
Maladie de Basedow en psychiatrie
Les manifestations psychiatriques en sont relativement bien connues en raison de leur fréquence, de leur importance, et surtout des problèmes qui se rattachent à leur observation: authenticité de leur déterminisme thyroïdien, rapport causal entre thyroïde et certaines psychoses, déterminisme inverse de certains basedows par une cause apparemment psychique, etc. Actuellement, si un doute est émis sur la validité de certaines observations et le cadre des «psychoses thyroïdiennes» rétréci, l’intérêt de leur étude est loin d’être diminué.
a) Classiquement : on décrit dans la maladie de Basedow un certain nombre de troubles de l’humeur et du caractère: instabilité, hyperémotivité, hyperactivité désordonnée et surtout fatigabilité (pseudomyasthénie à l’extrême), irritabilité, anxiété. L’insomnie ne manque jamais au tableau. Ces troubles sont ordinairement attribués comme le tremblement aux désordres neurovégétatifs de la maladie. Il n’y a pas de déficit intellectuel en règle générale.
Une organisation plus franchement névrotique de ces troubles peut se voir. On a ainsi décrit des manifestations à type d’hystérie et surtout des névroses obsessionnelles.
Actuellement, il semble que l’on doive faire dans l’interprétation de ces troubles une part importante au terrain constitutionnel des malades. Il existerait une «personnalité basedowienne» faite de tendances hyperémotives, de vulnérabilité, d’immaturation affective et sexuelle (MILNE: 90 % de «désadaptés sexuels») et sur laquelle le moindre traumatisme psychologique pourrait dans l’immédiat ou à plus longue échéance avoir un rôle fortement pathogène (G. LAROCHE, COURCHET, MILNE, BEBEDEK).
Les «para-basedows» ne présentent de ce point de vue aucune différence notable.
Ces données s’intègrent particulièrement bien avec ce que la médecine psychosomatique et aussi l’expérience clinique nous enseignent sur les causes psychiques de la maladie de Basedow, et c’est là sans doute ce qui en atteste le mieux la légitimité.
b) Les psychoses basedowiennes comprennent en fait deux ordres de manifestations:
– Des accidents aigus, confusionnels, dont DELAY et BOITELLE distinguent deux formes de gravité différentes: la première réalise un tableau de délire aigu rapidement mortel; la deuxième est de type confuso-onirique et curable. Sans spécificité aucune, ces troubles sont ceux de toute atteinte toxique de l’organisme.
Ces troubles surviennent, soit au cours d’une poussée évolutive, soit au cours d’un traitement par thyroïdectomie, I 131 ou anti-thyroïdiens de synthèse. GAYRAL et DAUTY pensent que la brusque inondation de l’organisme par la T. S. H. (thyréostimuline) dans ces derniers cas est la cause la plus vraisemblable de ces crises «hypothyroxinémiques». L’expérimentation confirmerait cette hypothèse et ces auteurs soulignent la toxicité particulière et élective de la T. S. H. pour le parenchyme diencéphalo-basilaire. Ceci est également en accord avec le schéma de MAHAUT de la régulation thyroïdienne.
– Il existe d’autre part un certain nombre d’observations de psychoses, manie, mélancolie, essentiellement, et certains cas de délire hallucinatoire dont il est difficile d’affirmer qu’elles sont à proprement parler thyroïdiennes, mais dont il est tout aussi difficile de nier l’existence, en relation avec une authentique maladie de Basedow. Il en est de même de troubles «schizophréniformes». Ce qui est certain, c’est que tout disfonctionnement thyroïdien est susceptible d’aggraver une psychose qui lui est pré-existente et que, de toute façon, on ne saurait assez recommander la prudence en ce qui concerne le traitement de ces malades pour lesquels la thyroïdectomie est contre-indiquée.
— Quant aux formes psychiques pures de la maladie de Basedow, de GOSSA et SASSI, leur existence reste admise: il s’agit de troubles neurovégétatifs, d’accès dépressifs et anxieux, parfois de bouffées confusionnelles, ou de psychoses dont l’étiologie n’est décelable que biologiquement, les signes somatiques de l’affection étant habituellement absents.
Notons que les troubles mentaux attribués à la thyroïdectomie se comprennent mieux à l’aide de ces données: les délires paranoïaques n’ont aucune spécificité autre que celle du terrain sur lequel ils surviennent: comme pour les bouffées anxieuses ou obsessionnelles, il s’agit de mauvaises indications opératoires, souvent d’erreurs de diagnostic, et n’importe quelle intervention chirurgicale dans des conditions analogues serait capable de provoquer en apparence de tels troubles mentaux.
Les accidents confuso-oniriques et le déséquilibre caractériels graves post-opératoires chez des basedowiens vrais peuvent être considérés «comme séquelles d’une hyperstimulinie aiguë post-opératoire» (GAYHAL et DAUTY).
L’importance reconnue dans le déclenchement de certaines de ces manifestations psychiatriques de la sécrétion hypophysaire et de l’hyperstimulinie par la T. S. H. ne permet pas de distinction tranchée du point de vue clinique entre formes thyroïdiennes pures et formes diencéphalo-hypo-physaires pures. Ces dernières seraient un fait assez rare (DE GENNES). Il paraît toutefois légitime sur le plan pathogénique d’attribuer les troubles graves tels que coma, accidents confuso-oniriques, délires aigus, à une hyperproduction relative de T. S. H. tandis que les troubles de l’humeur et du caractère seraient plus proprement thyroïdiens. GAYRAL et DAUTY qui ont proposé cette distinction ont également souligné dans les formes authentiquement diencéphalo-hypophysaires la gravité fréquente des désordres mentaux: anxiété, psychose maniaco-dépressive, tendances obsessionnelles marquées, confusion mentale. La coexistence de troubles neurologiques a été relevée dans un certain nombre de ces cas : maladie de Parkinson (ALAJOUANINE, RISER et GEHAUD), syndromes myatoniques et myasthéniques (GILBERT-DREYFUS, GUINET, cités par GAYRAL et DAUTY).
Traitement: il ne faut donc jamais négliger le facteur diencéphalo-hypophysaire (DE GENNES) et surtout lorsque existent des troubles mentaux il faudra se méfier de thérapeutiques anti-thyroïdiennes, médicales (anti-thyroïdiens de synthèse; I 131) et leur associer des freinateurs hypophysaires, dont les plus efficaces jettent certainement les œstrogènes -thyroxine à doses convenables. La chirurgie est à éviter de préférence (TUSQUES).
Nous ne pouvons ici entrer dans toutes les nuances de traitements qui doivent s’adapter à chaque cas particulier et les principes très généraux étant posés, nous renvoyons pour le détail des posologies aux traités d’endocrinologie.
L. MONDZAIN.

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