Mysticisme

Mysticisme

Le mysticisme philosophique est une doctrine qui, constatant l’impuissance de la raison humaine à résoudre les problèmes métaphysiques fondamentaux, s’adresse pour y supplier à une connaissance intuitive spéciale. Les Orientaux (Bouddhistes) pensent que c’est le seul moyen de se libérer du monde sensible. Tous se proposent d’atteindre une sorte de fusion avec le monde divin au cours de l’extase.

Les primitifs arrivent aux formes inférieures ou orgiastiques de cet état par des excitants du système nerveux (alcool et toxiques divers, musique, chants, danses) ; l’ascétisme, éclairé par la méditation intellectuelle et morale, par l’étude, par la maitrise de soi conduit à des états psychiques tout différents et, bien entendu, beaucoup plus différenciés ; le renoncement, la solitude, l’humilité, les mortifications – rude école – préparent les voies à la méditation et à la prière. Pour trouver Dieu, le mystique se dépouillera de toute connaissance sensible (la « nuit des sens »), imaginative et discursive. Il traversera de redoutables épreuves, des périodes de sécheresse, des épisodes morbides, hallucinatoires ou pithiatiques, des souffrances morales, des doutes des scrupules, des effondrements avant d’arriver à l’extase ou à ce summum de la vie spirituelle que l’on nomme état théopathique (Delacroix), union sereine et permanente avec Dieu que, seuls, les génies religieux peuvent atteindre.

Donc, même chez les mystiques authentiques, l’on peut observer épisodiquement des manifestations pathologiques, tribut payé à la nature humaine. Génies dans le domaine religieux, on peut dire d’eux, avec Bastide, (qui pensait à Gérard de Nerval et à Rimbaud) : « Le génie n’est pas la folie, mais il utilise tout à ses fins, même la folie »).

Le vrai mysticisme peut être difficile à différencier de certaines formes pathologiques ou simplement avortées, déviées du mysticisme. La supériorité du premier se reconnaît à l’extraordinaire reconstruction du moi qui succède à la période de détachement et de renoncement. Le faux mysticisme est, au contraire, un état de dissolution qui n’est suivi d’aucune création secondaire. Le premier, sans effort, rayonnera par ses œuvres et dans son apostolat; le second sombrera dans l’apragmatsme, le fanatisme ou le goût du néant.

Séméiologie – On réunit habituellement sous le vocable de mysticisme pathologique tous les états morbides qui comportent des préoccupations religieuses. Il y a là une regrettable confusion  qui résulte de la fréquence des manifestations d’allure mystique dans les délires à thèmes religieux ; mais il y aurait intérêt à ne pas utiliser ce terme en dehors des conduites précédemment évoquées.

Situons tout d’abord les vrais mystiques tels que nous venons de les connaître pour les distinguer des états pathologiques qui s’essaient à les imiter, n’aboutissant d’ordinaire qu’à une caricature. Rappelons que Dide range les premiers  dans le cadre psychologique (mais non psychiatrique) des idéalistes passionnés.

Cliniquement, les cas les plus embarrassants seront constitués par les hystériques, puisque les vrais mystiques eux-mêmes peuvent présenter des accidents névropathiques transitoires. Mais, chez ces derniers, nous trouvons la « chaîne », caractéristique de renoncement, d’ascétisme et d’élévation spirituelle, alors que l’hystérique banal montrera son passé de mythomane, des préoccupations actuelles habituellement érotiques, souvent une déception sentimentale récente. Ses visions, d’allure théâtrale, imprégnées de réminiscences romanesque ou d’images naïves, se produisent d’ordinaire au cours d’un démi-sommeil ou d’une extase. Ce sont des apparitions de personnages célestes, auréolés ou entourés d’une grande clarté, silencieux ou annonciateurs d’une mission religieuse. À ce moment, le sujet éprouve fréquemment des sensations voluptueuses.

