en psychiatrie

Historique : Ord qui, le premier, signale en 1877 l’infiltration mucoïde des téguments chez des sujets ralentis et insuffisants, lui donna le nom de « myxœdème »; Gull avait, quelques années auparavant, rapproché du crétinisme des goitreux, les mêmes états rencontrés chez des femmes au moment de la ménopause. Charcot, peu après, appela le myxœdème « cachexie pachydermique ». Bourneville et Ollier, en 1888, décrivent le « myxœdème congénital », facteur à la fois de nanisme et d’idiotie. Ce n’est qu’entre 1880-85 que fut découvert le rôle capital de la glande thyroïde au point de vue étiologique : sa suppression opératoire (Reverdin, Kocrer) entraînait les mêmes accidents. Par la suite furent décrites des formes atténuées d’insuffisance thyroïdienne, dans lesquelles l’élément cutané était beaucoup plus discret ; un certain nombre de tests biologiques permirent de confirmer cette insuffisance glandulaire (fléchissement du métabolisme de base, élévation du cholestérol dans le sang, et actuellement l’épreuve de fixation de l’iode radioactif constamment abaissée, quelle que soit la forme d’hypothyroïdie (De Gennes).

Étiologie : Le myxœdème peut être congénital ou acquis.

– Congénital : A côté de l’agénésie et de l’hypoplasie thyroïdiennes il semble que l’on puisse invoquer soit des carences nutritionnelles post-natales ou fœtales, souvent associées à une endémie goitreuse, soit des troubles de la biogenèse des hormones thyroïdiennes (Stanbury et Querido). V. Crétinisme.

– Acquis: Le myxœdème post-opératoire est devenu exceptionnel. Les causes les plus classiques sont des atteintes infectieuses ou toxiques et les déséquilibres hormonaux de la ménopause. Il faut la part, dans l’interprétation de ces cas, et des mécanismes invoqués, comme pour les hyperthyroïdes, des facteurs diencéphalo-hypophysaires.

J. Decourt a insisté sur les formes hypophysaires du myxœdème non seulement pour en souligner l’intérêt pratique dans la conduite du traitement, mais également pour attirer l’attention sur des causes tumorales (crâniopharyngiome, adénome, chromophobe de l’hypophyse) souvent méconnues.

Étude clinique : 1) – Myxœdème congénital : Il n’est pas frappant d’emblée dès la naissance, mais c’est vers le 2e ou le 3e mois que l’on s’aperçoit que l’enfant est apathique et indolent, que toute curiosité fait défaut chez lui. Il est inerte ou ralenti dans tous ses mouvements et n’a rien d’un enfant qui s’épanouit à la vie. On s’aperçoit alors d’une sorte d’obésité anormale, d’une infiltration des téguments qui restent pâles, avec une certaine sécheresse ; le faciès est bouffi, « lunaire » comme on l’a dit, les paupières sont boursoufflées, les lèvres épaisses et la langue plus volumineuse qu’à ordinaire. Tous ces stigmates morphologiques iront en s’accusant ; au lieu de s’élancer la taille va rester petite et peut se fixer dans un véritable nanisme ; le retard psychomoteur est très apparent, la station debout, plus la marche, ne s’établissent que très tardivement ; quant à l’intelligence, c’est plus qu’un simple retard qu’elle accuse, c’est dans les cas intenses un arrêt total de développement ; c’est le tableau de l’idiotie myxœdémateuse, qu’un traitement glandulaire intensif longtemps continué pourra améliorer, mais qui fera toujours de ces enfants de gros arriérés ; le langage se développe peu o mal, l’affectivité elle-même subit la même carence et les mêmes retards.

