Langage

Langage et ses fonctions

Définition : Le langage est le mode et la fonction d’expression de la pensée par le système des symboles verbaux. Il s’extériorise par la parole, mais peut rester un processus purement mental qu’on appelle alors langage intérieur.

Développement : L’enfant normal porte en lui les potentialités du langage. Mais si on le laissait à l’abandon, il ne parlerait pas et ne parviendrait qu’à un système phonétique embryonnaire. Le langage suppose, peut-être plus que toute autre fonction, l’interaction constante de l’individu et de son milieu humain, l’exemple d’un modèle à imiter, l’existence d’un système auquel il devra s’adapter. Dans cette élaboration on peut distinguer divers stades :

1) Le stade prélinguistique commence par le cri qui, de simple réflexe nociceptif, devient l’expression d’un désir non satisfait, puis d’un appel à l’entourage. À partir du deuxième mois, il se module en vocalisations de plus en plus complexes (lallation, balbutiements) , qui sont d’abord un jeu anarchique comparable à la manière dont l’enfant explore toutes ses possibilités motrices volontaires. Certains groupes phonétiques se stabilisent et prennent une signification – l’enfant coordonne ses efforts et les oriente.

2) Vers le neuvième mois, en général, se situe le début du stade linguistique proprement dit : c’est d’abord la compréhension de quelques formules simples, puis l’élaboration des premiers mots que l’enfant modèle sur les phonèmes qu’il entend. Pendant plusieurs mois, il n’« utilise qu’un petit nombre de mots » (papa, maman, dada, etc.), chacun avec des significations de plus en plus nuancées, ayant valeur de phrase (stade du mot-phrase). Puis, le vocabulaire s’enrichit (noms des personnes familières, négation, affirmation, noms de choses) et aboutit à la découverte du verbe qui permet la construction des premières phrases (style petit-nègre). Après avoir parlé de lui-même à 3e personne, l’enfant, prennant conscience de son « moi », emploie la 1e personne à partir de la 4e année et accède ainsi aux structures grammaticales essentielles.

Psychophysiologie : Du point de vue neuropsychique, l’acquisition du langage présuppose le concours de conditions biologiques fondamentales. Avec Pichon, on peut en retenir 3 : l’impulsion affective – désir de communiquer avec l’entourage; les capacités de connaissance et de mémorisation – indispensables pour assimiler et imiter le langage de l’entourage ; les instruments sensorimoteurs adéquats – qui permettent l’audition, la compréhension et l’élocution.

Au cours de son développement et après son achèvement, le langage est polyvalent : Ombredane a bien étudié ses divers usages, qui correspondent d’ailleurs à des degrés successifs d’intégration :

  • L’usage affectif est le plus primitif. Il est de structure rudimentaire (agramatical) et revêt son aspect typique dans l’interjection abréactionnelle.
  • L’usage ludique : litanies et jeux syllabiques chez l’enfant, jeux de mots et calembours chez l’adulte.
  • L’usage pratique : ordres, défenses, indications de gestes ou d’objets requis par une situation et visant immédiatement à l’action. C’est le langage du chef dirigeant une opération, des ouvriers travaillant en équipe.
  • L’usage représentatif : description, explication, narration tendant à figurer un objet ou à reproduire verbalement une situation.
  • L’usage dialectique, le plus abstrait, celui de la discussion, de l’argumentation, de la démonstration.
  • Ces divers procédés de langage son couramment mis en jeu chez l’adulte et se combinent selon les situations en obéissant à une loi d’économie : « L’individu tend à n’utiliser que les procédés les plus inférieurs qui suffisent au succès d’une tâche déterminée » (Ombredane).

Troubles du langage : Sans envisager ici les troubles engendrés par les lésions des zones cérébrales du langage, ni les modifications linguistiques observées dans certaines psychoses, on peut diviser les altérations du langage en deux groupes : les unes correspondent à des anomalies ou des lésions purement « instrumentales », sensorielles ou motrices (surdi-mutité, audi-mutité, dyslalies, dysarthries) ; les autres se présentent comme des retards évolutifs du langage presque toujours associés à d’autres retards psychiques ou à des états névrotiques.