Dans les délires chroniques progressifs, le thème mystique, moins fréquent de nos jours que le thème persécutif, comporte contrairement à ce dernier des hallucinations visuelles du type précédent avec ou sans révélations verbales concomitantes, ces révélations entendues ou lues sur d’immenses banderoles qui se déploient autour du personnage sacré. Même appoint érotique que dans le cas précédent. Mais, souvent, l’euphorie mystique fait place à toutes sortes de tourments suscités par le Diable : insultes, brûlures, piqûres, viol brutal ou sodomisation, possession avec contorsions, obscénités, blasphèmes, comportement d’animal, etc. Toutes les variétés d’hallucinations se combinent pour imposer cette transformation de la personnalité.

La lutte du principe du bien et du principe du mal chez le même sujet constitue le Manichéisme délirant.

Chez le mélancolique, c’est la possession par le principe du mal que l’on observe, plus ou moins complète, associée parfois à une lucidité spéciale (divination).

La mégalomanie du paralytique général, du maniaque et de quelques débiles fabulateurs, de certains délirants leur donne le sentiment d’être un saint, la Vierge, Dieu lui-même.

Il existe une forme religieuse de psychose passionnelle revendicatrice : il s’agit de déséquilibrés dévots qui, à la suite d’une déception, d’une sanction par l’autorité ecclésiastique, d’une érotomanie évolutive, poursuivent de leur haine un prêtre ou un prélat. Menaces, calomnies, voies de fait, homicide parfois, caractérisent leurs réactions et motivent un examen médico-légal. Exemple : les flagellations du curé de Bonbon ; sectatrices de Notre-Dame-des-Pleurs à Bordeaux ; l’abbé Verger, assassin de Mgr Sibour.

Jouant sur le sentiment religieux de sujets suggestibles, des aliénés sthéniques arrivent à entraîner des sujets sains dans une véritable psychose collective.

H. Aubin

mysticisme
« Ce qui est mystique ce n’est pas comment est le monde, mais le fait qu’il est. » (Ludwig Wittgenstein, né en 1889, décédé en 1951, philosophe et logicien autrichien. Tractatus logico-philosophicus). Image : © Megan Jorgensen.

Manichéisme délirant

Le manichéisme ou doctrine de Manès et de ses disciples, les manichéens (IIIe siècle), est fondée sur l’opposition de deux principes essentiels qui ont créé et régi le Monde : le Bien et le Mal, Dieu et le Diable, et qui se livrent une lutte éternelle.

Cette opposition peut se retrouver assez fréquemment dans certains thèmes délirants : c’est le manichéisme délirant de Dide et Guiraud. Il consiste dans la division du monde en deux fractions qui s’opposent en une guerre à laquelle le délirant, bien qu’il en soit l’objet, assiste sans y participer (Lafon et Maurel).

Cette attitude de spectateur détaché et indifférent suppose un délire déjà très évolué, dépouillé de tout support affectif (démences vésaniques et états terminaux des psychoses délirantes chroniques). On ne le rencontre guère dans le délire d’interprétation du type Sérieux et Capgras qui ne détériore pas la personnalité. Par contre, il est précoce dans les délires paranoïdes.

Un des fondements du manichéisme est de séparer le monde en deux : le royaume de la lumière, le royaume de la Vie divine, où s’exprime ce qui est de l’éternité ; le royaume des ténèbres, le royaume de la matière, le royaume des « morts », où s’exprime ce qui est de l’espace/temps.

Prémonitions, Monitions, Pressentiments

Monition : Phénomène subjectif (intuition, malaise cénesthésique avec représentations plus ou moins précises, parfois hallucinatoires) qui nous avertit d’un événement que nous ne pouvons connaître par un moyen naturel; par exemple : accident grave survenant chez un parent éloigné de nous, mort subite ou inattendue, etc.

Cet avertissement est synchrone de l’événement. S’il se produit à l’avance, on dit qu’il y a prémonition. Le terme de pressentiment est habituellement réservé aux prémonitions imprécises : on a seulement le sentiment d’une joie ou d’une malheur ou d’un événement grave en préparation.

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