2) Myxœdème de la seconde enfance et de l’adolescence. – Certains enfants classés comme arriérés au point de vue scolaire sont des insuffisants thyroïdiens ; quelques-uns présentent, à qui sait les rechercher, quelques signes de la série myxœdémateuse : peu légèrement sèche un peu plissée, cheveux fins et un peu rares, refroidissement des extrémités, frilosité ; mais il y en est qui n’ont d’autres stigmates qu’un certain infantilisme physique (Brissaud). Tous ont un degré plus ou moins marqué de torpeur intellectuelle, de difficulté d’application à l’étude, même de fatigabilité physique. En pareil cas, l’épreuve du traitement thyroïdien constitue le meilleur test avec la recherche du métabolisme de base toujours abaissé, et d’hypercholestérolémie.

On connaît enfin des sujets qui ont souffert dans leur enfance d’un myxœdème manifeste et l’ont vu s’arrêter définitivement, ils ont pu, par la suite, poursuivre leur essor intellectuel normal et accéder à des situations sociales intéressantes ; mais ils restent stigmatisés par une taille petite, des cheveux fins et menus, une peau sèche et très plissée, particulièrement au pourtour des lèvres ; à l’insuffisance thyroïdienne s’était ajoutée souvent une insuffisance génitale qui leur procure une voix enunchoïdale.

3) Myxœdème acquis de l’adulte. – A la suite de nombreuses maladies infectieuses, de certaines dérégulations neuro-endocriniennes comme la ménopause, parfois même sans raison apparente, on peut voir s’installer chez des adultes de petits syndromes myxœdémateux. Ces sujets sont généralement pâles et d’apparence bouffie, se plaignent d’asthénie ou de fatigue, l’entourage les trouve indolents ; ils sont frileux, ont souvent les extrémités refroidies, parfois des engelures ; s’il s’agit d’une femme, il y a fréquemment de l’aménorrhée avant l’âge de la ménopause ; un examen attentif montrera une pilosité diminuée, le raccourcissement du sourcil (signe de la queue du sourcil), des cheveux raréfiés, secs, cassants et, à défaut d’une infiltration franchement mucoïde des téguments, une tendance à l’obésité anormale ; la tension artérielle est basse et la température légèrement au-dessous de la normale; il s’ajoute souvent de petits syndromes anémiques. Sur le plan intellectuel, à côté de simples asthénies, il y a de véritables torpeurs intellectuelles, presque de la stupeur confusionnelle, et on a pu signaler dans certains cas de véritables psychoses oniriques ou des mélancolies délirantes, manifestations dont on souligne en général le polymorphisme et dont la sensibilité au traitement étiologique est inconstante.

Parfois ces états myxœdémateux s’intègrent dans un tableau plus complexe d’insuffisance pluriglandulaire, déjà décrits par H. Claude et Cézary et qui semblent correspondre à certains hypopituitarismes (maladie de Simmonds, syndrome de Sheehan) où la note dominante est une insuffisance thyroödienne. J. Decourt, qui s’est particulièrement attaché à l’étude de ces formes a également montré que le retentissement polyendocrinien du myxœdème pouvait donner des tableaux cliniques peu différents. Paull et Philipps, Staland, de Gennes et coll., ont publié des cas semblables.

Traitement : Il ne peut être que substitutif. Les extraits thyroïdiens en sont la base, même en cas de cause hypophysaire. La thyréostimuline, en effet, n’est pas d’usage commode (voie parentérale uniquement). La posologie varie selon l’âge du sujet et la gravité des troubles. Les résultats dépendent aussi de l’âge : dans le myxœdème congénital, il ne peut que relever un peu le quotient intellectuel mais non le ramener à la normale. Le pronostic est meilleur à l’adolescence mais il persiste souvent de petits troubles tels que maladresse, lenteur, émotivité, gênant plus ou moins l’adaptation sociale et professionnelle. Chez l’adulte, les résultats sont bons, à condition d’employer des doses massives au début au moins du traitement (de Gennes). Cette opothérapie est mal supportée par contre dans le myxœdème hypophysaire et J. Decourt insiste sur l’utilité d’une thérapeutique pluriglandulaire surtout associant A.C.T.H. ou cortisone.

Ant. Porot.

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