Troubles d’origine sensorielle ou motrice

  • Surdi-mutité : l’enfant qui n’entend pas ni dispose que d’un mode de relation spontané : celui de gestes. Ce qui peut être appris du langage parlé reste artificiel et a toujours besoin du secours des gestes. Le pouvoir d’abstraction est particulièrement précaire.
  • Dans les surdités incomplètes du nourrisson, certains phonèmes ne peuvent être perçus et seront émis d’une façon défectueuse. Quand la surdité est acquise à l’âge adulte, le langage ne se modifie que dans son timbre et son intensité tonale.
  • Audi-mutité : la mutité peut se présenter chez des enfants dont l’audition est normale. Il s’agit alors soit d’une agnosie auditive congénitale (J. Ley), soit de troubles ataxiques ou apraxiques entravant le développement de l’élocution.
  • Les dyslalies sont dues à des malformations ou lésions des organes phonateurs (nez, voile, palais, larynx, langue, dents, lèvres). Les troubles de l’élocution revêtent alors des caractères spécifiques selon l’organe atteint et s’associent à d’autres troubles fonctionnels (respiration, déglutition, etc.).
  • Les dysarthries réunissent les troubles articulaires dus aux atteintes supranucléaires des neurones mis en jeu dans le langage. On distingue ainsi les dysarthries extrapyramidales des parkinsoniens (avec parfois palilalie), des wilsoniens et des choréiques, les dysarthries pyramidales, les dysarthries cérébelleuses. Souvent, il y a participation de plusieurs systèmes : c’est le cas de la dysarthrie des paralytiques généraux, des pseudo-bulbaires.
    2) Anomalies de développement. –

Il existe une audi-mutité idiopathique (J. Ley) en rapport avec un retard de développement des fonctions praxiques, un état de débilité motrice plus général et une certaine insuffisance intellectuelle.

Dans les blésités, on voit persister chez l’enfant et même chez l’adulte des mutations phonétiques vicieuses appartenant aux stades primitifs : substitutions de voyelles (« poto » pour « bouton »), mutations de consonnes (« sien » pour « chien »). Parallèlement, il y a presque toujours un retard du développement (marche, dentition) et parfois des troubles caractériels (Ombredane, Froment et Feyeux).

Le bégaiement est un désordre prédominant sur le rythme. Il apparaît généralement vers la 5e année. On distingue des formes cloniques avec répétition saccadée de certains phonèmes, des formes toniques avec contraction spasmodique des organes phonateurs précédant une émission explosive, des formes inhibitoires avec sidération momentanée de tout effort d’élocution. Le rythme respiratoire est toujours troublé pendant l’émission verbale. Par contre, le bégaiement disparaît complètement dans le chant. Avec Chervin, on a attribué un rôle aux émotions brutales dans son étiologie. Des auteurs américains (Clairborn, Jasper) ont montré la fréquence de la gaucherie ou de l’ambidextrie chez les bègues et ont insisté sur les conflits qui en résultent dans l’éducation psychomotrice. D’autres (Seemann) invoquent des anomalies d’origine striato-pallidale. Mais, selon Pichon et Mme Borel-Maisonny, les facteurs les plus importants seraient d’hérédité similaire, le bilinguisme au moment de l’apprentissage du langage, le retard de l’élocution, les conflits affectifs d’origine familiale.

Traitement. – Mises à part les dyslalies qui sont souvent redressables par la chirurgie et l’orthodontie, tous les autres troubles du langage de l’enfant, et en particulier le bégaiement, sont justiciables d’une rééducation méthodique de longue haleine qui doit être confiée à une personne spécialisée en la matière ; exercices phonétiques et respiratoires, pédagogie systématique aidant l’enfant à penser avec clarté et à acquérir la maîtrise de son clavier linguistique. La psychothérapie est un adjuvant indispensable dans tous les cas où il y a des manifestations névrotiques ; la psychanalyse est parfois la méthode la plus sûre et la plus complète.

Th. Kammerer.

On veut pas l'sawouère on veut le wouère ! (Yvon Deschamps, humoriste québécois). Image : © Megan Jorgensen.
On veut pas l’sawouère on veut le wouère ! (Yvon Deschamps, humoriste québécois). Image : © Megan Jorgensen.

Les six fonctions du langage

Roman Jakobson et ses Essaies de linguistique générale

Roman Jakobson a mis en évidence les six fonctions du langage qui correspondent aux six éléments de base de la communication orale ou écrite

Roman Jakobson, célèbre linguiste américain, dans ses Essaies de linguistique générale, parus en 1963, est le premier à mettre en évidence les six fonctions du langage qui correspondent aux six éléments de base de la communication orale ou écrite.

Pour qu’il ait communication, il faut tout d’abord deux intervenants (locuteurs) : l’émetteur – destinateur et le récepteur – destinataire. Ces intervenants échangent un message.

Pour que le message se réalise, trois paramètres doivent être pris en compte :

Le récepteur et l’émetteur doivent partager un code identique;

Un support matériel doit permettre la transmission du message et le maintien de la communication – c’est le canal (papier, vois, ondes hertziennes, etc.);

Le contexte ou le référent doit être saisissable par le récepteur. Ce contexte constitue ce à quoi renvoie le message.

À ces six éléments : l’émetteur – le message – le récepteur – le code – le canal – le contexte correspondent six fonctions essentielles :

  • La fonction expressive ou émotive, centrée sur l’émetteur. Elle exprime la charge émotive, contenue dans le message.
  • La fonction conative ou impressive est destinée à produire un effet sur le récepteur.
  • La fonction référentielle – la fonction première du langage, consiste à informer de façon objective.
  • La fonction phatique ou de contact. Cette fonction sert à établir, prolonger ou interrompre la communication et permet de s’assurer du bon fonctionnement du canal.
  • La fonction métalinguistique qui intervient chaque fois qu’il est nécessaire de clarifier des éléments du code.
  • La fonction poétique porte sur la forme même que prend le message (la manière de dire). Elle fait appel à différents procédés linguistiques (figures de style et autres).

De ce qui précède on peut déduire que la communication est l’ensemble des rapports entre individus qui échangent des messages et partagent les mêmes codes. La communication est plus spécifiquement la mise en relation entre un émetteur et un récepteur qui manifestent l’intention d’échanger les signes d’un code. Un code est l’ensemble des règles qui assurent le fonctionnement de la communication.

Coprolalie

Langage grossier, ordurier. Assez fréquent chez de simples timides (mécanisme de compensation) et tout spécialement au sortir de l’adolescence où il exprime le besoin d’autonomie, le désir de virilisme. Il est volontiers l’expression de préoccupations érotiques ou du besoin d’opposition (braver l’opinion et ses interdictions).

Dans certains états pathologiques (manie, par exemple), sa signification reste la même; le malade, après guérison, en aura honte et alléguera une amnésie qui n’est souvent qu’une forme de reniement. Dans les états chroniques (délires progressifs, schizophrénies), ces termes tendent à se stéréotyper ou à engendrer des néologismes.

Une forme spéciale mérite d’être mentionnée : c’est la maladie de Gilles de la Tourette, qui associe tics et coprolalie. On y observe de brusques décharges de mouvements coordonnés, plus ou moins étendus, associées à une émission explosive d’expressions ordurières, d’insultes ou de blasphèmes.

Ces deux dernières représentent un équivalent de la magie de la parole et correspondent à un rite conjuratoire déguisé.

H. Aubin.

Tachyphémie

Troubles du langage parlé consistant en un débit accéléré, souvent à caractère explosif.

Ce désordre, de nature psychomotrice, tient le plus souvent à une atteinte organique ou fonctionnelle des centres d’initiative motrice du langage, rangés dans la série des centres régulateurs de la fonction motrice.

Aussi voit-on la tachyphérmie dans les altérations pallidales, dans les séquelles d’encéphalite où elle s’associe à d’autres manifestations neurologiques du type souscortival (palilalie, tremblement, rigidité, myoclonies, inhibition, émotive, etc.).

Palilalie, Palilogie, Paligraphie, Palikinésie

La palilalie est un trouble du langage parlé consistant en une répétition itérative de syllabes, de mots ou de courtes phrases. Ce trouble s’associe souvent à la tachyphémie. La palilalie peut alterner avec des phases de mutisme (Babiski, Sterling).

G. Lévy distingue :

– la tendance palilalique (répétition inconstante de quelques mots);

– la palilalie simple;

– la grande palilalie qui comporte la tachyphémie avec aphonie terminale. Ce trouble traduit une perturbation dans la régulation des actes volontaires, et paraït bien un désordre moteur d’origine sous-corticale. Ce phénomène purement neurologique (Guiraud) s’observe chez les pseudo-bulbaires, les parkinsoniens, les sujets atteints de maladie de Pick. Il peut coexister aussi des troubles de viscosité mentale et d’hyperémotivité anxieuse (Claude, Petit).

À la palilalie s’associent souvent des phénomènes d’écholalie, d’échopraxie, groupes voisins mains non identiques.

La palilalie doit être différenciée des stéréotypies verbales des hébéphrénocatatonies, où le trouble est essentiellement dû à un désordre psychique.

  • La palilogie est une variété de palilalie décrite par Trenel dans l’épilepsie : certains sujets intercalent au milieu de mots incohérents et incompréhensibles une phrase bien construite et répétée un certain nombre de fois. Guiraud a fait remarquer qu’en plus de la palilalie, il y a dans la palilogie loquacité anormale et automatique, donc trouble complexe du langage.
  • La paligraphie est l’équivalent de la palilalie dans l’écriture (répétition itérative de mots ou de fragments de phrases). S’observe dans les mêmes conditions que la palilalie.
  • La palikinésie est la répétition itérative, en série, de gestes ou de mouvements.

Ant. Porot.

Voir aussi :

Laisser un commentaire